Il est dépossédé de son terrain à cause d’une dette impayée

Par Louis Nga Abena – louisngaabena@yahoo.fr Ancien cadre à la Fédération camerounaise de football (Fecafoot), M. Bekono Dieudonné Aimé a remporté une autre victoire d’étape dans le litige foncier qui l’oppose devant le Tribunal administratif du Centre à M. Mbagofa Tchokotcheu Ambroise, directeur de société. Les deux hommes se disputent un terrain d’une superficie de 2 mille mètres carrés se trouvant au quartier Nkolnda dans la périphérie de Yaoundé. Le terrain en question sur lequel M. Bekono dit avoir construit sa maison familiale estimée, selon lui, à 50 millions de francs, et où sont enterrés ses morts, est couvert par le titre foncier N°2306/Mefou et Afamba. En fait, ce titre de propriété appartient initialement à M. Bekono, mais a fait l’objet d’une « mutation totale » au profit de M. Mbagofa Tchokotcheu à la suite d’une histoire de dette mal réglée. Il se trouve que l’ancien cadre de la Fecafoot dénonce l’opération. Il affirme avoir été dépossédé de son « patrimoine familial » de manière frauduleuse. Introduit en 2016, son recours en annulation de la mutation contestée a été examiné et jugé recevable le 13 juin 2023, le tribunal ayant rejeté l’exception d’incompétence formulée par son adversaire. Dans son recours, M. Bekono raconte en effet que courant 2007, alors « confronté à quelques difficultés financières », il a obtenu un prêt de 3,2 millions de francs auprès de M. Mbagofa Tchokotcheu. « Pour garantir le remboursement de cette somme », il a « simplement déposé son titre foncier N°2306/Mefou et Afamba à l’étude de Maître Messina Nguini, notaire associé basé à Yaoundé ». Ce dépôt ne signifiait aucunement hypothèque de son immeuble, dit-il. Expulsion forcée Alors qu’il s’était « acquitté d’une partie de la dette », M. Bekono dit avoir été « surpris de recevoir » la notification d’une assignation (plainte) l’invitant à comparaître devant le juge de l’urgence (référé d’heure à heure) du Tribunal de première instance (TPI) de Mfou le 7 janvier 2015. C’est au cours des débats au sujet de cette procédure dans laquelle son adversaire sollicitait son « expulsion » du terrain querellé que « M. Mbagofa Tchokotcheu brandira un acte notarié sur une feuille de papier à la qualification imprécise qui évoque à la fois l’affectation en premier ordre d’hypothèque [le terrain] objet du titre N° 2306/Mefou et Afamba ». Dans ledit document « répertorié à l’étude de Maître Messina Nguini sous le 26274 les 10/05/07 et 1 er /07/2009» , il est mentionné qu’il marque son « acceptation qu’il soit procédé à la réalisation de la vente de l’immeuble sus désigné au profit de M. Mbagofa Tchokotcheu ». Sans ambages, M. Bekono oppose de façon péremptoire que l’acte notarié évoqué « est un véritable faux » pour la raison qu’il « n’a jamais signé chez Maître Messina Nguini, qui ne le connaît pas physiquement, ni ce fameux acte, ni une convention d’hypothèque, encore moins un acte de vente de son [terrain] ». De plus, trouve-t-il, « la présence de Maître Messina Nguini dans cette manœuvre est plus surprenante et frauduleuse parce que ce notaire qui est domicilié à Yaoundé [département du Mfoundi] n’est pas territorialement compétent pour recevoir un acte translatif de droit foncier concernant l’immeuble situé dans [le département de] la Mefou et Afamba». Selon lui, c’est grâce « à la complicité » de ce notaire que son adversaire a fait main basse sur sa propriété. Devant la barre, M. Bekono a répété n’avoir « jamais donné [son] consentement » à la cession de son terrain qui s’est déroulée « en catimini », assure-t-il. Or, malgré ces arguments le juge de référé du TPI de Mfou a ordonné son expulsion du site à problèmes. Mais le plaignant dit avoir obtenu la suspension des effets de cette décision devant la Cour d’appel du Centre. Autant il a attaqué en nullité l’acte notarié critiqué devant le juge civil du Tribunal de grande instance (TGI) de la Mefou et Afamba. Certes son recours a été déclaré « non fondé » en 2019, il dit attendre qu’on lui notifie formellement le jugement pour faire appel. Sur la dette, il peinait à rembourser à cause des intérêts. «Risque de spoliation» Lors de son intervention, l’avocat de Mbagofa Tchokotcheu a soulevé une exception d’incompétence. Le juge administratif, indique-t-il, ne peut analyser le fond de l’affaire que si l’acte notarié qui fonde la mutation querellée a préalablement été annulé par le juge judiciaire. D’ailleurs, ajoute-t-il, en réaction au recours gracieux de M. Bekono le 16 août 2016, le ministre des Domaines expliquait au concerné qu’il est dans « le regret » de ne pouvoir accéder à sa requête, car son titre foncier « a été muté sur la base d’un acte notarié que le juge judiciaire devra d’abord annuler avant toute action de [sa] part ». Sans manquer d’évoquer la débâcle de M. Bekono devant les juridictions judiciaires. Mais le ministère public a pris le contrepied de l’avocat suggérant de faire le « distinguo » des actes en querelle. « La mutation d’un titre foncier est un acte administratif réalisé par un agent de l’administration. Il n’est pas question ici de vérifier la nature de l’acte fondant la mutation, mais de voir si l’administration a régulièrement bien fait son travail. Vérifier que la qualité, les mentions, toutes les étapes de la mutation du titre ont été respectées ». Concernant cette fois le « caractère bien-fondé ou pas du recours », le procureur précise que le tribunal « devra attendre que le juge judiciaire se prononce sur la régularité de l’acte notarié ». Au final, le tribunal s’est d’abord déclaré compétent, avant de reporter l’examen du fond de l’affaire. C’est la deuxième fois que M. Bekono dame le pion à son adversaire devant cette juridiction. Le 30 septembre 2016, il a obtenu le gel des effets de la mutation critiquée (sursis à exécution). Motivant son ordonnance, le tribunal a estimé qu’il y a « risque de spoliation » du « patrimoine familial», car « les moyens d’annulation invoqués par le requérant paraissent pertinent en ce que la mutation querellée est la résultante de la fraude orchestrée par le bénéficiaire dudit titre foncier ».

Il est dépossédé de son terrain à cause d’une dette impayée

DEBOIRES. Pour un prêt de 3 millions de francs, un homme a perdu la propriété familiale estimée vingt fois plus chère. Il est désormais en guerre contre le créancier. Ce dernier aurait bénéficié des services d’un notaire dans son projet.

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