Bertin Bertrand Tchuente, fonctionnaire retraité, n’a plus droit de cité à Nkongoa, un village situé à un jet de pierre de Mfou. Bien que propriétaire dans ce village d’une maison d’habitation et des plantations réalisées sur un terrain d’une superficie de 3 hectares que couvrait jusqu’ici le titre foncier No 6353/Mefou Afamba, ce document n’a plus de valeur légale. Et pour cause : le 5 janvier dernier, le Tribunal administratif de Yaoundé a procédé à son annulation. M. Tchuente est sanctionné pour avoir obtenu le titre allégué par voie d’immatriculation directe sans qualité parce que n’appartenant pas à la communauté originaire des lieux.
Etienne Ateba et Théophile Belinga, deux frères, avaient du mal à contenir leur joie lorsque cette sentence est tombée. Ils avaient un sourire jusqu’aux oreilles. Ils sont en fait les initiateurs du recours au centre du procès. Une attitude qui contrastait avec la tristesse de M. Tchuente qui présentait le masque des mauvais jours à la fin de l’audience.
Dans cette affaire, les frères Ateba et Belinga représentants de la collectivité coutumière Onanda, expliquent à travers leurs recours qu’ils ont hérité des terres disputées de leurs défunts parents et grand-parent qui les ont toujours exploitées et occupées depuis des lustres. Mais «contre toute attente» ils ont été surpris de découvrir que M. Tchuente qui n’est pourtant pas membre de leur communauté a réussi, de manière frauduleuse, à obtenir le titre foncier attaquée sur le domaine national à la suite d’une procédure d’immatriculation directe. Or seules les collectivités coutumières sont habilitées à immatriculer le domaine national.
En effet, les deux frères estiment que l’immatriculation querellée a violé les dispositions de l’article 9 du décret du 27 avril 1976 fixant les conditions d’obtentions du titre foncier. Selon ce texte : «sont habiletés à solliciter l’obtention d’un titre foncier sur une dépendance nationale qu’elles occupent et exploitent, les collectivités coutumières, leurs membres ou toute autre personne de nationalité camerounaise, à condition que l’occupation ou l’exploitation soit antérieure au 5 août 1974 […]».
Protocole d’accord
Pour les plaignants, M. Tchuente ne remplit aucune des dispositions listées par le texte cité, car «en 1974, M. Tchuente n’avait que 2 ans». De ce fait, il ne pouvait pas avoir occupé et exploité le terrain litigieux pour prétendre à l’immatriculation critiquée. Ajouté au fait qu’il est originaire d’une communauté non originaire de Nkongoa. Leur avocat indique que M. Tchuente et feu Belinga, le grand-père de ses client avaient conclu «un protocole d’accord» non notarié selon lequel le mis en cause devait l’aider à procéder à l’immatriculation de ses terres et allait en retour recevoir des parcelles de terrains comme rétribution. M. Tchuente n’a jamais rempli ses obligations mais s’est empressé d’immatriculer en catimini les terrains que le feu Belinga lui promettait.
C’est un son de cloche différent que M. Tchuente a fait entendre dans ses écritures. Il dit avoir acheté deux terrains en 2001 auprès de feu Belinga. Ce dernier lui a ensuite «cédé ses droits coutumiers» sur ladite parcelle. Des parcelles qu’il a mis en valeur. Ce qui, a ses yeux, lui permet de procéder à l’immatriculation décriée.
En prenant ses réquisitions, le ministère public a relevé que la procédure d’immatriculation qui a abouti à la délivrance du titre attaqué est truffée de nombreuses irrégularités. D’abord, M. Tchuente a acquis le terrain disputé à la suite d’une vente irrégulière (sous seing privé) parce que faite hors la vue d’un notaire et sur un terrain non immatriculé. Ensuite, les oppositions formulées par certains membres de la famille des plaignants n’ont pas été levées, mais l’immatriculation est allée jusqu’à son terme. Deux ingrédients qui ont violé le décret déjà évoqué. En instruisant l’affaire, le tribunal a effectué une descente à Nkongoa pour se faire une opinion sur les faits dénoncés. La suite on la connaît.