Cheambe Edmond Tabey exixte-t-il effectivement où s’agit-il d’un nom fictif utilisé pour tromper la vigilance du tribunal? Ce sont les questions que se pose le juge du tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé centre administratif en charge de l’affaire opposant la société Fosso Sarl, spécialisée dans le transfert de fonds, à Jude Atungsiri Ngwa, restaurateur, Ronald Femshang Mohchietih, étudiant, et Bertrand Gueiy Keseh, menuisier. Les trois personnes en détention provisoire à la prison centrale de Yaoundé Kondengui depuis trois mois sont poursuivies pour intrusion frauduleuse dans un système informatique, contrefaçon et usage frauduleux d’une carte nationale d’identité (CNI). Ils nient les charges retenues contre leur personne et dénoncent Cheambe Edmond Tabey, déclaré en fuite, comme étant le cerveau des détournements frauduleux des fonds effectués à la société Fosso Sarl.
Mme Toukap Adeline épse Momo, la représentante de la société de transfert d’argent, explique qu’en début d’année 2021, des individus ont réussi à s’introduire frauduleusement dans le système informatique de la société Fosso Sarl dans ses agences situées dans les quartiers Biyem-Assi, Damas et Tamtam Week-end à Yaoundé. Ils ont copié les données personnelles de certains clients bénéficiaires des transferts de fonds et se sont faits délivrer de fausses cartes nationales pour se faire payer en lieu et place des légitimes dentinaires. L’enquête ouverte dans le cadre de cette affaire a permis d’appréhender Jude Atungsiri Ngwa, Ronald Femshang Mohchietih, et Bertrand Gueiy Keseh comme étant les auteurs de ce forfait.
Cerveau du gang
Interpelés, Jude Atungsiri et Bertrand Gueiy Keseh sont passés aux aveux complets tandis que Ronald Femshang Mohchietih a, quant à lui, reconnu partiellement les faits. Les accusés ont désigné Cheambe Edmond Tabey lors de l’enquête préliminaire comme étant le pourvoyeur des fausses CNI avec lesquelles les opérations frauduleuses ont été effectuées.
A l’audience du 12 juillet 2021, les mis en cause, ont réitéré leurs aveux. Sauf que le tribunal, qui constate que ces derniers tergiversent dans leurs propos, a rejeté «leur plaidé coupable». Il leur a été demandé alors de présenter leur défense. Jude Atungsiri Ngwa a déclaré avoir été contacté par Edmond Tabey, qui l’a informé de ce que son oncle vivant à l’étranger lui avait envoyé de l’argent dans le but de superviser son chantier de construction à Yaoundé. Sauf que l’expéditeur s’était trompé de destinataire. Edmond Tabey avait de ce fait besoin de son aide pour pouvoir entrer en possession de cet argent. Il ajoute que ce dernier lui a remis une CNI préétabli ayant un nom diffèrent au sien, et sur laquelle le témoin devait apposer sa photo. Après la première transaction de 1,4 millions de francs qui s’est effectuée sans problème, Cheambe Edmond lui a remis la somme de 100 mille francs. L’accusé déclare également qu’il a effectué trois autres retraits d’argent avec trois fausses CNI et après chaque opération, il percevait la somme de 100 mille francs de compensation.
Bertrand Gueiy Keseh a, pour sa part, relaté qu’avoir publié sa photo dans un group whatsapp des sportifs originaires de leur région, Edmond Tabey a récupéré cette photo et a fabriqué, à son insu, la CNI qui lui a permis de dépouiller la société Fosso Sarl d’un montant de 1,5 million de francs. «Il m’a donné rendez-vous au Rondpoint Express et m’a dit que son grand frère lui a envoyé de l’argent depuis l’étranger et qu’il a du mal à le récupérer. Nous sommes allés au guichet avec la documentation qu’il avait déjà préparée au préalable et j’ai retiré la somme de 1,5 million de francs. Il m’a donné 100 mille de commission. Le lendemain, il m’a demandé de lui prêter 70 mille. Depuis lors, je n’ai plus eu de ses nouvelles », s’est-il défendu.
Piratage du système informatique
Ronald Femshang Mohchietih a déclaré qu’il a remis ses effets personnels et une somme de 150 mille francs à Edmond Tabey pour que ce dernier lui facilite l’obtention d’un visa. Quelques semaines après, Cheambe Edmond lui a demandé de le rejoindre à Biyem-Assi pour lui remettre le document sollicité. A son arrivée, ce dernier lui a plutôt présenté une fausse CNI portant sa photo et lui a demandé de l’aider à récupérer l’argent qu’on lui avait envoyé de l’étranger en prétextant qu’il y a eu une erreur de destinataire. «Nous sommes allés à Ria-Money, je me suis présenté au guichet avec la documentation qu’il m’a remis et j’ai retiré la somme de 2,3 millions de francs. C’est lui qui a signé le bordereau et m’a remise 150 mille francs» Au cours de l’enquête policière, Ronald Femshang dit avoir restitué les fonds qu’il a décaissés à la société Fosso Sarl.
Lors de ses réquisitions, le représentant du ministère public a déclaré que les mis en cause font partie d’un gang spécialisé dans le piratage des systèmes informatiques des banques. Et que le cerveau de ces détournements frauduleux est en cabale, mais, fait l’objet d’un mandat d’arrêt. Il a requis la culpabilité des trois personnes.
L’avocat de la société Fosso Sarl, a quant à lui, déclaré que sa cliente a des partenaires internationaux, constitués, entre autres, des Camerounais résidents à l’étranger, qui envoient de l’argent à leur famille via-Ria money, une filiale de la société Fosso. « Ils sont plus de 17 personnes à avoir perçu ces fonds frauduleux. Depuis que les trois mis en cause ont été neutralisés, il n’y a plus eu de plainte de vol d’argent dans notre société. Nous avons perdu plus de 20 millions de francs à cause des malversations perpétrées par ces derniers », a-t-il confié.
L’avocat des mis en cause a, pour sa part, plaidé l’indulgence du tribunal et les circonstances atténuantes en faveur de ses clients. Le verdict est attendu le 26 juillet 2021.