Tala Voyages sort enfin des griffes de Maryland Sarl

Par Odette Melingui – odettemelingui2@gmail.com C’est un ouf de soulagement pour les ayants droit de la société Tala Voyages, la succession Kameni Tchuente Roger et Mme veuve Kameni née Pouemo Thérèse, promoteurs de cette entreprise. Après plusieurs années d’un combat judicaire qui les oppose à M. Ngasseu Clovis Noël, sa société Maryland Sarl, M Tagne Paul et Mme Noguem née Kemgne Elise, les premiers cités ont obtenu gain de cause devant la chambre correctionnelle de la Cour d’Appel du Centre. Statuant publiquement lors de sa dernière audience concernant l’affaire, pour laquelle les parties avaient des plaintes opposées, cette juridiction a infirmé la décision rendue par le Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé centre administratif en 2022, qui était en leur défaveur. Dans son arrêt, le collège des juges a déclaré tous les ayants droit de Tala Voyages non-coupables des faits de violation de domicile qui leur étaient reprochés, pour faits non établis. En revanche, M. Ngasseu Clovis Noël, leur principal adversaire dans cette affaire, a été reconnu coupable des infractions d’atteinte à la propriété foncière, trouble de jouissance, rétention sans droit de la chose d’autrui, destruction de biens, vol et abus de confiance. M Tagne Paul et Mme Noguem née Kemgne Elise, les complices de M. Ngasseu, ont été déclarés pour leur part coupables respectivement de complicité de recel et complicité de trouble de jouissance. Les mis en cause ont également été condamnés à verser la somme d’environ 3,5 milliards de francs (3.483.173.445), pour la réparation du préjudice subi par les plaignants. M. Ngasseu Clovis Noël et ses complices doivent en outre s’acquitter des dépends (frais générés par la procédure), estimés à un peu plus de 23 millions de francs chacun. La Cour a en outre décerné des mandats d’incarcération contre chacun des mis en cause pour le recouvrement des condamnations pécuniaires en faveur de l’Etat. La décision étant intervenue en deuxième ressort alors que le parquet n’avait pas relevé appel du premier jugement, les condamnés ont échappé aux sanctions pénales. La société Maryland Sarl, propriété de M. Ngasseu Clovis Noël, a été déclarée civilement responsable des condamnations pécuniaires prononcées contre les accusés. C’est cette entreprise, au terme de la décision rendue, qui est appelée à payer toutes les sommes d’argent imputées aux condamnés. Cette décision intervient dix-sept ans après le décès de M. Kameni Tchuente Roger, gérant statutaire de la société Tala Voyages. Décès qui favorisa, sans doute, les dérapages reprochés à M. Ngasseu et à ses complices. Rebondissements L’arrêt de la Cour d’appel du Centre a une saveur toute particulière pour Eric William Gounou Djilo, la société Tala Voyages, la succession Kameni Tchuente Roger et Mme veuve Kameni née Pouemo Thérèse, qui sortent enfin vainqueur du bras de fer avec M. Ngasseu. Ces derniers avaient en effet été déboutés en instance, en 2022, au motif que les faits soumis à la justice avaient déjà acquis «l’autorité de la chose jugée» , ce qui signifie qu’ils avaient déjà été connus par la justice et que la décision rendue était définitive. «Le juge d’instance avait débouté les parties civiles en s’appuyant sur une ordonnance de non-lieu rendue par un juge d’instruction dans l’une des procédures. Mais, cette ordonnance a été cassée quelques semaines après par la Cour Suprême du Cameroun» , a expliqué Eric William Gounou Djilo, mandataire des plaignants. Ce qui explique la tournure des choses. Pour parvenir à l’issue judiciaire actuelle, les vainqueurs d’aujourd’hui ont beaucoup bataillé afin de venir à bout de nombreuses obstructions constatées sur le chemin de la justice. Dans leur combat, la succession Kameni et de la société Tala Voyages avaient d’ailleurs saisi aussi bien le ministre de la Justice (Minjustice) et le Premier Président de la Cour Suprême du Cameroun pour dénoncer ces obstacles. Et les démarches ainsi engagées avaient conduit le ministre de la Justice à transmettre le dossier reçu au Procureur Général près la Cour Suprême pour susciter les diligences convenues pour la suite de la procédure. Pour bien comprendre les faits de combat judiciaire à rebondissements, un retour dans l’histoire s’impose. Cela fait exactement 17 ans que M. Kameni Tchuente Roger, gérant statutaire et actionnaire majoritaire avec 80% des parts, de la société Tala Voyages, entreprise spécialisée dans le transport interurbain, est décédé des suites d’un malaise dans la ville de Bafoussam, laissant une veuve et des enfants. Le défunt possédait au moment de sa mort plusieurs biens, parmi lesquels sa participation majoritaire au capital de la société Tala Voyages, sans doute son patrimoine le plus important avec un parc automobile de près de quarante bus. Pour leur malheur, la veuve Kameni et ses enfants donneront procuration à M. Ngasseu Clovis, neveu du défunt et chef de l’agence de Yaoundé, pour assurer la gestion courante de cette société et des biens du disparu. Descente sur le terrain Sans jamais rendre compte de sa gestion à ses mandants malgré leurs demandes répétées, Clovis Ngasseu va faire main basse sur les biens de la succession et de la société Tala Voyages. Il va d’ailleurs créer et loger sur le même site une entreprise unipersonnelle dénommée «Société Maryland Sarl» , entreprise concurrente au profit de laquelle il a détourner aussi bien les recettes d’exploitation de Tala Voyages, que ses véhicules et pièces détachées. C’est dans le cadre de l’une des nombreuses actions engagées contre lui en justice qu’il est poursuivi, ainsi que sa société, y compris Paul Tagne son mécanicien, Elise Noguem née Kemgne la bailleresse, devant la Cour d’appel du Centre. Devant la Cour d’appel, M. Eric William Gounou Djilo était largement revenu sur ses faits lors de son témoignage à l’audience. Ce dernier avait expliqué aux juges que M. Ngasseu utilisait les recettes générées par les bus de la société Tala Voyages pour acheter de nouveaux bus, qu’il immatriculait au nom de la société Maryland. Par ailleurs, M. Ngasseu Clovis Noël dépiécait les bus appartenant à la société Tala Voyages pour dépanner ceux de sa propre société. Dans le but de toucher du doigt les faits ainsi présentés, la Cour avait effectué une descente sur le terrain. Les juges constateront à l’occasion que, malgré les décisions de justice, dont celle de la Cour Suprême du Cameroun prononçant ou consolidant l’expulsion de M. Ngasseu et de sa société Maryland des installations de la société Tala Voyages, ce dernier s’y était maintenu. La Cour découvrait également que les bus de la société Maryland étaient en activité tandis que ceux de la société Tala Voyages étaient impropres à la circulation, réduits en pièces détachées par M. Ngasseu Clovis et ses mécaniciens. M. Ngasseu lui-même avouait à la Cour avoir enlevé les plaques publicitaires de la société Tala Voyages, pour les remplacer par celles de la société Maryland Sarl. Le verdict n’a donc surpris personne. Mais la guerre ne semble pas terminée. Plusieurs fronts de combat persistent… Après le décès de Kameni Tchuente Roger, certains membres de la famille se sont accaparés des biens de la succession. Depuis lors, plusieurs procédures engagées par les ayants droit pour tenter de les récupérer sont actuellement pendantes devant plusieurs juridictions camerounaises, notamment dans les régions du Centre, de l’Ouest, du Nord-Ouest et du Littoral. Ces procédures concernent, entre autres, l’occupation des sites autrefois exploités par la société Tala Voyages, notamment au quartier Tongolo à Yaoundé et à Nkongsamba. S’agissant du cas du site de Tongolo, M. Ngasseu Clovis, qui assurait la gestion courante de la société Tala Voyages et des biens du défunt, n’a jamais rendu compte de sa gestion à ses mandants, malgré leurs demandes répétées. Il a plutôt créé et logé sur le même site une entreprise personnelle concurrente, au profit de laquelle il a détourné aussi bien les recettes d’exploitation de Tala Voyages que ses véhicules et pièces détachées. Il a agi de manière similaire sur le site de Nkongsamba. À ce jour, plus d’une dizaine de décisions, dont certaines incompréhensibles pour tout être normal au regard de la loi, ont été rendues par les juges, sans pour autant permettre de résoudre le problème. Au plan civil , ces décisions concernent notamment la mise sous séquestre des bus immatriculés au nom de la société Maryland Sarl Voyages, propriété de Clovis Noël Ngasseu, achetés, selon les ayants droit de la succession, avec les recettes générées par la société Tala Voyages. Clovis Ngasseu a cependant toujours rejeté toutes les accusations portées contre lui. La Cour suprême du Cameroun a depuis été saisie par les ayants droit dans ces affaires et bien d’autres, après de longues batailles dans les juridictions inférieures où ils affirment avoir vécu de véritables scandales judiciaires. Au pénal, en attendant l’issue des autres procédures initiées, principalement contre M. Ngasseu Clovis, l’arrêt du 12 août 2024 de la Cour d’appel du Centre est la première véritable décision au fond et au pénal que les ayants droit de la succession Tala Voyages ont connue. Ils attendent également dans les prochains jours, un verdict de la Cour d’appel du Littoral dans un autre volet pénal de l’affaire impliquant à titre principal Clovis Ngasseu, la société Maryland Sarl, et d’autres prévenus différents de ceux de Yaoundé, pour des faits qualifiés d’atteinte à la propriété foncière, trouble de jouissance, vol, recel, abus de confiance, entre autres.

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