Par Louis Nga Abena – louisngaabena@yahoo.fr
Depuis 2006, Denise Sayo épouse Seugang traverse des moments difficiles au quartier Etoug-Ebe dans la ville de Yaoundé. Ses voisins, membres de la succession Otele Ebanda Joseph, tentent d’arracher son terrain d’une superficie de 804 mètres carrés qu’elle occupe depuis 50 ans. Elle accuse en fait ses adversaires d’avoir frauduleusement incorporé le terrain en question dans le titre foncier N°35868/Mfoundi établi à leur profit. Le Tribunal administratif du Centre saisi par cette dame a poursuivi l’examen de l’affaire le 17 août dernier, avant de commettre une expertise cadastrale pour voir plus clair.
Cette bataille judiciaire a débuté en 2014 à la suite d’un recours introduit devant la juridiction par Mme Sayo. Elle sollicite l’annulation du titre foncier déjà évoqué pour fraude des bénéficiaires. À travers son recours, Mme Sayo épouse Seugang raconte en effet qu’elle a acquis le terrain querellé en 1971. La transaction entre son vendeur et elle s’est déroulée devant un notaire. Ce terrain est issu d’une vaste étendue de terre d’une superficie de 8 hectares couvert par un titre foncier (mère) N° 13962/Mfoundi. Et c’est 16 ans plus tard qu’elle a pu se faire établir le titre foncier N° 39474/Mfoundi dérivé du titre foncier mère. Jusqu’en 2006, l’occupation du site disputé était paisible.
Mme Sayo soutient avoir pris connaissance du titre foncier attaqué à l’occasion d’un procès qu’elle a intenté contre Catherine Eyenga devant le Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé centre administratif. Dans ce procès-là, Mme Eyenga, membre de la succession Otele Ebanda, répondait des infractions de trouble de jouissance et de destruction de borne portant sur le terrain litigieux. Pendant le jugement, Mme Eyenga a clamé son innocence en se prévalant du titre foncier attaqué. Ce sont les investigations menées en marge du procès qui lui ont permis de découvrir la supposée fraude foncière à l’origine de la procédure actuelle.
Mme Sayo déclare que ses adversaires ont obtenu le titre foncier attaqué à la suite d’une procédure de «sortie d’indivision» opérée sur le titre foncier mère déjà mentionné. Et c’est pendant cette procédure d’immatriculation que les mis en cause ont clandestinement incorporé son terrain dans leur propriété. Selon la plaignante, cette procédure de sortie d’indivision est remplie de curiosités. Elle fait remarquer qu’entre la clôture du bornage le 19 janvier 2006 et la délivrance du titre foncier N°35868/Mfoundi le 27 juillet de la même année, il ne s’est écoulé que six mois. Or, pour la même procédure, elle a dû attendre 16 longues années. A ses yeux, la célérité avec laquelle l’administration des Domaines a traité le dossier de ses adversaires ne visait qu’à camoufler la fraude dénoncée.
Superposition des titres…
Le retrait d’un titre foncier peut intervenir de deux manières : soit en cas de fraude du bénéficiaire, soit en cas de faute de l’administration. Toutefois, l’article 2 alinéa 6 du décret du 16 décembre 2005 fixant les conditions d’obtention du titre foncier dispose : «Lorsque plusieurs titres fonciers sont délivrés sur un même terrain, dans ce cas, ils sont tous déclarés nuls de plein droit, et les procédures sont réexaminées pour déterminer le légitime propriétaire. Un nouveau titre foncier est alors établi au profit de celui-ci». La plaignante mise sur l’antériorité de son titre foncier pour remporter la bataille judiciaire.
Dans ses écritures, le ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf) s’est contenté de soulever l’incompétence du tribunal, arguant que c’est sur la base d’un acte notarié que les Otele Ebanda ont effectué la sortie d’indivision critiquée. Rappelant que le contrôle de la régularité ou non d’un acte notarié incombe au juge judiciaire.
Déjà, dans une autre audience, le tribunal a retenu sa compétence précisant que l’examen de la régularité d’un titre foncière est du ressort du juge administratif. Le tribunal a ordonné une expertise cadastrale dont l’objectif est de vérifier si les titres fonciers au centre de l’affaire sont effectivement superposés. Mais aussi de déterminer la période de leur établissement par rapport au titre foncier mère. Les frais de cette expertise fixés à 500 mille francs sont mis à la charge de la plaignante.