Par Louis Nga Abena – louisngaabena@yahoo.fr
La grande muette a aussi ses bavards. «Dans l’armée lorsque vous êtes dans cette situation vous devenez comme un ennemi. Vous perdez le droit d’entrer dans un camp militaire». L’homme qui fait cette déclaration avec insistance devant le Tribunal administratif du Centre le 4 mai dernier s’appelle Dieudonné Ndongo. Il s’explique sur les raisons du procès qu’il a intenté contre le ministère de la Défense (Mindef) en octobre 2018. Il se plaint d’avoir été chassé des rangs de l’armée de manière abusive en 2009, alors qu’il portait le galon de sergent. Il a quand même continué à travailler quatre ans durant, en 2013 puis on l’a mis à la retraite d’office avant l’âge. Une situation ambigüe qu’il a du mal digéré.
En tout cas, le soldat Ndongo a porté l’affaire devant la Justice. Il estime que le ministre de la Défense auteur des agissements critiqués avait piétiné la règlementation militaire en bafouant aussi bien les textes en vigueur que les droits de la défense. Il sollicite donc non seulement la condamnation de l’Etat à lui payer de fortes sommes d’argents au titre de dommages et intérêts en réparation des divers préjudices qu’il dit avoir subi, et aussi la reconstitution de sa carrière par sa réintégration dans les Forces de défense. Le ministère public est du même avis.
Désertion de longue durée
Dans cette affaire, le soldat Ndongo raconte qu’il avait été recruté dans l’armée marine en 1994. Il a servi dans différentes unités. En 2009, alors qu’il était en fonction au 11e bataillon des fusiliers marins à basé Campo, dans la région du Sud, son commandant lui avait signalé avoir ouï-dire qu’on l’a déshabillé. Son commandant dira que n’étant pas formellement notifié du message-radio porté du ministre de la Défense, il pouvait continuer de travailler en attendant que sa situation soit clarifiée. Le plaignant affirme qu’il a poursuivi son job percevant normalement son salaire et tous ses avantages.
Il avait été éberlué de constater que sur son bon de caisse de septembre 2013 était inscrite la mention mis à la retraite d’office. Depuis ce temps, il ne perçoit aucun radis. Or, c’est normalement en 2024 qu’il aurait dû prendre sa retraite.
Face à cette situation, M. Ndongo affirme qu’il avait entrepris des démarches pour remédier à sa situation en introduisant plusieurs requêtes auprès du ministère de la Défense au sujet de sa retraite prématurée. Toutes sont restées lettres. C’est finalement en 2018 qu’il a eu formellement pris connaissance du message radio-portée daté de décembre 2009 le radiant de l’armée, signé du ministre de la Défense était estampillé «confidentiel», avec copie au chef d’état-major des armées (Cema) et au directeur des Ressources humaines. La décision radie M. Ndongo et d’autres militaires pour «désertion de longue durée» et «mauvaise manière de servir».
Ndongo estime que la décision le sanctionnant est remplie de plusieurs irrégularités. Il indique qu’en application du Règlement général de discipline des forces de défense de 2001, la radiation d’un militaire ne peut intervenir qu’à l’issue d’un conseil de discipline. Le soldat mis en cause doit être informée de la procédure et a la liberté de se défendre. Mais ces formalités n’ont pas été respectées. Autre grief, le plaignant fait également le reproche au Mindef de lui avoir infligé deux sanctions statutaires : la radiation et la mise à la retraite d’office en total, en violation des textes. Le plaignant sollicite le rappelle de ses salaires suspendus depuis 2013 et sa réintégration dans les rangs de l’armée.
«Sanction grossière»
Dans son mémoire, le Mindef a estimé que le recours du plaignant est tardif parce qu’introduit 8 ans après la signature de la décision attaquée alors que la loi ne laisse que deux mois pour le faire. De plus, le plaignant pouvait se rattraper une fois qu’il a découvert que son bulletin de solde signalait mise à la retraite. Pour ces deux raisons, le Mindef estime que le recours mérite d’être rejeté.
Mais le juge-rapporteur a suggéré au tribunal de donner raison au plaignant indiquant que le Mindef n’a pas présenter la preuve de la notification de sa décision attaquée. «Le Mindef n’a non plus rapporté la preuve qu’il n’avait pas besoin de passer par le conseil de discipline pour sanctionner» M. Ndongo, ni de sa convocation devant le conseil de discipline, a ajouté le magistrat.
Dans ses réquisitions le ministère public a longuement tancé le Mindef. «Pendant l’échange des écritures et même ici, le représentant du Mindef s’est borné à ne parler que de recevabilité en évitant d’aller au fond. C’est honnête parce qu’il sait qu’ils ont gâté !». Selon lui, «le conseil de discipline est une obligation et non une faculté. Les droits de la défense n’ont pas été respectés». Il a qualifié la sanction décriée de «tellement grossière». Il a demandé au tribunal de donner entièrement raison à Dieudonné Ndongo.
«On vous radie vous continuer de travailler. On vous met à la retraite avant l’âge. C’est quoi cette affaire», interroge le tribunal. «Je ne suis pas juriste. Je suis un militaire. Un soldat. Je déposais les requêtes au Mindef mais les camarade qui travaillaient là-bas avaient peur de sortir le secret», prétend M. Ndongo. «Vous aimez trop les sous-marins alors qu’il y a des services compétents pour traiter de ce type de problème», réagit le tribunal qui a prévu rendre sa décision le 1er juin prochain.