Un filou veut la décamper d’un marécage qu’elle a aménagé

Par Louis Nga Abena – louisngaabena@yahoo.fr Le temps est compté pour Mme Mindjouli née Mibang Ambi Amah Hilda. Elle pourrait bientôt se retrouver dans la rue. Si, jusqu’ici, elle possède bel et bien une maison construite en étage à Odza, un quartier huppé de Yaoundé, elle a perdu la bataille portant sur le contrôle de la propriété du site sur lequel est érigée sa bâtisse. Pour cause : alors qu’elle a saisi le Tribunal administratif du Centre pour solliciter l’annulation des titres fonciers N°0972 et N°0973/Mfoundi appartenant à un certain Mekoulou Abang, son recours a été déclaré irrecevable le 11 avril dernier pour saisine tardive de la justice. Selon les informations recueillies en marge de l’audience d’une source sûre, les titres fonciers attaqués sont inscrits en hypothèque dans les livres de la microfinance dénommée Vision-Finance, filiale du groupe l’Anecdote, comme garantie d’un éventuel recouvrement forcé d’un crédit de plus de 100 millions de francs octroyé au détenteur des titres attaqués. Dans cette affaire, Mme Mindjouli raconte en effet qu’elle occupe et exploite un espace du domaine public depuis une décennie, notamment un marécage. Elle a aménagé le marécage en question avec ses propres moyens avant de construire une maison d’habitation d’un niveau. Un immeuble qu’elle occupe avec sa famille. Mais le propriétaire des titres fonciers attaqués l’a traînée devant le Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé-Ekounou l’accusant de s’être abusivement installée sur les lieux. Son adversaire lui reprochait des faits présumés d’atteinte à la propriété foncière, sollicitant au passage la démolition de son immeuble puis son expulsion forcée du site disputé. C’est à l’occasion de ce procès que Mme Mindjouli dit avoir découvert l’existence desdits titres fonciers dont elle conteste d’ailleurs la régularité. En effet, la plaignante fonde ses contestations sur les dispositions de l’article 2 alinéa 6 du décret du 27 avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier. « Un titre foncier est nul d’ordre public […] lorsque le titre foncier est établi en totalité ou en partie sur le domaine public », indique ce texte. Dans le cas d’espèce, le marécage fait partie du domaine public. Même-si cet argumentaire semble massue, Mme Mindjouli s’est quelque peu mêlée les pédales au moment d’engager les hostilités. Exception préjudicielle De fait, le 7 juillet 2021, elle a introduit un recours gracieux auprès du ministre des Domaines pour solliciter le retrait des titres fonciers attaqués. Cette autorité disposait ainsi d’un délai de 90 jours pour réagir à sa demande, soit jusqu’au 7 octobre suivant. Le silence observé par l’autorité équivalait au rejet implicite du recours. Ce délai épuisé, Mme Mindjouli disposait à son tour d’un délai de 60 jours pour saisir le tribunal administratif, à compter du lendemain du rejet de son recours gracieux préalable. Mais elle n’a saisi la justice que deux mois après le délai imparti, exactement le 7 décembre 2021. Dans ses réquisitions, le parquet a estimé que le recours est tardif. Ce qui empêche l’examen de l’affaire au fond : «la loi est dure, mais c’est la loi», a-t-il dit. A l’opposée, l’avocat de Mme Mindjouli s’est évertué à justifier la raison du dépôt tardif du recours contentieux (plainte) de sa cliente. Il explique que lorsque Mme Mindjouli a été traduite au TPI déjà cité, il avait soulevé une «exception préjudicielle» le 12 août 2021. Cette exception bloquait automatiquement l’examen du dossier, conformément aux dispositions de l’article 296 alinéa 2 du Code de procédure pénale. Ce texte indique ceci : « a) lorsqu’une exception préjudicielle est admise, le tribunal de première instance doit surseoir à statuer jusqu’à ce que la juridiction compétente se prononce sur cette exception ; b) le tribunal impartit à l’auteur de l’exception un délai pour saisir la juridiction compétente ; c) si l’action n’est pas introduite dans ce délai, il est passé outre l’exception, à moins que la partie qui l’a soulevée ne justifie son inaction» . «Qu’est-ce qui vous a empêché de déposer le recours contentieux à temps après le rejet du recours gracieux ?» , interroge le tribunal. L’avocat répond qu’il a attendu en vain que le juge du TPI fasse application du texte cité en fixant le délai pour saisir la Chambre administrative de la Cour suprême, juridiction habilitée à statuer sur son exception. Le tribunal administratif ne l’a pas entendu de cette oreille. Il a rejeté le recours. Mme Mindjouli a finalement perdu le combat sur tapis vert.

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