La cohabitation entre René Manda et Benoit Foundem est plutôt houleuse. Depuis quelques années, M. Manda veut déloger son voisin qu’il accuse devant le Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé-Ekounou le 3 février 2021, de se maintenir sur une partie de son terrain. La concession familiale signée au quartier Nkolndongo à Yaoundé, dans laquelle habite le plaignant, aurait été léguée par son défunt père qui a pris le soin d’obtenir le titre foncier n° 7736/ Mfoundi, en 1943. Mais en 1988, l’un des enfants de la grande famille aurait vendu au prévenu une superficie de 66 mètres carré qu’il occupe jusqu’à présent. Pourtant, M. Manda aurait demandé au nouvel occupant de libérer les lieux. Il n’aurait pas tenu compte des sommations servies en se basant sur un certificat de vente délivré par le chef de quartier. Le mis en cause aurait plutôt construit un immeuble collé sur le mur de l’une des maisons de la concession.
Selon le plaignant, en service à Douala au moment de l’occupation, c’est à son retour qu’il constate que le toit de son voisin déverse des eaux de pluie sur son mur, au point de le détériorer. M. Manda relate qu’il s’est approché de M. Foundem pour lui demander de modifier la canalisation des eaux afin d’épargner son mur, désormais croulant. Mais ce dernier ne s’est pas exécuté sous prétexte qu’il est chez lui. Les détériorations l’auraient même obligées à reconstruire sa maison, à son retour en 2014. C’est ce dernier coup qui l’aurait motivé à porter plainte contre le mis en cause en 2018. Pour soutenir son accusation, M. Manda va produire les photographies de son mur endommagé et le titre foncier de son défunt père. A la demande du ministère public qui désire plus de preuves, le plaignant déclare avoir oublié les autres documents.
Pas de morcellement
Dans son contre interrogatoire, l’avocat de Benoit Foundem a insisté sur le déroulement de la descente du tribunal et celle de l’expert cadastral commis par la juridiction. Selon lui, M. Manda ne se serait pas présenté la première fois que l’expert a travaillé pour demander une contre-expertise par la suite. La deuxième fois, il aurait même confisqué le matériel de travail de l’agent assermenté parce qu’il estimait qu’il ne faisait pas bien son travail. A cette évocation, le plaignant, qui était déjà agité, va interrompre l’avocat pour raconter de prétendues manœuvres des enfants Foundem visant à corrompre l’expert. Il continue en revenant sur la légitimité de son titre foncier. «Votre client est fautif, je veux mon terrain», va brailler M. Manda avant d’être calmé par la juge.
Quand l’avocat lui demande s’il a un document qui établit la répartition du terrain entre les enfants de la succession Manda, un morcellement du titre foncier, l’homme déclare qu’ils ont introduit une demande qui n’a jamais abouti. Il ne produit non plus un jugement d’hérédité qui l’identifie comme administrateur des biens ou encore un mandat de ses frères pour défendre leurs intérêts. Une carence de documents dont profite le conseil de M. Foundem pour remettre en cause la procédure judiciaire engagée contre son client. Le plaideur va également revenir sur les destructions qu’il attribue à M. Foundem. Selon l’homme en robe noir, l’installation de son client date de 1988 et ce n’est qu’en 2018 que M. Manda a saisi la justice. Il estime qu’il y a prescription, une extinction des faits répréhensibles après un certain délai, en se ce qui concerne le délit d’atteinte à la propriété foncière car c’est 30 ans plus tard que M. Manda se plaint. Selon lui, le délai accordé par la loi est de 3 ans.
Un argument invalidé par le ministère public qui pense qu’il n’y a pas de date des faits dans la plainte reçue par le procureur de la République. Le magistrat qualifie les infractions de «continues» car la présumée victime n’a pas précisé la date de déroulement des faits. Dans ses réquisitions, ce dernier va également constater que M. Manda n’est pas propriétaire du domaine qu’il réclame car il n’a rien qui le prouve puisque le titre foncier revient à tous les ayants droit du père Manda. S’agissant de la destruction reprochée à M. Foundem, il ne lui impute pas une «dégradation intentionnelle» du mur touché par les eaux. Le verdict sera rendu le 3 mars 2021.