Décidemment, les avocats de M. Beh Mengue Jean Louis, l’ancien directeur général (DG) de l’Agence de Régulations des Télécommunications (ART) ont profité des faiblesses du parquet général du Tribunal criminel spécial (TCS) pour fragiliser l’accusation et obtenir l’acquittement de leur client. Pendant plus de 4 heures au cours de leurs plaidoiries, Maîtres Assira Engoute et Ndongo se sont évertués à démontrer que le procès de M. Beh Mengue s’assimile à une mission commandée, une mafia qui consistait à lui couper la tête par tous les moyens. Et le moyen le plus efficace a été, selon eux, un rapport monté de toutes pièces pour les besoins de la cause par une mission de vérification du Contrôle supérieure de l’Etat (Consupe) qui impute à l’ancien DG un détournement supposé de 800 millions de francs au détriment de l’ART.
Pour étayer leurs arguments, les avocats de la défense ont indiqué que le ministère public n’a fait aucune autre investigation dans cette affaire et ne s’est contenté que des accusations retenues dans l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction du TCS. Ils pensent que le rapport du Consupe qui ont s »est inspiré le juge d’instruction n’est pas une parole d’évangile surtout quand on sait que de nombreux rapports de cette institution ont été remis en cause dans des affaires examinées au TCS et au Tribunal administratif de Yaoundé. Les avocats critiquent le fait que le parquet ait refusé de faire des investigations approfondies auprès des administrations compétentes et ne s’est contenté uniquement que du rapport du Consupe. «Le parquet général n’a pas exactement fait son travail qui consistait à obtenir une contre-expertise du rapport litigieux. On comprend pourquoi le montant du détournement supposé initial de 18 milliards de francs a dégringolé pendant les étapes du procès pour se stabiliser à 800 millions de francs», ont noté les conseils de Bemengue.
Requalification contestée
L’autre grief porté contre le parquet du TCS concerne cette fois le fait qu’il a présenté comme témoin de l’accusation, un membre de la mission de contrôle du Consupe ayant rédigé le rapport contesté qui accable M. Beh Mengue en prison. Ce qui fait de ce témoin, juge et partie. Ils ont également fustigé l’attitude du parquet pour avoir attendu la fin des débats pour demander la requalification de l’infraction initiale de complicité de détournement de la somme de 389,7 millions de francs en celle de coaction de détournement. Les avocats trouvent curieux que le parquet n’ait pas convoqué comme témoins certains membres du Conseil d’administration de l’ART à l’époque des faits et des responsables du ministère des Finances (Minfi) ou de cette entreprise pour éclairer davantage le tribunal. Ils ont, cependant, adressé leur gratitude à l’équipe dirigeante actuelle de l’ART pour avoir accepté d’authentifier les documents présentés aux débats par leur client.
Les conseils de M. Beh Mengue ont, en outre, estimé que tous les actes posés par leur client étaient conformes au budget voté par le conseil d’administration et en respect des textes en vigueur. Selon eux, lesdits actes n’ont jamais fait l’objet d’une contestation ni du Minfi ni du Minpostel. Ils indiquent que les comptes de M. Beh Mengue avaient toujours obtenus le quitus du conseil d’administration constitué de plus d’une dizaine d’éminentes personnalités, parmi lesquelles, les magistrats et d’autres experts qui n’étaient pas à sa solde. Ils expliquent, d’une part, que l’ancien DG de l’ART n’étant pas membre du conseil, ne pouvait pas influencer les délibérations de cet important organe, et d’autre part, il n’avait jamais été convoqué devant le Conseil de discipline budgétaire et financière (Cdbf) pour répondre d’une quelconque faute de gestion.
S’agissant des chefs d’accusation retenus contre M. Beh Mengue, ses avocats estiment qu’ils sont légers et ne peuvent pas prospérer. D’abord, disent-ils, l’infraction de coaction de détournement soulevée par le parquet général est tardive et viole les articles 3, 142, 145, 169, et 390 du Code de Procédure pénale. Ensuite, la complicité d’un présumé détournement de 389,7 millions de francs imputé à M. Eta’a Ntonga Gaston, l’agent comptable de l’ART en fuite. Les avocats soutiennent que M. Beh Mengue ne peut pas répondre d’un acte commis par le comptable qui ne rend compte qu’au Minfi. «Le principe de séparation de compétences ne permet pas au DG, ordonnateur des dépenses et à son service financier d’accéder aux documents de l’agent comptable. A l’époque des faits, la cosignature des chèques n’était pas interdit par un texte de loi. Ce qui n’est pas interdit en droit pénal est permis», ont déclaré les avocats. Ils déplorent l’absence de l’agent comptable dans cette procédure. Ce dernier aurait, disent-ils, éclairé la lanterne du tribunal sur les faits au centre du procès. De plus, les écarts dont il est question dans ce procès, n’ont pas été évoqués lors de la passation de service entre M. Eta’a Ntonga Gaston et son remplaçant.
Procédure complaisante
Concernant les dépenses estimées à près de 400 millions de francs, relatives à la perception des salaires qualifies d’indus, à la participation au comice agropastoral d’Ebolowa, aux Fonds de souveraineté, à l’appui à la tutelle et à l’ancienneté nouvelle, les avocats de l’ancien DG s’appuient sur quelques éclaircissements pour démontrer l’innocence de leur client. D’abord, ils notent que les dépenses effectuées par M. Beh Mengue obéissaient à des lignes d’un budget voté par le Conseil d’administration. Sa mission consistait à exécuter ce budget et de rendre compte au conseil d’admi,istration. Ce que leur client a toujours fait et n’a reçu de cet organe le moindre reproche. Les fonds pour lesquels, l’accusé est poursuivi ne sont pas entré dans ses poches, ils ont, soutiennent les avocats, servi à la nation dans ses différentes sollicitations. Ils soulignent que les dépenses des fonds querellés n’ont fait l’objet d’aucune contestation du Conseil d’administration et du Ministère des Finances qui contrôlaient la gestion du DG. «Le parquet à jouer à cache-cache, soit parce qu’il est déloyal, soit parce qu’il est mal à l’aise dans cette procédure complaisante. Etant donné que le ministère public qui poursuit n’a pas apporté devant la barre, les témoins et les éléments de preuve qui accablent notre client, le tribunal doit tenir compte des pièces au soutien de la défense produits par les avocats de M. Beh Mengue pour l’acquitter au nom de la justice. Ce qui arrive aujourd’hui à notre client peut arriver à chacun d’entre nous», ont conclu les avocats de la défense. L’affaire a été renvoyée le 15 octobre prochain pour les plaidoiries des conseils de Mme Maryamou, épouse Idrissou, ancienne agent de l’ART.
Rappelons que M. Beh Mengue passe en jugement devant le TCS en compagnie de Mme Maryamou, épouse Idrissou. Ils sont détenus à la prison centrale de Yaoundé Kondengui. Gaston Michel Eta’a Ntonga, ex agent comptable et Mme Ngono Anne marlyse, ancienne employée à l’ART, tous déclarés en fuite, complètent la liste des accusés. Ils répondent d’un ensemble de faits ayant conduit à un présumé détournement de deniers publics de l’ordre de 800 millions de francs.