Le ministère de l’Agriculture et du Développement rural (Minader) a définitivement perdu le bras de fer qu’il livrait contre le groupement d’intérêt communautaire (GIC) Papes depuis 16 ans. L’ultime round s’est déroulé devant la Chambre administrative de la Cour suprême le 10 août dernier. Et c’est le GIC Papes qui l’a gagné sur tapis vert.
En fait, la haute juridiction a confirmé en tout point le jugement rendu le 2 avril 2019 par le Tribunal administratif de Yaoundé. Jugement attaqué par le Minader, et dans lequel il est condamné à payer à son adversaire 10 millions de francs de dommages et intérêts. Un peu plus de la moitié de l’enveloppe, soit 6 millions de francs, représente le paiement forcé du reliquat d’une prestation réalisée par le bénéficiaire, tandis que le reste dudit montant concerne les intérêts «moratoires et compensatoires».
Le Minader a essuyé un revers devant la Cour suprême pour n’avoir pas déposé son mémoire à l’appui de son pourvoi dans le délai imparti par la loi. A cause de ce vice de forme, la cour a estimé qu’il n’est pas nécessaire d’examiner le dossier au fond.
A l’origine du conflit, un marché lancé le 16 février 2004 par le ministère de l’Agriculture à travers un appel d’offres national restreint portant sur la fourniture de 300 mille plants/rejets de banane-plantain. Lesdits plants étaient destinés au Programme de relance de la filière banane-plantain (Prfp), une structure du Minader, qui à son tour allait les distribuer (gratuitement) aux agriculteurs, pépiniéristes, ou à des GIC de la région du Sud. C’est le GIC Papes basé dans la ville d’Ebolowa qui a remporté ce marché d’un montant de 66,7 millions de francs.
Dans la pratique, les 300 mille plants devaient être réceptionnés au niveau de la coordination régionale du Programme du Sud, et les bénéficiaires se chargeaient eux-mêmes de les enlever dans les entrepôts du GIC Papes.
Santé financière
Mais la brouille entre le Minader et son partenaire d’affaires est survenue autour de la livraison de 26769 plants/rejets. La cause ? Alors que le GIC Papes avait déjà assuré 90% de la commande, la livraison du reste de la marchandise faisait l’objet d’un malentendu entre le GIC et les dirigeants du Programme de la relance de la filière banane-plantain.
De fait, le GIC Papes prétend qu’il a effectivement fourni les plants querellés aux bénéficiaires. Et les différentes opérations d’enlèvement des plants en question ont été matérialisées par la confection du procès-verbal de réception définitive des plants dressé et signé par le délégué départemental de l’Agriculture de la Mvila le 27 août 2004. Le Minader ne l’a pas entendu de cette oreille, faisant constater que les signatures du comptable-matières du Prfp et celle du coordonnateur régional pour la région du Sud, également membres de la commission de réception des plants, ne figurent pas sur les documents brandis. A cause de ces omissions, le Minader refusait de régler la facture de son adversaire.
Face à la situation, le GIC Papes a finalement porté le différend devant la justice après des tentatives infructueuses d’arrangement à l’amiable avec le Minader, en septembre 2008. Il accusait l’Etat du Cameroun d’être de «mauvaise foi» suite au refus de régler sa facture en dépit de l’exécution du marché dans le délai. Le refus de payer, indiquait-il, porte atteinte à sa «santé financière». Il s’est arc-bouté sur les dispositions de l’article 1134 du Code civil. «Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi», précise ce texte.
Pour justifier les raisons du refus de payer, le Minader a mis en doute l’authenticité du procès-verbal de réception définitif dont se prévaut le GIC. Selon le Minader, la livraison des 26 mille plants est fictive à cause de l’absence des signatures de certains responsables intervenant dans le processus de réception desdits plants. «Qu’il s’en suit que la carence de signature des responsables établit à suffire que le GIC Papes n’a jamais totalement fourni sa prestation contractuelle pour pouvoir réclamer le paiement d’un reliquat», déclare le Minader.
En prononçant leur verdict le 2 avril 2019, les juges du Tribunal administratif de Yaoundé ont donné gain de cause au GIC Papes. En motivant la décision, le tribunal a trouvé que les contestations sur «l’exécution et la réception» du marché au centre du procès portent sur la signature du délégué département d’Agriculture de la Mvila. Il a estimé que «seule» cette autorité «peut valablement contester l’authenticité de sa signature portée au bas des procès-verbaux de réception produits par le recourant». Avant d’ajouter : «Qu’ainsi, les contestations du représentant de l’Etat dépourvues de pertinence ne méritent pas qu’on s’y attarde outre mesure». Et a conclu que le «préjudice souffert» par le plaignant est «certain» et a condamné le Minader à lui payer 10 millions de francs, bien en deçà des 87 millions que le GIC Papes espérait récolter au terme du procès qu’il a intenté contre l’Etat du Cameroun.