«Je suis pasteur de l’église pentecôtiste et c’est dans ce cadre que j’ai passé un an dans la ville d’Akonolinga. Pendant mon séjour dans cette ville, les parents de Georgette (prénom d’emprunt) m’ont confié cette dernière pour un suivi spirituel parce qu’elle était, disaient-ils, une sorcière et qu’elle serait à l’origine des problèmes que rencontre sa mère». Ces propos sont ceux de Jean Mbem Nyobe, poursuivi devant le Tribunal de grande instance du Mfoundi pour enlèvement et viol aggravés perpétrés sur une petite fille de 10 ans à l’époque des faits. L’homme raconte qu’il est victime d’un règlement de comptes pour avoir refusé d’entretenir des relations sexuelles avec la mère de la supposée victime.
Selon l’accusation, Mbem Nyobe avait connu Georgette et ses parents dans la ville d’Akonolinga au cours des séances de prières de délivrance qu’il y organisait. Et c’est dans ces conditions qu’une certaine familiarité était née entre le pasteur et la petite fille. Une familiarité qui aurait conduit à des relations intimes entre les deux. La famille de Georgette soutient que c’est la fiancée de Jean Mbem Nyobe qui avait aidé leur fille à quitter Akonolinga sans l’avis de ses parents pour se réfugier à Yaoundé, leur ville de résidence. Au cours de son témoignage devant la barre, Georgette avait déclaré que le pasteur l’avait logée dans une chambre différente de celle qu’il occupait avec sa fiancée. Manière de dire que c’est à cet endroit que le pasteur abusait sexuellement d’elle. Elle avait également indiqué que Jean Mbem Nyobe lui faisait absorber des potions pour l’endormir et profiter de l’occasion pour assouvir ses appétits sexuels. Il est également reproché à l’accusé d’avoir exigé une rançon de 250 mille francs pour permettre à la famille de Georgette de la récupérer.
Règlement des comptes
Le 1er février 2022, l’accusé a donné son témoignage sur les faits d’enlèvement et viol aggravés qui lui sont reprochés. Il a rejeté les récriminations faites à son encontre, en expliquant que Georgette a quitté le domicile familial pour fuir la maltraitance que lui infligeaient ses parents et plus précisément sa mère. «Sa génitrice s’indignait de ce qu’elle urine au lit et empêche qu’elle se marie. Des déclarations que la petite fille a avouées lors des prières en expliquant qu’elle le faisait pour se venger des sévices dont elle était victime», a déclaré M. Mbem Nyobe.
Par ailleurs, en répondant aux questions de son avocat, l’accusé a contredit les accusations selon lesquelles, c’est sa fiancée qui est allée chercher Georgette à Akonolinga de même qu’il a nié avoir loué une chambre à cette dernière. «Pendant son séjour à Yaoundé, elle dormait sur un matelas que j’avais disposé pour elle dans la chambre que j’occupais avec ma fiancée. Je n’ai jamais eu des relations sexuelles avec cette fillette», a poursuivi M. Mbem Nyobe. S’agissant du grief portant sur la demande de rançon, l’accusé n’a pas nié les faits, mais a expliqué que ce n’était pas une demande de rançon en tant que telle mais une stratégie qui consistait à retenir la jeune fille à Yaoundé le temps pour lui de rechercher le retour de l’apaisement entre les parties.
Des déclarations qui n’ont pas convaincu la magistrate du parquet. Elle soutient mordicus que M. Mbem Nyobe a détourné et hébergé une enfant mineure contre l’avis de ses parents à qui il a demandé une rançon de libérer la fillette. «L’accusé est de mauvaise foi, il dit des mensonges. Les faits d’enlèvement de mineure et d’outrage suivi de viol qui lui sont reprochés sont constitués et les faits aggravants de cette affaire sont l’âge (10 ans) et la demande de rançon», a martelé la représentante du parquet.
Pour sa part, l’avocat de la défense a qualifié le procès de règlement de comptes entre adultes qui se servent d’une enfant. Il souligne que le dossier de la procédure est vide. Sauf que, dit-il, la représentante du parquet a fait parler sa fibre maternelle dans ses réquisitions. «Nous sommes tous les parents d’enfants qui ont souvent besoin de protection, c’est une couche sociale vulnérable. Mais la justice ne se fait pas avec les émotions», a noté l’avocat. Il estime que la question qu’il faut se poser dans cette affaire est de savoir si les déclarations de la victime présumée sont vraies. Pour l’avocat, les variations notoires entre les déclarations à l’information judiciaire et devant la barre mettent en évidence le fait que la fillette répétait ce que ses parents lui demandaient de dire. Il pense que c’est un lot de mensonges que les plaignantes soutiennent pour accabler l’accusé. Il plaide l’acquittement pur et simple de son client pour faits non établis. Et s’il y avait un quelconque doute qui plane dans l’esprit du tribunal, l’avocat demande que ce doute profite à l’accusé. Ce dernier sera fixé sur son sort le 1er mars 2022, date de la prochaine audience.