Par Louis Nga Abena – louisngaabena@yahoo.fr
C’est le sprint final dans la deuxième bataille judiciaire qui oppose le ministère public à Jules Martin Mvogo Etoundi, l’ancien directeur du Centre financier national (CFN), une structure de la Cameroon Postal Service (Campost). Mardi prochain, 11 mai 2021, la collégialité des juges du Tribunal criminel spécial (TCS) chargée de ce dossier va en effet rendre son verdict dans l’affaire les mis en cause sont poursuivis de la complicité du détournement présumé de 497 millions de francs imputé à l’ancien dirigeant de la CFN.
Le 26 avril dernier, le ministère public et la défense ont présenté leurs derniers arguments. Dans ses réquisitions, le représentant du parquet a laconiquement expliqué que M. Mvogo et son ancienne caissière Gisèle Miste, déclarée en fuite, passent en jugement pour répondre du détournement de la somme déjà citée. Jean Blaise Ze, également ancien cadre à la Campost, lui-aussi en fuite, quant à lui du détournement présumé de 15,2 milliards de francs. Les griefs retenus contre les mis en cause sont contenus dans un rapport d’une mission de vérification conjointe du ministère des Finances (Minfi) et du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe) dépêchée à la Campost.
Le ministère public déclare qu’on reproche à M. Mvogo Etoundi, le seul accusé qui comparaît, d’avoir octroyé des crédits à des clients dans des comptes courants qui ne disposaient pas au préalable de provisions suffisantes pour un montant de global de 497 millions de francs durant la période allant du 15 janvier 2012 au 22 avril 2013., en violation du décret du 28 juillet 1952 portant règlement des comptes courants et chèques postaux.
Cour suprême
Le supposé forfait aurait été réalisé avec la complicité de sa caissière, Gisèle Miste, qui a ensuite fondu dans la nature. Invité à présenter sa défense, indique le représentant du parquet, M. Mvogo Etoundi a plutôt soulevé une «fin de recevoir» disant que les faits au centre du procès lui ont valu une condamnation à 10 ans de prison pour un supposé détournement de 480 millions de francs. Une peine écopée devant le TCS le 15 juin 2015 et confirmée à la Cour suprême en 2017.
Le représentant du parquet a balayé l’argumentaire de M. Mvogo Etoundi d’un revers de la main. Il indique que lorsqu’il a interrogé l’ancien dirigeant du CFN, ce dernier avait répondu qu’il avait été jugé et condamné sur la base d’un rapport interne de la Campost dressé par un certain Balogog. Le magistrat du parquet a opposé que la procédure en jugement s’appuie sur le rapport de la mission conjointe Minfi/Consupe déjà mentionné.
Pour le procureur, le fait pour M. Mvogo Etoundi d’avoir choisi de ne pas entrer dans le fond de l’affaire «en prétendant avoir déjà été jugé pour les mêmes faits» traduit sa culpabilité. «M. Mvogo Etoundi a intentionnellement omis de s’attarder sur les faits déférés devant le tribunal parce que convaincu et conscient de les avoir perpétrés en toute liberté pendant qu’il officiait à la Campost». S’agissant des accusés fuyards, le ministère public a estimé que le fait pour eux d’avoir pris la poudre d’escampette au lieu de justifier devant la barre démontre qu’ils sont «conscients de la gravité de leur forfait». Il a requis la condamnation des trois accusés.
Profils bas
En prenant la parole à son tour, Me Laurent Angoni, l’avocat de M. Mvogo Etoundi, a indiqué que c’est la deuxième fois qu’il occupe le banc de la défense pour défendre son client devant le TCS. Il explique qu’alors que son client avait déjà été condamné, il a reçu la mission conjointe Minfi/Consupe évoquée à la prison centrale de Yaoundé. Ses hôtes l’avaient interrogé sur sa gestion au CFN. Quelques mois plus tard, le juge d’instruction inculpait son client sur la base des conclusions du rapport de la mission conjointe. Il a invité le tribunal a lire attentive la première décision du TCS rendue dans l’affaire pour constater que c’est «exactement les même» faits qu’on reproche à son client.
Me Angoni a regretté que le ministère public se soit malignement abstenu d’évoquer le «rapport interne de la Campost» en se limitant de parler de la mission conjointe. «Dans ce genre d’affaire il faut parfois faire profil bas. Il y avait du grain à moudre ailleurs». Il a exhorté le tribunal a constaté qu’il y a autorité de la chose jugée, car la loi interdit qu’on soit jugé deux fois pour les mêmes faits, même sous une nouvelle qualification.
Rappelons que Jules Martin Mvogo Etoundi est incarcéré à la prison de Kondengui depuis 2013. La Campost a refusé de prendre part dans cette seconde procédure indiquant l’affaire avait déjà connu un dénouement définitif.
Le parquet général du TCS s’arc-boutent sur Jules Martin Mvogo, déjà condamné de façon définitive, tout en ignorant de nombreux justiciables, biens connus et peut discrets, qui n’ont jamais répondu de leurs actes à l’égard de la Campost.