Jacques Kinene-jkine7@yahoo.fr
Trois heures d’une audience sereine ont clôturé trois ans de procès dans l’affaire dite de vol de salaires des agents d’Etat par cinq membres d’un réseau. Incarcérés à la prison centrale de Yaoundé Kondengui depuis décembre 2017, les accusés sont fixés sur leur sort. Le Tribunal criminel spécial qui connaissait de l’affaire a rendu son verdict. Le 22 juin 2021, le collège des juges en charge du dossier a rejeté les exceptions de nullité et d’incompétence soulevées par les avocats des accusés à l’ouverture des débats. On craignait les condamnations à vie tel que l’a requis le ministère public, mais il n’en a pas été question.
Dans sa décision, le tribunal a déclaré Simon Pierre Ambole, receveur municipal de Nkoteng, coupable des faits de détournement de deniers publics de 13 millions de francs contrairement à la somme de 70 millions qui lui était initialement imputée. Nathan Eba Ndjana, contractuel d’administration au ministère de Sports, Claudine Chanase Seleck, technicienne en audiovisuel, Thomas Edili Onam et Elisabeth Mouale, agents d’entretien ont été reconnus coupables de complicité desdits faits. Ensuite, le tribunal a condamné Simon Pierre Ambole et Nathan Eba Ndjana, considérés comme les cerveaux du réseau, à 15 ans d’emprisonnement ferme, les trois autres accusés écopent également des condamnations fermes, notamment 13 ans pour Thomas Edili Onam, 11 ans pour Claudine Chanase Seleck tandis que Elisabeth Mouale s’en sort avec 10 ans. Outre les peines de prison, les cinq condamnés devront verser solidairement la somme de 1 million de francs au trésor public représentant les frais de justice et restituer le montant de 13 millions de francs de dommages et intérêts à l’Etat du Cameroun, partie civile dans le procès.
Avant le prononcé des différentes infligées aux accusés le tribunal a préalablement exposé les multiples raisons qui l’ont conduit à rendre le verdict qu’on connaît. D’abord, le tribunal a ramené à 13 millions de francs le montant initial du détournement arrêté à 70 millions francs, faute pour l’accusation d’avoir apporté les preuves que tout ce pactole avait été empoché par les accusés. Les 13 millions de francs ont été inégalement imputés aux coaccusés à l’exception de M. Ambole Simon Pierre, présenté comme le patron du groupe, qui aurait bénéficié des sommes querellées sans laisser de traces.
Sauf que le tribunal lui fait porter l’entière responsabilité du forfait étant donné que les témoignages concordants le désignent comme l’auteur intellectuel du vol. Par ailleurs, il a reconnu pendant les débats qu’il était la seule personne du groupe qui travaillait à la trésorerie et pouvait à ce titre avoir accès aux bons de caisse dont se sont servis les mis en cause pour déposséder l’Etat de ses fonds. Les juges estiment que les fonds litigieux sont bel et bien les deniers publics dans la mesure où ils n’avaient pas encore atteint leurs légitimes bénéficiaires.
S’agissant de Nathan Eba Ndjana, l’homme de main de Simon Pierre Ambole, il ne se fait aucun doute, d’après les déclarations de ses coaccusés, qu’il était chargé de recruter les membres du réseau et de les désintéresser selon son gré. A cela s’ajoute sa position professionnelle au ministère des Sports et ses aveux spontanés même s’il conteste le montant du détournement qui lui est imputé. Il est établi, d’après le tribunal, que c’est M. Eba Ndjana qui a entraîné les trois autres personnes dans cette affaire.
Enfin, le collège des juges reproche à Claudine Chanase Seleck, Thomas Edili Onam et Elisabeth Mouale le fait d’avoir accepté de se faire fabriquer des fausses cartes nationales d’identité portant leurs photos pour distraire les fonds publics. Des faits que ces derniers ont toujours avoué tout en contestant les montants faramineux que l’accusation leur impute. C’est à ce titre qu’ils ont été déclarés coupables de complicité de détournement de deniers publics.
Après la déclaration de culpabilité des accusés, le représentant de l’Etat, partie civile au procès, a demandé la restitution des fonds distraits, notamment la somme de 13 millions de francs. A sa suite, le ministère public a requis la condamnation de chacun des accusés, à l’emprisonnement à vie. Il a également demandé au tribunal de prononcer la déchéance et d’ordonner la confiscation des biens contre les mis en cause.
Les avocats de la défense ont, quant à eux, plaidé pour de larges circonstances atténuantes pour la bonne tenue de leurs clients devant la barre, et à cause de leur qualité de délinquants primaires. Ils ont demandé au tribunal d’infliger aux accusés qui sont des chefs de famille, des peines qui leur permettent de se resocialiser. Des plaidoiries reprises par les concernés qui ont présenté leur mea culpa à l’Etat du Cameroun.