Le tableau était noir et en même temps pathétique. Cédric et Leila, un couple de fonctionnaires, s’est donné en spectacle devant la barre du Tribunal de premier degré de Yaoundé le 3 février 2022. C’est Cédric, 67 ans, qui a saisi cette juridiction d’une requête en divorce. Il veut mettre un terme à vingt ans d’un mariage, qui, selon lui, n’a pas donné de fruits du fait de son épouse. Il accuse Leila, son épouse, d’avoir déserté le domicile conjugal il y a 7 ans, et d’être devenue une femme infidèle, dès les premières années qui ont précédé leur mariage civil et religieux. Les époux se sont expliqué tour à tour devant la barre.
Premier à prendre la parole dans le cadre de cette affaire, Cédric a raconté au tribunal la litanie de ses déboires conjugaux. Il dit avoir fait la connaissance de sa bien-aimée en 2008, dans une cité universitaire de Yaoundé, la ville où il a été affecté pour des raisons professionnelles. Il est tombé sous le charme de sa « déesse noire » et l’amour s’est installé par la suite. À cette époque-là Leila était encore étudiante. Après trois ans d’observation, nos deux amoureux ont décidé d’un commun accord d’officialiser leur relation. Ils ont opté pour le régime de la monogamie et la communauté des biens. Cédric déclare qu’ils ont vécu les moments heureux ensemble, jusqu’en 2012, lors que Leila a été admise au concours de l’Ecole normale supérieure de Maroua, grâce à ses relations. Elle a dont fait le déplacement dans le septentrion pour se faire former. Cédric dit qu’avec son accord, son épouse a élu domicile dans la résidence de son frère ainé, qui, lui aussi, était installé dans cette partie du pays avec sa famille, pour des raisons professionnelles.
Règle conjugale
Le chef de famille soutient en outre qu’ils avaient convenu que Leila devrait regagner le domicile conjugal pendant les vacances et les deux semaines des congés scolaires. Mais, cette dernière a failli à cette règle conjugale au cours de sa dernière année de formation. C’est à ce moment que les nouvelles lui parvenaient, d’une source bien introduite, que son épouse entretient déjà une relation amoureuse avec un autre homme plus fortuné que lui. Vérification faite, il s’est avéré que l’amant de Leila n’était rien d’autre que l’ami d’enfance de son grand frère, qui avait pris l’habitude de venir au domicile de ce dernier, en son absence. «Mon grand frère n’était pas au courant de cette aventure encore moins son épouse. Ma femme m’a trompé avec l’ami intime de mon grand frère. Elle a su cacher son idylle avec cet homme pendant longtemps », a déclaré le mari «cocu».
Inconsolable, Cédric se souvient également qu’après les trois ans de formation de son épouse, celle-ci a regagné le domicile conjugal à Yaoundé. Mais, les habitudes ayant la peau dure, Leila a continué à le tromper avec d’autres hommes. «C’est pendant les heures tardives que ses amants l’appelaient très souvent au téléphone, j’ai essayé de m’y opposer, en vain. Elle a persisté à voir cet homme, un commerçant avec qui elle entretient des rapports sexuels.» Le fonctionnaire relate enfin qu’avec ses collègues et amis, il a essayé une réconciliation avec son épouse, qui s’est soldée par un échec. Il s’est rapproché de sa belle-famille, mais a été mal reçu. «Ayant pris un studio à proximité du domicile de ma belle-famille, j’étais déjà mal à l’aise chez moi. L’environnement devenait déjà invivable. Ma belle-famille infestait mon foyer. Pour sauver mon mariage, j’ai déménagé dans un autre quartier et mon épouse a refusé de me suivre jusqu’à ce jour», a-t-il soutenu.
Les ragots
Prenant la parole à son tour, Leïla a déclaré qu’elle n’a jamais été notifiée de la procédure de divorce engagée contre elle par son époux il y a six mois déjà. Elle dit avoir été informée par l’intermédiaire des collègues de Cédric. Elle justifie néanmoins sa présence à l’audience par le fait qu’elle s’est rendue aux affaires sociales il y a deux semaines, pour s’enquérir de la situation. C’est à cet endroit, dit-elle, qu’elle a pu obtenir la date de renvoi de son procès. Malgré toutes ces explications, le tribunal n’a pas tenu compte de cette irrégularité de procédure, et Leïla a aussitôt été appelée à faire sa déposition. Pour ce qui est des griefs qui lui sont reprochés par son époux, la dame a fait retentir un autre son de cloche. Elle a relaté qu’après son mariage avec Cédric, elle a rejoint son beau-frère dans le septentrion ; avec l’accord de ce dernier pour poursuivre une formation d’enseignante. C’est à ce moment que les problèmes ont commencé dans son ménage.
Elle relate que son mari s’est basé sur les ragots que lui colportait sa nièce avec qui elle cohabitait pour lui coller les faits d’infidélité sur le dos. Poursuivant son témoignage, la dame déclare qu’une fois de retour à Yaoundé, elle a été affectée dans un établissement scolaire dans la même ville. Elle dit avoir constaté que son homme avait changé. Il ne mangeait plus ses repas. Pis, la communication entre les époux était devenue impossible et le manque de sexe venait ainsi ébranler leur amour. Pour Leila, le seul motif de sa rupture avec son époux est le fait qu’elle ne lui a pas fait d’enfant. «Il m’accuse sans cesse d’être une femme infidèle sans preuve. Pourtant c’est peut-être lui le problème», a-t-elle lâché à l’audience.
Pour ce qui est des faits d’abandon du foyer conjugal, l’enseignante a soutenu que c’est plutôt Cédric qui a déserté le domicile conjugal et est allé s’installer avec sa collègue, une jeune veuve et mère de trois enfants, dans un autre appartement. Elle a voulu le rejoindre mais ce dernier s’est opposé. «C’est l’infirmière de son neveu qui vit avec nous à la maison qui a arraché mon mari. A présent, je fais l’objet de moquerie et des railleries dans notre quartier», s’est-elle lamentée avant d’ajouter : «S’il a pris la résolution de nous séparer, qu’il en soit ainsi. Je n’oppose aucune résistance. Moi aussi je ne veux plus de ce mariage.» L’affaire a été renvoyée pour la comparution des témoins de Cédric et la suite des débats.