L’affaire Metouck bloquée au TCS par les dirigeants de Sonara

Par Christophe Bobiokono – cbobio@gmail.com Il y a un peu plus de quatre mois, le 7 septembre 2023, M. Charles Metouck, ancien Directeur général (DG) de la Société nationale de raffinage (Sonara), avait soulevé l’émoi général, en prenant la parole pour la première fois devant le Tribunal criminel spécial (TCS), en ouverture de la phase de son procès consacrée à son audition. L’ingénieur-chimiste avait alors rappelé, en guise de propos liminaire, son parcours professionnel brillant dans le monde industriel jusqu’au début de ses ennuis judiciaires en 2013. Prévu pour commencer juste après, le jeu des questions-réponses entre ses avocats et lui avait été ajourné, ces derniers ayant estimé qu’ils devaient disposer de certains documents «certifiés conformes» par les dirigeants actuels de la Sonara avant d’interroger leur client. En fait, depuis juin 2023, affirmaient ces avocats, la Sonara avait reçu des documents photocopiés et une demande de certification, mais n’avait pas encore réagi en conséquence. Pour les conseils de M. Metouck, l’entreprise publique, par son attitude, obstruait la manifestation de la vérité dans le cadre du procès en cours alors que l’ancien DG de la Sonara est accusé du détournement d’un peu plus de 60 milliards de francs à travers 65 chefs de poursuite. Après de longs débats, les représentants de la Sonara ayant promis de faire des démarches nécessaires auprès de l’actuel DG de l’entreprise pour obtenir la certification des documents attendus par la défense de M. Metouck, le trio des juges avait renvoyé la suite du procès en octobre 2023. Jusqu’ici pourtant, le management de la Sonara ne s’est pas toujours résolu de répondre formellement à la requête des avocats de l’ancien DG de l’entreprise. L’affaire a été appelée à plusieurs reprises depuis septembre 2023, mais la situation n’a pas évolué d’un iota. Et les parties doivent se retrouver les 7 et 8 février prochain, pour le début effectif de l’audition de M. Metouck, si ce dernier reçoit de la Sonara, dans l’intervalle, les documents dont il entend se prévaloir pour sa défense. Lors de la dernière audience, 13 décembre 2023, après un débat houleux, le tribunal avait demandé aux conseils de l’ancien DG de lui faire tenir les photocopies des documents dont la certification est sollicitée depuis plus de six mois. Avec lesdites photocopies, le collège des juges entend enjoindre la Sonara de s’exécuter. Si tel n’est pas le cas, le tribunal annonce qu’il tirera toutes les conséquences de droit de l’obstruction organisée par l’entreprise, le procès pénal n’étant pas une embuscade. Coffre-fort Depuis septembre 2023 que les avocats de l’ancien DG se plaignent de la violation des droits de leur client par la Sonara, les avocats et le représentant de l’entreprise au procès ont multiplié des arguments pour justifier l’inaction de leurs mandants. D’abord, ils avaient indiqué que les documents dont la certification est sollicitée ont été volés à la Sonara par M. Metouck suite à son limogeage. Ensuite, ils avaient allégué de l’arrivée récente de M. Jean Paul Simo Njonou, l’actuel DG, à son poste (pourtant nommé en janvier 2019) pour dire qu’il prenait encore ses marques. Puis, ils ont prétendu que les recherches étaient laborieuses, les documents n’ayant pas des références traçables. Et qu’ils n’étaient pas en mesure de certifier des factures venant des partenaires d’affaires de la Sonara… Lors de la dernière audience, le représentant de la Sonara, M. Ngade Ngomba, tout en se répétant, s’est voulu enfin un peu diplomate dans l’explication donnée de l’absence des documents qui bloque le procès. «Nous sommes toujours dans la recherche des documents dont certains datent de 2015… Certains documents n’ont pas de code et il est difficile de les retrouver : c’est le problème que nous avons… Nous ne pouvons pas donner de délai précis pour la production des documents, mais si nous en avons la possibilité, nous pourrons présenter certains documents…» Confrontés au même problème que leurs confrères chargés de la défense de M. Metouck, les avocats des autres accusés s’étaient levés, l’un après l’autre, pour accuser la Sonara de mauvaise foi et de bloquer le procès, brandissant tous des demandes d’authentification des documents restées vaines en dépit des relances. «Nous ne contestons pas que nous avons reçu des demandes et des documents qui viennent des accusés, mais nous poursuivons des recherches. Sonara ne bloque pas le procès» , s’était défendu le représentant de la société. Mais, prenant la parole une ultime fois après avoir quand même essayé d’obliger les conseils de l’ancien DG d’interroger leur client malgré l’absence des documents, le président du collège des juges, M. Kago Lele, avait fini par lâcher que le «tribunal a aussi l’impression que la Sonara essaie de bloquer le procès». Un peu révolté par ce qu’il avait entendu, M. Metouck avait pris la parole pour s’indigner de tout ce qu’il avait entendu de la bouche du représentant de la raffinerie. Il rappelait au tribunal le délai légal de conservation des documents, soit 10 ans, et ce délai légal concernant les documents comptables, qui est de 20 ans au minimum. Des délais qui courent toujours s’agissant des documents dont la certification est sollicitée. Et l’ancien DG explicitait son indignation : «On s’amuse avec la vie des personnes, des pères de famille qui ont travaillé. Je sois me défendre sur 65 charges. Parmi les documents dont la certification est sollicitée, il y a des procès-verbaux (PV) de conseil d’administration, des rapports du commissaire aux comptes. M. le président, à la Sonara, les PV du conseil d’administration se trouvent dans les registres paraphés par le Tribunal de grande instance du Fako qui sont gardés dans un coffre à la Direction générale. Les rapports des commissaires aux comptes s’y trouvent aussi» . Une façon de dire que les arguments avancés par la Sonara ne tiennent pas, les documents ici indiqués étant bien sécurisés et à portée de main des dirigeants de la Sonara. Temps morts… Peu avant, pour montrer que les explications données par le représentant de la Sonara ne pouvaient tenir, l’un des avocats de M. Metouck avait présenté au tribunal la copie d’un bordereau des pièces certifiées par la Sonara et mise à la disposition du juge d’instruction, qui montraient que les documents ne sont pas aussi recherchés que ça. A la suite de cette prise de parole, le collège des juges annonçait le renvoi de la suite du procès au 7 février 2024 avec pour motif : «examination in chief de M. Metouck après certification des pièces par la Sonara» . Le procès en cours de M. Metouck a connu de très nombreux temps morts depuis son démarrage le 28 octobre 2015, il y a un peu plus de 8 ans, sur la base du rapport préliminaire d’une mission du Contrôle supérieur de l’Etat effectuée en 2010 sur la gestion de la Sonara entre 2007 et 2010. M. Metouck, accusé principal de ce dossier, est poursuivi en compagnie de cinq autres personnes dont le PCA décédé. L’ancien DG de la Sonara est poursuivi à titre personnel pour un supposé détournement de la somme totale de 39,479 milliards de francs. Il est également accusé d’avoir distrait en coaction avec M. Edinguele Edinguele Jean-Joule la somme de 8,540 milliards de francs. Il répond, en outre, d’un détournement présumé de derniers publics en compagnie de M. Godfrey Yenwo Molo d’une somme de 3,627 milliards. Par ailleurs, l’accusation lui fait le grief de la distraction en coaction avec Michel Moue Mbeleck de la somme de 5,451 milliards de francs. Enfin, sur la complicité, il lui est imputé le supposé détournement de 2,593 milliards de francs. En 2013, lors de son départ, l’Etat devait à la Sonara plus de 347 milliards de francs dont 167 milliards de francs de titres non échus. La raffinerie, hissée sous M. Metouck au 1 er rang des entreprises performantes en Afrique francophone, n’est plus fonctionnelle aujourd’hui et une bonne partie de ses avoirs financiers a fondu comme neige au soleil.

L’affaire Metouck bloquée au TCS par les dirigeants de Sonara

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