Le Crédit Foncier du Cameroun traîne 150 clients insolvables au TCS

Par Emile Kitong – ekitong@gmail.com Les clients du Crédit Foncier du Cameroun (CFC), bénéficiaires d’un crédit auprès de cet établissement bancaire, doivent prendre toutes les dispositions nécessaires pour rembourser l’argent qu’ils doivent à cet organisme. À défaut, ils pourraient rencontrer le Tribunal criminel spécial (TCS) sur leur chemin. C’est la mésaventure que connaît M. Dikoumé Nicolas depuis le 20 novembre 2024. L’homme croupit à la prison centrale de Yaoundé-Kondengui, ayant été placé en détention provisoire pour une durée initiale de six mois par M. Jean Betea, l’un des juges d’instruction de la juridiction. Inculpé de détournement des deniers publics et de blanchiment de capitaux, M. Dikoumé, 64 ans, cadre contractuel d’administration à la retraite, n’en revient pas de se retrouver en prison pour une affaire de crédit obtenu sur la base d’une convention dont il dit n’avoir pas pu honorer certains engagements en raison de nombreux malheurs qui l’ont frappé. En fait, le CFC et M. Dikoumé ont conclu une convention de financement en 2008, ce dernier ayant pour projet la construction d’un grand bâtiment destiné à un usage locatif sous forme de «mini-cité». Le «prêt foncier locatif» en question était de 89 millions de francs, dont 10 % supportés par l’emprunteur pour les travaux de fondation. Le partenariat devait durer dix ans, soit de mars 2008 à février 2018. L’idée était que l’exploitation de l’investissement entrepris aide à payer les différentes traites. Le bâtiment serait construit au rythme des décaissements effectués par la banque. Cependant, les choses ne se sont pas déroulées comme prévu, car M. Dikoumé déclare avoir subi deux sinistres successifs sur son bâtiment, se retrouvant dans l’incapacité de payer les traites attendues par la banque. Cette situation a duré jusqu’en août 2024, avec quelques aménagements, lorsque la banque a décidé de passer à la vitesse supérieure pour recouvrer ses fonds. Dans le cadre de la négociation du crédit, M. Dikoumé a offert une garantie que la banque a acceptée. Dans une correspondance adressée à son client le 14 août 2024, l’institution bancaire se plaint du «défaut d’apurement des échéances impayées malgré les actions amiables entreprises». Le CFC, par la plume de M. Jean Calvin Tjonog, le Directeur général adjoint, signifie à son client qu’elle exige désormais le remboursement intégral du prêt qui les lie. «Nous vous invitons en conséquence à payer dans les caisses du Crédit Foncier du Cameroun dans les trente (30) jours à compter de la notification de la présente, la somme de 161.655.086 francs correspondant au décompte provisoire de votre prêt», lit-on dans la correspondance. Une mise en garde est également faite à M. Dikoumé, par laquelle le CFC lui annonce qu’il se trouve «dans l’obligation de mettre en œuvre la procédure de réalisation de l’hypothèque de premier rang consentie en garantie du remboursement» du prêt. En même temps, la banque laisse entrevoir la possibilité de saisir la justice pour recouvrer son argent, y compris par le biais d’une poursuite judiciaire pour détournement de biens publics. En fait, au moment où le CFC écrit à son client, elle a déjà déposé une plainte sur la table du procureur général près le TCS depuis une semaine. Le 10 septembre 2024, en exécution des instructions données par le procureur général, le Corps spécialisé des officiers de police judiciaire du TCS entre en scène. Une convocation est délivrée au client de la banque, qui doit se présenter dans les locaux de cette unité en se faisant assister, au besoin, de son avocat. En fait, le CFC a décidé de mener une grande croisade contre ses clients indélicats. Plus de 150 personnes, mini-cités et entreprises, sont ainsi traduites devant le TCS pour retard dans le paiement des traites relatives au remboursement des emprunts contractés auprès du CFC. La banque, apparemment, a fait le choix de tourner le dos à la loi du 24 décembre 2019 «fixant certaines règles relatives à l’activité de crédit dans les secteurs bancaire et de la microfinance au Cameroun». En son article 11, cette dernière prescrit les modalités du recouvrement forcé, et son article 20 traite de la responsabilité des personnes physiques et indique les sanctions pénales prévues à l’encontre des «personnes de mauvaise foi» qui refusent de rembourser les crédits qui leur sont accordés (lire encadré). Les avocats des mis en cause contestent l’intervention du TCS dans le contentieux qui oppose leurs clients au CFC. Pour le moment, le juge Bétéa poursuit l’instruction de l’affaire qui lui a été confiée. On saura, avec l’évolution de l’enquête, ce qui amène le parquet général près le TCS à viser à la fois le détournement des biens publics et le blanchiment de capitaux pour faire punir M. Dikoumé, concernant le remboursement du prêt qu’il a contracté auprès du CFC. Ils étaient trois accusés à l’entame de la procédure judiciaire. Ils ne sont plus désormais que deux à devoir répondre d’un détournement de deniers publics allégué d’un montant d’un peu plus de 71 millions de francs. Poursuivis devant le Tribunal criminel spécial (TCS), les deux compagnons d’infortune sont appelés à présenter leurs versions respectives des faits lors de la prochaine audience de leur affaire. C’est ce que le collège des juges chargé de l’examen de leur dossier a indiqué lors de la dernière comparution devant la juridiction, le 12 novembre dernier. C’était à la suite des réquisitions intermédiaires du parquet ayant conclu à la suffisance des charges nécessitant que le tribunal donne aux mis en cause la possibilité de se défendre. Les deux accusés plaident non-coupable et ont choisi de témoigner sous serment lorsqu’ils prendront la parole. Dans cette affaire, M. Mbida Chancelin, 39 ans, vigile de nuit au Centre de santé intégré de Mimboman à Yaoundé, est poursuivi en compagnie de Mme Ngaingne Sydonie, commerçante âgée de 46 ans, célibataire et mère de 05 enfants, pour détournement des ballots de moustiquaires imprégnés de longue durée (Milda). Les deux accusés avaient été surpris en possession de neufs ballots parmi ceux déclarés détournés, dans la nuit du 02 au 03 novembre 2022, alors qu’ils attendaient un moyen de locomotion pour déplacer leurs colis. Leur malheur est venu d’un taximan sollicité pour les besoins de la cause, qui est allé signaler à la police qu’il trouvait suspecte l’activité nocturne des deux clients qui venaient de l’aguicher. La patrouille du commissariat de sécurité publique du 16 e arrondissement de la ville de Yaoundé ne rencontrera aucune difficulté à mettre la main sur les deux suspects. C’est en les interrogeant sur l’origine des bagages en leur possession que le pot aux roses sera découvert. Un détour de la police chez son acolyte, Mme Ngaingne Sydonie, sise au lieu-dit «nouvelle route derrière Caroussel», au quartier Kondengui, permettra de retrouver un autre lot de 5 ballots déposés par Chancelin, semble-t-il la veille de son interpellation. Au départ, Chancelin et Sydonie racontent que les 14 ballots repérés par la police représentent la rémunération en nature reçue par le vigile de nuit de ses patrons, en compensation de nombreux mois d’arriérés de salaire. Et le vigile aurait profité de la situation pour régler une vieille dette de 500 mille francs environ auprès de Sidonie. D’où la destination prise par les ballots de moustiquaires pour Kondengui, derrière Caroussel, où ils ont été saisis par la police. Il se trouve qu’en réalité, les quatorze (14) ballots de Milda saisis par la police ont été soustraits d’un entrepôt du District de santé de Nkoldongo, toujours à Yaoundé, logé dans la même enceinte que le Centre de santé intégré de Mimboman, où ils sont gardés pour le compte du Groupe technique régional de lutte contre le paludisme du Centre, structure dépendante elle-même de la Délégation régionale de la Santé publique pour le Centre. C’est au Centre de santé intégré de Mimboman qu’exerce M. Mbida Chancelin. Il détient à ce titre les clés du portail donnant accès à l’entrepôt. Lequel est sous la responsabilité d’un certain M. Messambi Aronne, 44 ans, contractuel d’administration et chef du bureau des affaires administratives et financières du District de Nkoldongo. C’est le troisième accusé de l’affaire.

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