Emmanuel Leubou, l’ancien chef de la cellule de la direction des dépenses des personnels et des pensions (Ddpp) du ministère des Finances, sera entendu dans l’une de ses deux affaires pendantes devant le Tribunal criminel spécial (TCS), notamment l’affaire du gonflement indu des salaires des personnels civils et militaires au taux extérieur. L’équipe des juges qui examine ce dossier a estimé suffisants les éléments de preuves présentés par l’accusation, invitant ainsi les accusés impliqués dans cette affaire de présenter leur défense.
Cette décision est tombée mercredi dernier, 1er juin, à la suite du réquisitoire intermédiaire du ministère public présenté la veille. En plus du témoignage de ses témoins, le magistrat du parquet a profité de l’occasion pour revenir sur le fonds de l’affaire dans le but de convaincre le tribunal que tous les ingrédients sont réunis pour qu’il procède à l’interrogatoire des mis en cause. Tous les accusés ont opté de se défendre en faisant des déclarations sous serment. Ils comptent tous par ailleurs verser aux débats des éléments de preuves.
Alors que le tribunal a tenté d’ouvrir le bal de l’audition des accusés par celle de l’ancien chef service du gestion du contentieux de la Ddpp, Philippe Raoul Panko, la figure de proue de l’affaire, comme il a lui-même qualifié, l’avocat du concerné a aussitôt sollicité et obtenu un report de l’audience. Ce temps, a-t-il expliqué, sera mis à profit pour aiguiser la défense de son client qui a été très souffrant ces derniers temps et, surtout, pour réunir les éléments de preuves dont se prévaut l’accusé. L’interrogatoire a été reporté les 1er, 2 et 3 août prochain.
Lors de son réquisitoire intermédiaire, le procureur a expliqué qu’en février 2018, il a été découvert au Minfi que 18 salaires de personnels civils et militaires avaient été frauduleusement arrimés au «taux extérieur» bien que les concernés soient en service dans le pays. Le taux extérieur est en fait un privilège exclusivement réservé aux personnels de l’Etat en poste à l’étranger, précisément dans les missions diplomatiques et consulaires. S’appuyant sur les déclarations faites par de l’un de ses témoins, M. Bakary, le sous-directeur de la Ddpp du Minfi au moment des faits, le procureur indique que ce témoin a détaillé la procédure de calcul des salaires dans ses services. Selon ce témoin, le calcul des salaires des agents de l’Etat s’effectue au service de la gestion dont le chef était M. Panko au moment des faits. Les états confectionnés par ce dernier sont acheminés dans un bordereau à la cellule informatique dont l’unique rôle est d’inscrire les données dans le fichier solde de l’Etat.
Mais un contrôle inopiné opéré sur le fichier solde de l’Etat suite à une dénonciation d’une victime de la fraude, il était découvert qu’entre octobre 2017 et septembre 2018, des imposteurs avaient réussi à saigner le Trésor à hauteur de 320,5 millions de francs au moyen de la perception des salaires au taux extérieur frauduleux. Pendant les enquêtes, certains mis en cause sont passés aux aveux complets à l’instar de M. Panko.
Ce dernier, résume le procureur, avait avoué sa participation active dans le supposé forfait disant qu’il avait besoin d’argent pour organiser les obsèques de son père. Georges Bertrand Ze, son supposé acolyte, avait détaillé comment il recrutait les clients. Les enseignants Ymele Zanfack et Nathalie Crescence Ngono ont respectivement avoué leur perception indue de 20,3 et 51 millions de francs. M. Boukar Ousmane, déclaré en fuite complète la liste des accusés. Durant son réquisitoire, le procureur n’a pas prononcé le nom de M. Leubou si ce n’est de dire qu’il fait partie des accusés. Néanmoins le tribunal a décidé d’entendre tous les mis en cause sans exception.