Par Louis Nga Abena – louisngaabena@yahoo.fr
Bruno Bekolo Ebe a engrangé des points importants dans la bataille judiciaire qui l’oppose au ministère public devant le Tribunal criminel spécial (TCS). C’était à l’occasion de la poursuite du contre-interrogatoire de l’unique témoin de l’accusation, l’inspecteur d’Etat Mpouli Mpouli Joseph, le 5 mai 2021. Ce dernier a estimé que certains griefs retenus contre l’ex-recteur de l’Université de Douala et ses compagnons d’infortune n’ont pas lieu d’être.
Cet argumentaire contredit certaines allégations faites par une mission de vérification du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe) qui avait audité la gestion de l’Université de Douala durant les exercices budgétaires 2006 à 2010 et impute plusieurs fautes de gestions à certains responsables de l’université. M. Mpouli Mpouli était membres de cette mission et c’est lui qui avait rédigé le rapport de ladite mission qui sert de base à l’accusation.
Lors de la dernière audience, les avocats de M. Bekolo Ebe ont interrogé le témoin sur le détournement présumé de 161,4 millions de francs imputé à l’ex-recteur «à titre personnel». Ce chef d’accusation englobe au total huit griefs.
En effet, l’accusation est remontée contre M. Bekolo Ebe pour avoir octroyé à ses proches collaborateurs ce qu’il qualifie d’«avantages excessifs». Les avantages critiqués chiffrés à 58,3 millions de francs se rapportent aux baux contractés par l’université au profit du secrétaire général et des vice-recteurs ainsi que la contribution de l’université aux loyers de divers responsables ayant le rang de directeur. Le parquet estime que ces avantages sont «excessifs», car sans commune mesure avec ceux «accordés aux fonctionnaires de mêmes rangs».
A travers ses questions sur ce grief, Me Donald Foe, l’avocat de l’ex-recteur, a d’abord donné lecture des dispositions de deux résolutions prises par le conseil d’administration de l’Université de Douala le 4 septembre 1993 accordant les avantages décriés à certains responsables de l’institution, «confirmée» le 3 septembre 1999. Ces résolutions avaient été prises à la suite des instructions du ministre de l’Enseignement supérieur. Précisant que toutes ces décisions interviennent «longtemps avant» la nomination de son client à l’Université de Douala en 2003. Le témoin indique que la mission s’est contentée de faire la comparaison avec les fonctionnaires de même rang. «S’il existe une résolution du conseil d’administration en principe ce conseil devrait en répondre au cas où il y a une irrégularité. Malheureusement, ici, le conseil n’a pas été saisi». Après la lecture de l’article 5 de la loi du 5 décembre 1974 portant contrôle des ordonnateurs et gérants de crédit des entreprises d’Etat selon lequel «les agents mis en cause sont déchargés de leur responsabilité s’il est établi qu’ils ont agi selon les ordres de leur hiérarchie». le témoin dira qu’au vue de ce texte, la responsabilité de M. Bekolo Ebe ne devrait pas être engagée.
Elèves salariés
L’autre grief retenu contre M. Bekolo Ebe est d’avoir «abusivement» utilisé certains agents de l’université «pour ses besoins personnels», en fait comme domestiques. L’accusation chiffre le supposé préjudice à 4,5 millions de francs. «S’agissant du personnel employé par monsieur le recteur, la mission a estimé qu’il y en avait de trop à son domicile. C’est une simple faute de gestion», a indiqué le témoin.
Bekolo Ebe est accusé d’avoir perçu une indemnité de non logement bien que logé par l’université. Le supposé préjudice s’élève à 16,6 millions de francs. Commentant ses questions, l’avocat a expliqué que son client avait introduit un recours auprès du ministre des Finances (Minfi) pour se plaindre de ce que sa rémunération était inférieure à ce qu’il méritait «au regard de sa qualité». Au finish, le Minfi a maintenu l’indemnité querellée au profit de l’ex-recteur, dit l’avocat. M. Mpouli Mpouli a opposé que «le principe est le non cumul», «vous ne pouvez pas être logé et percevoir une indemnité de non logement».
Bekolo Ebe répond aussi d’un détournement présumé de 18,9 millions de francs pour avoir autorisé le paiement des salaires aux personnels de l’université admis à l’Enset de Douala.
Me Foe a lu l’article 3 du décret du 19 janvier 1993 portant dispositions communes aux universités qui stipule : «toutes les universités sont chargées de la formation et du perfectionnement des cadres». Bien qu’admis à l’Enset, les intéressés continuaient à travailler à l’université. Pour M. Mpouli, les salaires sont indus parce qu’«il n’y a pas eu de formalité de mise en stage. Si tel avait été le cas, ces derniers n’aurait continué à percevoir leur salaire».
L’ex-recteur répond aussi d’un supposé détournement de 8,6 millions de francs relatif à l’absence de «retenue de garantie sur certains marchés publics». Le témoin a expliqué que la «garantie de retenue» est une sorte de consignation qu’un prestataire de service verse auprès du maître d’ouvrage lors de l’obtention d’un marché. Ces fonds lui sont retournés une fois la prestation réalisée. Selon le témoin, cette formalité n’était troujours accomplie sous l’ère Bekolo Ebe. Les parties se retrouvent le 29 juin prochain pour la poursuite du contre-interrogatoire de l’inspecteur d’Etat Mpouli Mpouli.
Rappelons qu’en dehors du supposé détournement à titre individuel, Bruno Bekolo Ebe, écroué à la prison de Kondengui, répond de complicité d’autres chefs d’accusation. Il occupe le banc des accusés aux côtés de Louis-Max Ayina, l’ancien directeur de l’Enset de Douala, Augustin Marie Mboudou, l’ex-directeur administratif et financier. M. Akumah Ruben Fon, l’ancien agent comptable et Jean Pierre Pokem, l’ex-chef du restaurant sont déclarés en fuite.