Par Emile Kitong – ekitong@gmail.com
Le Dr Manga Alexandre, Directeur général du Centre national de Réhabilitation des Personnes handicapées (Cnrph), et le Pr Ngo Yamben Marie-Ange, chirurgien pratiquant dans ledit centre, sont-ils convoqués à comparaître ce mardi 18 février 2025 au Tribunal criminel spécial (TCS) pour répondre des faits de détournement des deniers publics, tel que l’a annoncé l’activiste Boris Bertolt sur sa page Facebook ? La réponse est non. Ce qui est en revanche établi, c’est qu’une enquête a été ouverte devant le Corps spécialisé des officiers de police judiciaire (OPJ) du TCS le 16 janvier dernier, visant ces deux chirurgiens orthopédistes réputés. En effet, le procureur général près le TCS, faisant écho à une «dénonciation anonyme» parvenue dans ses services, a donné instruction au patron de l’unité des OPJ attachée à son parquet de mener une enquête pour «détournement des deniers publics, abus de fonction, faux et usage de faux».
Le 12 février 2025, le commissaire divisionnaire de police, Joël William Oko Petis, patron de l’unité des OPJ en question, a adressé des convocations au Directeur général adjoint (DGA) et au Directeur des affaires administratives et financières (DAAF) du Cnrph, leur demandant de se présenter le mardi suivant dans ses services pour être auditionnés «comme témoins» dans le cadre de l’enquête ouverte. Dès le lendemain, la toile s’est enflammée avec la publication de M. Boris Bertolt, qui est péremptoire, comme souvent, sur le fait que le DG du Cnrph et sa collaboratrice se seraient rendus responsables de «gabegie financière» au détriment de l’institution pour laquelle ils travaillent. Mais comme un crime n’est jamais parfait, l’activiste a lui-même livré le nom de «l’un des dénonciateurs» du Dr Manga, probablement l’un des commanditaires de la campagne de dénigrement des responsables du Cnrph, qui se trouve être un certain «M. Fomo Ruben», selon Boris Bertolt, mais très probablement M. Djoumou Ruben, qui est bien connu au Cnrph.
D’abord la Conac…
Dans le pamphlet publié par l’activiste, il est écrit que le Pr Ngo Yamben, qui est agrégée de chirurgie, exerce au centre «sous un fallacieux contrat de prestation faisant dolosivement d’elle directeur de la médecine interne avec avantages onéreux (missions à l’étranger, primes et indemnités diverses) sous le regard de la présidente du conseil d’administration, Mme Pauline Irène Nguéné, et non moins ministre des Affaires sociales (Minas)». Cible particulièrement manifeste de la campagne animée par M. Bertolt, le professeur de chirurgie est présenté comme faisant déjà l’objet de mesures conservatoires. Il s’agirait, lit-on dans le post de l’activiste, du gel de ses comptes bancaires et d’une interdiction de sortie du territoire décidée par le TCS. Aucun chiffre n’est donné comme valeur du montant du détournement public dont se seraient rendus coupables le DG et l’agrégée de chirurgie.
L’affaire, qui connaîtra ses premières auditions ce mardi, a des relents de règlement de comptes patents. Et pour cause : M. Djoumou Ruben, le dénonciateur présumé, est un ancien employé du Cnrph, licencié l’année dernière de cette institution en compagnie de deux autres employés, anciens délégués du personnel comme lui. Le concerné n’est pas à sa première tentative dans son projet de nuire au Dr Manga Alexandre. Ces derniers temps, il semble bénéficier de l’appui d’un ancien ami du Pr Ngo Yamben, qui ne se remettrait pas de la rupture de sa relation avec l’agrégée de médecine. C’est cet attelage qui serait à l’origine de la campagne de dénigrement engagée contre les deux chirurgiens orthopédistes.
Pour mieux cerner l’affaire, un rappel des faits s’impose. Dans le cadre de la reprise en main de l’ensemble de son personnel visant à améliorer les performances du Cnrph, la Direction générale avait traduit devant le conseil de discipline, l’année dernière, trois (03) délégués du personnel sur les huit (08) de la maison, dont M. Djoumou Ruben. Le conseil de discipline, présidé par le DGA, émettait un avis favorable au licenciement des trois délégués pour faute lourde. Saisi plus tard du dossier disciplinaire en question, le conseil d’administration votait une résolution entérinant le licenciement des employés concernés. Trois mois plus tard, après autorisation écrite préalable de l’inspecteur du travail, formalité légale requise en matière de sanction d’un délégué du personnel, le DG formalisait le licenciement de ses anciens collaborateurs, qui s’engageaient à nuire au DG, en bénéficiant de leurs réseaux à la présidence de la République.
Dénonciation calomnieuse
Leur première initiative dans le cadre de leur œuvre de destruction consistera à saisir la Commission nationale anticorruption (Conac) d’une dénonciation contre le DG à travers un syndicat à la légalité contestée. La Conac va ouvrir une enquête en sollicitant de la Direction générale du Cnrph des informations relatives aux faits contenus dans la dénonciation. Plusieurs employés du centre, dont le Pr Ngo Yamben, seront entendus. Ils seront invités à présenter les copies de leurs contrats de travail, documents qui vont ruiner les allégations des dénonciateurs. En représailles, le DG du Cnrph va saisir la justice contre ses anciens collaborateurs en les accusant de diffamation et de dénonciation calomnieuse. Cette procédure est encore pendante.
Ces derniers mois, une situation privée semble avoir donné quelques ailes aux trois délégués du personnel licenciés du Cnrph. Il s’agit de la rupture d’une relation amoureuse entre le professeur et un certain M. Eboto Eboto, plus connu sous le nom de Benoît Assam, ancien patient du centre qui bénéficierait de relations haut-placées dans les hautes sphères de l’État. Ce dernier en a-t-il pris ombrage au point d’en vouloir à mort à l’agrégée de chirurgie, qu’importe les déflagrations de sa colère sur le DG du centre, son médecin traitant ? Dans les milieux du centre, cela ne fait l’ombre d’aucun doute, au regard de nombreuses rumeurs attribuées à M. Eboto Eboto, des semaines avant l’entrée en scène du Corps spécialisé des OPJ du TCS. Certains pensent même que c’est la coalition entre M. Benoît Assam et M. Djoumou Ruben qui a obtenu que le procureur général près le TCS instruise l’ouverture d’une enquête contre le Dr Manga.
Le problème avec M. Eboto Eboto, c’est qu’il serait prêt à tout pour nuire à son ancienne amie. Il y a environ trois semaines, apprend-on de source digne de foi, le concerné avait fait scandale au sein du centre en s’y présentant de nuit avec une arme à feu, on ne sait trop pour quel usage. Incapables de faire entendre raison à cet ancien patient de leur institution, les responsables du Cnrph avaient finalement recouru à la police pour l’éloigner des lieux avec son arme. Il est fort probable que cet épisode ne soit pas sans lien avec les développements actuels, le DG du Cnrph étant présenté comme le protecteur de l’agrégée de chirurgie. C’est ce que soutiennent certaines sources auprès du centre.
Mission en Chine
Cela dit, les accusations portées par les dénonciateurs contre le DG du centre et sa collaboratrice, en tout cas telles que présentées par M. Boris Bertolt, sont-elles de nature à les mettre en difficulté ? Si la capacité de nuisance du TCS n’est plus à démontrer, peu importe que les faits imputés à ses clients soient fondés ou pas, au Cnrph, certaines personnes approchées par Kalara estiment que les allégations concernant les deux chirurgiens sont dénuées de tout fondement. Par exemple : le Pr Ngo Yamben offre ses services au Cnrph depuis 2016, alors que l’actuel DG n’est en poste que depuis 2018. Elle bénéficie du même type de contrat que d’autres praticiens de même niveau qu’elle, assure-t-on. Et depuis 7 ans, elle n’a jamais bénéficié d’aucune mission du centre.
«Elle a fait une seule mission en Chine en décembre 2024, engagée par le ministre des Affaires sociales (Minas) sur autorisation de la présidence de la République. Une mission relative à sa qualité de membre du comité technique du Minas chargé du suivi du chantier de rénovation du Cnrph», explique une source interne sous anonymat. La mission en question, précise cette source de Kalara, avait été payée par le Minas et non le Cnrph. Elle avait pour objet l’inspection des équipements médicaux destinés au Cnrph avant embarquement en Chine. «En quoi le DG ou le Cnrph sont-ils concernés ?», s’interroge notre source, toujours sous anonymat. De toutes les façons, tel que le Corps spécialisé des OPJ du TCS procède, il apparaît qu’il voudrait au préalable obtenir la preuve de la consistance et de la fiabilité des informations contenues dans la dénonciation avant de se décider éventuellement à convoquer les cibles des délégués du personnel licenciés.
Rappelons que le Cnrph est une structure qui fait de nombreux envieux ces dernières années, avec l’immense projet de rénovation de l’institution initié par l’actuel DG depuis qu’il a hérité des clés de la maison. Projet qui donne déjà un visage nouveau à une institution qui a longtemps sombré dans la ruine, à quelques mois de la fin des travaux.