Le Tribunal criminel spécial n’a pas totalement obtenu satisfaction de l’audition, plusieurs audiences durant, de Maxime Léonard Mbangue, ancien conseiller technique (CT) du ministère de la Défense (Mindef), qui est l’un des quatre coaccusés de Edgard Alain Mebe Ngo’o, l’ancien ministre de la Défense, en procès pour un présumé détournement global de 24,5 milliards de francs. Le 9 mai dernier, après la dernière audition de cet accusé par son avocat, Me Claude Assira, qui devrait en principe mettre un terme à son séjour dans le box des témoins, le trio des juges a décidé de lui poser ses propres questions. Ce n’est pas une première devant le TCS, sauf que cette fois-ci, le tribunal a renvoyé l’exercice au 23 juin 2022, ce qui est inhabituel. En général, les juges posent leurs questions immédiatement après la ré-exmination in chief animée par la défense du témoin, s’il y a lieu. Le tribunal décide donc de se donner presque sept semaines pour se préparer.
C’est que M. Mbangue, qui avait été le principal témoin de l’accusation à l’entame de la procédure judiciaire contre l’ancien Mindef, et qui n’avait pas été avare en déclarations accusatoires contre ses compagnons d’infortune aujourd’hui, fait mieux qu’embarrasser l’accusation. Il avait décidé de faire volte-face depuis l’ouverture du procès public, demandant que ses déclarations initiales soient sorties du dossier, au nom du de son droit à ne pas s’auto-incriminé. Unique témoin à charge retenu par le parquet depuis le début des poursuites, qui est devenu lui-même au fil du temps suspect, inculpé et plus tard accusé, M. Mbangue a refusé de répondre depuis son audition par l’instance de jugement à une bonne partie des questions qui lui ont été posées. On est déjà curieux de savoir les questions du tribunal qui pourront l’amener à être plus disert.
Cadre de banque ?
En attendant, notons que la brève audience du 9 mai dernier n’a pas donné lieu à des informations nouvelles. L’avocat de M. Mbangue a voulu s’assurer que son client clarifie quelques-uns des points sur lesquels son audition par les avocats de ses coaccusés ou avec le représentant du ministère public avait laissé planer un doute sur la sincérité de son propos. Ce dernier a par exemple redit qu’il avait effectivement travaillé comme cadre de banque, ce que l’avocat du banquier Victor Menye, autre coaccusé de M. Mebe Ngo’o, avait remis en cause. Sur la base d’une «attestation de soutenance d’un mémoire signé récemment par le Directeur de l’Iric», document qu’il a remis au tribunal, l’accusé a précisé «qu’effectivement l’Iric [l’avait] envoyé en stage à la Standard Chartered Bank en 1997».
Pa ailleurs, il a apporté une nouvelle précision sur les dates d’acquisition de deux de ses propriétés foncières, que l’accusation présente comme faites pendant la période des poursuites judiciaires pour les exposer à une confiscation probable en cas de condamnation. «Le document justificatif du notaire [a été] produit», pour couper court aux spéculations. Autre question de Me Assira à son client : «La cross-examination a semblé révéler les incohérences de votre part tenant au fait que vous n’avez eu de cesse de répéter devant ce tribunal que vous n’aviez jamais effectué de missions en France, auprès de la société Magforce International, alors que dans le même temps le dossier de procédure révélerait des interactions avec cette société. Vous aviez, est-il dit, dans le cadre des missions, reçu des dons, cadeaux et autres avantages. Pouvez-vous expliquer au tribunal ce qu’il faut retenir à la fin ?» Réponse de l’accusé-témoin : «Je n’ai jamais été hébergé, transporté, restauré ou même reçu d’enveloppes de la part de quelques responsables que ce soient de la société Magforce International.»
Enfin, l’accusé a fait une précision sur les soupçons de blanchiment d’argent qui pèseraient sur lui, selon la dernière question de son avocat. «Aucune opération bancaire illicite n’a été décelée dans un de mes comptes, tant sur le plan local, qu’à l’étranger. Toute opération illicite aurait fait l’objet d’une déclaration immédiate de soupçons avec blocage de compte par le Tracfin. Pour dire que, pour ce qui est de mon compte ouvert à la Société Générale de Paris en France, il n’y a aucun virement provenant d’une société, en général, et de Magforce, en particulier. Tous les virements qui y sont inscrits sont rétractables à partir d’un donneur d’ordre.» Le 23 juin prochain, en principe, après lui avoir posé ses question, le TCS programme le début de l’interrogatoire du colonel Mboutou Ze, autre coaccusé du ministre Mebe Ngo’o.