Le juge du Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé centre administratif (CA) n’a pas été convaincu par les arguments et les éléments de preuve qui lui ont été présentés par Mme Hell, dans le but de condamner Mme Ngo Eyock Gertrude, clerc de notaire. Poursuivie pour les faits qualifiés d’atteinte à la propriété foncière et usage de faux, Mme Ngo Eyock Gertrude peut se frotter les mains : le tribunal lui a donné raison en la déclarant non coupable de tous les chefs d’accusation retenus à son encontre. Cette décision lui permet de jouir paisiblement de l’immeuble au cœur de la dispute avec la famille Hell. Le verdict est tombé le 13 mai 2022 après de houleux débats entre les parties au procès. Accompagnée par ses enfants, Mme Hell, qui semblait sereine tout au long du procès, est sortie de la salle d’audience déçue par ce jugement.
Lors de son réquisitoire final, le représentant du ministère public est revenu brièvement sur les faits ayant engendré cette procédure. Il raconte que Me Ngo Eyock Gertrude a été traduite en justice par la famille Hell, pour avoir falsifié un certificat de propriété qui fait d’elle la nouvelle propriétaire d’un immeuble situé au quartier Bastos à Yaoundé. L’immeuble en question appartenait auparavant à M. Hell, un ancien professeur d’université aujourd’hui décédé.
Locataire au départ…
En fait, le représentant du parquet a abandonné les chefs d’accusation retenus contre Me Ngo Eyock Gertrude à cause des documents présentés par cette dernière. Le parquet estime que lesdits documents confèrent la qualité de propriétaire de l’immeuble à la mise en cause. Raison pour laquelle le ministère public a demandé au tribunal de déclarer Mme Ngo Eyock Gertrude non coupable de l’infraction d’atteinte à la propriété foncière. Pour ce qui est de l’infraction d’usage de faux, le parquet a estimé que l’acte de vente argué de faux, qui a été annulé en instance puis confirmé en appel, est authentique. Pour cette raison, soutient le parquet, l’accusée doit également être relaxée pour infraction non établie.
Lors de ses plaidoiries, l’avocat de la famille Hell a, pour sa part, déclaré que Me Ngo Eyock Gertrude était locataire de M. Hell depuis 2004. C’est après la mort du propriétaire de l’immeuble en 2011 qu’elle s’est présentée à la famille du défunt comme étant la nouvelle propriétaire des lieux. «Elle a dit avoir fait les versements dans le compte de M. Hell pourtant, elle ne connait pas son numéro de compte. Elle ne vous a présenté aucun reçu de paiement, ni aucune décharge. La maison querellée a été mise en vente auprès d’une agence immobilière à 100 millions de francs, mais la prévenue prétend l’avoir acheté à 80 millions, sans présenter des témoins», a déclaré l’avocat de la famille plaignante.
Poursuivant sa plaidoirie, l’avocat a déclaré que la quittance de paiement qui a été présentée par la défense est fausse de même que l’acte de vente, qui n’est pas enregistré dans les services des impôts. De plus, ajoute l’avocat de l’accusation, les mentions qui s’y trouvent sont fausses. «L’acte d’enregistrement de la transaction immobilière n’existe pas. Elle se prévaut d’un acte de vente qui a été annulé par le tribunal. En sa qualité de clerc de notaire, elle savait ce qu’elle pouvait manigancer pour passer de locataire à propriétaire. Aujourd’hui, ma cliente qui était légitime propriétaire est déjà sa locataire».
80 millions de francs
Une version des faits que le clerc de notaire rejette. Lors de son témoignage devant la barre, le clerc de notaire avait déjà nié les faits retenus à son encontre et avait déclaré avoir régulièrement acquis ce bien devant notaire avant le décès de M. Hell, qui lui avait régulièrement signé un acte de vente en 2010 et lui avait délivré un certificat de propriété, lequel a été muté en son nom. C’est au regard de ce certificat de propriété que l’accusée dit se maintenir sur le site litigieux. La mise en cause avait également indiqué avoir versé la somme de 80 millions en plusieurs tranches à M. Hel pour l’acquisition de cet immeuble. Cet argent avait servi, d’après elle, à payer les frais médicaux du disparu. Cet argumentaire a été soutenu par l’avocat de la défense lors de ses plaidoiries.
L’avocat de Me Ngo Eyock Gertrude a précisé que l’acte de vente argué de faux par l’accusation existe et est authentique. Bien qu’ayant été annulé à l’instance par le premier juge, cet acte de vente avait fait l’objet d’un recours et l’arrêt de la Cour d’appel avait infirmé le premier jugement. «L’accusation affirme que ma cliente a utilisé un faux certificat de propriété pour muter le titre foncier de son mari en son nom. Pourtant, l’authenticité de ce document a été approuvée il y a quelques mois par le tribunal administratif. L’infraction d’atteinte à la propriété foncière est impossible, et ma cliente n’a jamais usé d’un faux pour devenir propriétaire de l’immeuble querellé», a confié l’homme en robe noire, qui pense que Mme Hell est une plaignante malhonnête. Au final, le tribunal a donné raison à Me Ngo Eyock Gertrude.