Par Louis Nga Abena – louisngaabena@yahoo.fr
Entre Cécile Nga Bala et Jean Mbarga ce n’est pas le grand amour. Ils se disputent le vaste patrimoine immobilier légué par Damien Kono à Nkolmeyang une localité située à Nkolafamba dans le département de la Mefou-Afamba. Feu Kono, décédé en 1985, était marié à Mme Nga Bala et serait le «père» de M. Mbarga. En tous cas, en février 2015, cette dame âgée de plus de 80 ans a entrepris l’immatriculation directe des parcelles de terrains disputées en ne mentionnant dans sa requête que son nom et ceux de ses deux filles : Bernadette Mvondo et Régine Nga Essama comme étant les seules bénéficiaires du titre foncier sollicité.
Le problème : M. Mbarga estime qu’il est le grand oublié de cette procédure d’immatriculation alors qu’il est le fils adultérin de feu Kono. De plus, c’est sans qualité que sa belle-mère a initié ladite procédure. Le Tribunal administratif de Yaoundé a amorcé l’examen du dossier le 17 août dernier en l’absence des Kono. Et s’est uniquement déclaré compétent à examiner le fond du litige.
C’est Mme Nga Bala et ses deux filles qui ont porté l’affaire devant la justice. Les trois dames sollicitent l’annulation du procès-verbal de règlement de litige dressé le 20 août 2015 par la commission consultative présidée par le sous-préfet de Nkolafamba en rapport avec le différend qui les oppose à M. Mbarga dans leur village.
Jugement supplétif
La vieille dame et ses filles prétendent en effet que Crescence Mfegue, la mère de leur adversaire, l’a laissé dans leur village en 1985 prétextant que c’est feu Kono qui est le père de son enfant né en 1958. Plus tard, pour revendiquer sa part d’héritage, Mbarga s’est lui-même prévalu d’un acte de naissance présentant le défunt comme son père. Mais leurs propres enquêtes autour de ce document leur ont permis de découvrir qu’il s’agissait plutôt d’un faux acte de naissance. Au lieu de Damien, il y était écrit Daniel (Kono) comme prénom du père. De même, elles ont pris connaissance d’un jugement supplétif rendu par le Tribunal coutumier de Nomayos le 9 mars 1985 autorisant à l’officier d’état civil d’établir un acte de naissance à M. Mbarga. Dans ce jugement, c’est le nom de Zacharie Nguini Tabi, du clan Mvog Amougou, qui est mentionné comme père.
Au vu de ces éléments, M. Mbarga était traduit devant le Tribunal de grande instance (TGI) de la Mefou- et-Afamba pour les faits qualifiés de faux. Leur adversaire s’est tiré d’affaires avec une condamnation à un an d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans. Ce jugement confirmé par la Cour d’appel du Centre est devenu définitif.
Croyant avoir fait le plus dur, M. Mbarga a ouvert un nouveau front en formulant cette fois une opposition à leur demande d’immatriculation à la sous-préfecture de Nkolafamba. Dans sa requête en opposition, M. Mbarga s’offusque de ce que son nom ne figure pas parmi les bénéficiaires du titre foncier sollicité. Or, faisait-il savoir, il dispose de deux maisons en dur ainsi que des tombes de ses enfants et celles de ses parents sur le site objet de l’immatriculation attaquée. «Mme Kono née Nga Bala ne saurait dépasser le cadre légal d’usufruitière (droit de veuve, ndlr) pour se prévaloir du rôle d’héritier légal dont je suis le seul bénéficiaire à ce jour», indiquait-il.
Le 20 août 2015, la commission consultative présidée par le sous-préfet et chargée de constater l’occupation ou l’exploitation du site à immatriculer a examiné l’opposition de M. Mbarga en présence des protagonistes. Parmi les résolutions, ladite commission a décidé que la portion de terrain sur laquelle le plaignant dispose des biens et des tombes lui revenait d’office, le reste de terrain était octroyé aux trois dames. La commission justifiait cette décision visait «par le souci d’harmonie et de préservation de la paix sociale»
Acte préparatoire ou exécutoire ?
Mais Mme Nga Bala et ses filles estiment que cette décision est entache d’un excès de pouvoir. Elles ont saisi la justice après avoir échoué à faire retirer le PV attaqué auprès du gouverneur de la région du Centre et le ministre des Domaines, du Cadastre et des affaires foncières (Mindcaf). Elles font le reproche à la commission consultative d’avoir «non seulement validé le faux ourdi par M. Mbarga concernant sa filiation, mais aussi violé les dispositions de l’article 9 du décret de 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier». Selon cette disposition, seuls les membres des collectivités originaires d’un site à immatriculer peuvent bénéficier d’une immatriculation directe. Or, l’acte de naissance de M. Mbarga étant un faux, il ne saurait plus jouir d’une telle mesure parce que n’étant pas Mvog Manga, le nom de leur collectivité coutumière.
En prenant ses réquisitions, le ministère public a estimé que le juge administratif n’est pas compétent à examiner l’affaire. Selon lui, «le PV attaqué n’est pas un acte administratif, mais un acte préparatoire à l’établissement d’un titre foncier. Par conséquent, il n’est pas exécutoire»
Peu avant, le juge rapporteur qui a préalablement analysé les arguments des parties a suggéré le contraire au tribunal. Selon lui, c’est l’autorité administrative qui compose la commission consultative. De ce fait, les actes posés par ladite commission peuvent être examinés par le juge administratif s’ils causent du tort à un tiers. Le tribunal l’a suivi.