A chaque rentrée scolaire, les livres font partie des premières fournitures achetées par les parents d’élèves mais ils sont peu nombreux à s’intéresser aux noms des auteurs de ces ouvrages mentionnés sur les couvertures. Une information, à peine mise en valeur, qui justifie pourtant la quote part due aux personnes ayant rédigé le document. C’est ce qu’on appelle le droit d’auteur. Une rémunération que Mme Mbia et Ngono réclament à l’Africaine d’édition (Afrédit). Les deux enseignantes de formation ont déclaré au tribunal, le 18 janvier dernier, ne jamais avoir reçu un seul sou depuis la signature de leur contrat en 2008. Toutes les recettes empochées pour la vente de leurs livres leurs sont passées sous le nez malgré leur plainte en justice.
Deux ans après la signature du contrat les liant, rien n’avance pour les deux maitresses. En effet, Mme Mbia et Ngono attestent avoir écrit 8 ouvrages édités par Afrédit. Le contrat signé prévoyait pour les deux parties un pourcentage défini des gains à percevoir. Mais rien ne se passe comme prévu et les deux femmes ne reçoivent pas un rond après deux ans. Elles vont alors se résoudre à porter plainte contre la maison d’édition pour rentrer dans leurs droits. Le Tribunal de grande Instance (TGI) du Mfoundi leur donne raison en 2010. Afrédit est condamnée pour atteinte à la propriété littéraire et artistique. La juridiction accorde aux deux femmes une indemnisation à hauteur de 25 millions de francs et l’arrêt de toute exploitation des livres produits par les plaignantes. Cette décision est confirmée par la Cour d’Appel du Centre et la Cour suprême saisie par la maison d’édition. Prétextant des soucis financiers, le promoteur de l’Africaine d’édition demande à verser la somme exigée par tranches, à raison de 5 millions par trimestre. Les plaignantes lui font confiance une fois de plus. Et rebelote, il ne va honorer aucun rendez-vous pour régler sa dette.
Marché noir
Jusque-là, Mme Mbia et Ngono ne se doutent pas que leurs livres continuent d’être écoulés dans certaines librairies et points de vente. C’est de manière fortuite que l’une des deux trouve quelques spécimens sur une étale de vente clandestine d’ouvrage, aux abords d’une imprimerie à Mvolyé. Elle contacte une connaissance qui se fait passer pour un client afin d’acheter les ouvrages frauduleux. C’est par là que la forfaiture est mise à nu. S’agissant de la première édition, les noms des deux femmes sont normalement inscrits sur la couverture des livres mais pour celle-ci leurs noms sont dissimulés par un morceau de bande adhésive. Il est également ajouté le nom d’un groupe d’auteurs turcs qui en seraient les écrivains. Le contenu est identique en tous points à l’ancien. C’est cette dernière piste qui leur fait pousser les investigations un peu plus loin. Les deux femmes découvriront que les livres sont désormais imprimés en Turquie et expédiés pour la vente au Cameroun. Les librairies qui en commandaient étaient livrées nuitamment pour ne pas éveiller des soupçons.
Pour l’avocat des plaignantes, Me Laurent Angoni, les dispositions liant les deux parties n’ont jamais été respectées et de ce fait annulaient tous droits de la maison d’édition de continuer à utiliser le contenu et les titres des ouvrages de ses clientes jusqu’en 2019. Le déni de paiement des droits d’auteurs manifesté par Afrédit a de plus mis à mal la survie des deux femmes qui comptaient sur ces revenus pour avoir une vie plus décente. Il annonce enfin leur constitution comme partie civile pour une demande en réparation du préjudice moral et financier subi.
Les faits sont aussi sans ambiguïté pour le représentant du ministère public qui a demandé au tribunal de châtier «la prévenue qui avait contrefait des livres à l’effet de les imprimer et de les vendre». Il a ensuite demandé l’application de l’article 327 du Code pénal réprimant l’infraction d’atteinte à la propriété littéraire et artistique dont les peines assorties sont une amende de 500 000 à 10 millions de francs, assorties d’un emprisonnement de 5 à 10 ans. Il faudra attendre le 16 février pour savoir si le tribunal a pris en compte les différents arguments soulevés contre Afrédit.