Par Louis Nga Abena – louisngaabena@yahoo.fr
Le cœur de Virginie Chantale Eyoho Njaba épouse Nsasso bat la chamade. La date du 19 mai 2021 est bien inscrite dans son agenda. Ce jour-là, la collégialité des juges qui examine le dossier de l’affaire qui l’oppose à la Cameroon Postal Service (Campost) a prévu rendre le verdict. La dame passe en jugement pour le détournement présumé de 53,6 millions de francs. Un supposé forfait perpétré à l’époque où elle occupait les fonctions de chef du bureau des postes de Loum, localité située dans le département du Moungo.
Mercredi dernier, 5 mai, chaque camp a exposé ses derniers arguments dans cette procédure. Pendant ses réquisitions finales, le ministère public est d’abord revenu sur le fond de l’affaire avant de demander que l’accusée soit déclarée coupable. Il explique que du 4 au 7 septembre 2017 une mission de vérification de la Campost avait séjourné dans la région du Littoral dans le but de contrôler la gestion de certains bureaux de poste de cette région. C’est ainsi que le bureau de Loum avait subi un contrôle inopiné visant à examiner l’utilisation des logiciels informatiques nouvellement installés dans les services visités. A cette époque, c’est Mme Eyoho Njaba qui en était le receveur.
L’accusation indique que la mission avait mis en lumière plusieurs irrégularités dans la comptabilité de la mise en cause. De fait, lorsqu’une client effectuait un versement dans son compte bancaire domicilié dans le bureau de poste de Loum, tantôt Mme Eyoho Njaba n’inscrivait l’opération que dans le carnet d’épargne du client mais pas dans se documents comptables, tantôt le montant versé par le client était minoré lorsqu’elle daignait mentionner la transaction dans sa comptabilité. Parfois les opérations étaient plus tard régulariser à travers un «mode de rattrapage». Selon l’accusation, c’est 28 comptes qui ont subi le maquillage déploré occasionnant la distraction de 45,6 millions de francs.
Preuves insuffisantes
Outre la pratique déplorée, la mission avait également découvert un déficit de caisse de 7,6 millions de francs. Le ministère public précise que Mme Eyoho Njaba avait signé le rapport dressé par la mission sans émettre la moindre réserve.
Mais lors du jugement, Mme Eyoho Njaba a nié les faits. «Il ne s’agit pas d’analyser, d’évaluer les performances d’un mécanisme de la Campost sur le logiciel informatique, mais plutôt d’une anomalie constatée dans la gestion d’un bureau de poste», a estimé le ministère public.
Lors de sa plaidoirie, Me Njambe, l’avocate de l’accusée, a contesté le mode de contrôle de la gestion de sa cliente. «Comment peut-on affirmer qu’une opération de versement a été portée dans le carnet d’un épargnant mais ne figure pas dans la comptabilité de la Campost, sans produire ni ledit carnet ni le document comptable où la trace de ladite opération serait manquante ?» Elle estime que la fraude imputée à sa cliente est imaginaire, car en dépit de «l’insuffisance de preuves», aucun des 28 épargnants supposément abusés n’a déposé une plainte. «Aucune plainte d’un client, mais vous affirmez quand même que les opérations normalement effectuées étaient des opérations fictives». La balle est désormais dans le camp du tribunal qui a prévu rendre sa sentence ce 19 mai. Rappelons que Mme Eyoho Njaba a été placée en détention provisoire il y a 4 ans d’abord écrouée à la prison de Mbanga, puis à la prison centrale de Yaoundé.