Par Odette Melingui – -odettemelingui2@gmail.com
Le corps sans vie de Nicodème se retourne peut-être dans sa tombe. Alors que sa dépouille se trouvait encore à la morgue, Dina, sa veuve, et quatre de ses enfants issus du premier mariage, ont ouvert les hostilités pour le contrôle de ses biens. Le linge sale n’a pas pu se laver en famille. Et c’est désormais devant le Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé centre administratif que les membres de cette famille ont décidé de régler leur différend. C’est Dina qui est à l’origine d’une procédure devant cette juridiction. Elle accuse Mirabelle, la fille aînée de Nicodème, Miller son cadet, et Baron, leur oncle maternel, des infractions de trouble de jouissance et déclarations mensongères.
La veuve soutient dans sa citation directe (acte d’accusation) que les mis en cause ont envahi le domicile qu’elle occupait avec son époux le jour du décès de ce dernier. Pour convaincre le tribunal de ses allégations, Dina a fait comparaître sa mère comme témoin, le chef de leur village et une autorité administrative, qui, selon elle, ont été témoins des faits reprochés aux trois accusés. Les débats ont été ouverts dans cette affaire la semaine dernière en l’absence de ces derniers qui n’ont jamais comparu bien qu’ayant été informés de la date d’audience.
Dina déclare avoir fait la connaissance de Nicodème en 2013, après un divorce douloureux avec sa première épouse et mère de ses quatre enfants. Le tribunal avait alors ordonné la liquidation des biens de la communauté ayant existé entre les époux. Suite à cette décision, la mère des mis en cause avait bénéficié d’un appartement qu’elle occupe avec ses enfants. Dina dit avoir soigné les blessures de son amoureux, qui, à cette époque-là, se trouvait dans la dépression. En 2015, les deux tourtereaux ont célébré leur mariage civil et religieux sous le régime de la monogamie et la communauté des biens. L’homme était alors âgé de 60 ans et la dame de 25 ans sa cadette. Deux enfants encore mineurs sont venus consolider ce mariage. Dina soutient en outre que leur différence d’âge n’a pas été un obstacle à leur bonheur, au contraire, elle voyait en son homme un père responsable et un époux passionné.
Calvaire
Dina relate que son calvaire a commencé en 2020, lorsque Nicodème a été victime d’un Accident Vasculaire Cérébral (AVC) qui l’a conduit à la mort. Ce jour-là, déclare-t-elle, elle a fait appel aux premiers enfants de son époux ainsi qu’à son ex épouse, qui ont amené la dépouille de son époux à la morgue. Dans la précipitation, Dina dit avoir oublié les pièces d’identité du défunt qui ont été exigées pour remplir certaines formalités. C’est ainsi qu’elle a envoyé l’une des filles de sa «coépouse» à son domicile pour aller les récupérer. Seulement, cette dernière en a profité pour soutirer d’autres documents importants appartenant à Nicodème, sans son accord.
Le soir, Dina dit avoir été surprise par la présence d’un notable à son domicile. Ce dernier l’a informé que Mirabelle, Miller et Baron, leur oncle, ont décidé de prendre possession de la concession qu’elle occupe, et qu’ils la soupçonnent d’être à l’origine du décès de leur père. La veuve déclare en outre que les trois accusés lui ont ensuite demandé les clés des deux véhicules de son époux ainsi que tous les autres documents appartenant au défunt. «Je leur ai demandé de libérer les lieux sur le champ et d’aller faire leur deuil chez eux. Ils ont dit que c’était la maison de leur père, et qu’ils avaient le droit d’y être. Il y a eu des éclats de voix et la bagarre s’en est suivie», a-t-elle déclaré.
Au cours de cet affrontement, Dina déclare avoir aperçu Miller en train de détruire les pneus des voitures qui se trouvaient au garage pendant que leur mère et ses autres frères la rouait de coups. Elle dit avoir fait appel à la police, qui a été devancée par les collègues gendarmes de Mirabelle. La plaignante déclare en outre qu’elle a eu la vie sauve grâce à l’intervention de l’administrateur civil, son témoin dans cette procédure. La veuve soutient qu’après cette altercation, elle a été obligée de quitter son domicile avec ses enfants et a trouvé refuge chez une de ses amies, qui les a logés jusqu’en 2021.
Poursuivant son témoignage, la veuve dit avoir saisi le chef de leur village et à l’issue de cette assise, les enfants de son défunt époux ont finalement libéré sa maison après avoir pillé tous ses biens et emporté deux millions de francs qui s’y trouvait. Pour finir, Dina souligne que les tensions demeurent et chaque partie est restée sur sa position. Lors de ses réquisitions, le représentant du parquet a demandé que les prévenus absents à l’audiences soient déclarés coupables des faits mis à leur charge. Le verdict est attendu dans deux semaines.