Qui de Jean Paul Mouzong, gérant de la société d’Etudes, Réalisation, Maintenance et Contrôle (Seremac Sarl) et Jose Moise Mbazoa, 1er adjoint préfectoral du Mfoundi est le propriétaire légitime du lotN°4/024 d’une superficie de 617 m2 au quartier Nfandena à Yaoundé ? La réponse à cette question sera donnée par le tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé Ekounou et le ministre des Domaines et des Affaires Foncières qui ont été saisis par M. Mouzong Jean Paul. Le lopin de terre dont il s’agit avait été prélevé du titre foncier global 3559/Mfoundi, appartenant à la Mission d’Aménagement et d’Equipement des Terrains Urbains et Ruraux (Maetur) et avait été attribué à l’homme d’affaires par un arrêté du ministre des Domaines et des Affaires Foncières du 21 novembre 2008. Mais l’autorité préfectorale le lui dispute.
L’affaire opposant Jean Paul Mouzong et son entreprise à Jose Moise Mbazoa passe devant le TPI d’Ekounou depuis le 21 mai 2021. Lors de l’audience de 16 juin 2021, elle avait été renvoyée au 21 juillet 2021 pour comparution du mis en cause à savoir M. Mbazoa et ouverture des débats. A l’audience du 21 juillet dernier, le dossier a connu un autre report en août pour les mêmes raisons.
Pour bien comprendre cette affaire, il faut remonter en 2008 lorsque la demande d’obtention d’un lot social à la Mission d’Aménagement et d’Equipement des Terrains Urbains et Ruraux avait abouti. Le ministre des Domaines lui avait alors attribué le 21 novembre 2008, le lot au centre de la dispute. Ledit terrain avait été légalement morcelé par la Maetur le 16 novembre 2009, puis titré sous le N° 44320/Mfoundi au profit de la société Seremac. La parcelle avait été entièrement viabilisé, sécurisée avec une clôture et exploitée par son propriétaire comme un entrepôt de poteaux et autres matériels électriques à usage commercial.
Intimidation
Seulement, le 23 février 2021, après plus de 20 ans d’occupation paisible et continue de cet espace, le gérant de Seremac Sarl dit avoir été surpris de constater que le mur de la clôture de leur lot avait été détruit. Jean Paul Mouzong et ses employés, qui s’y étaient rendus pour entreposer leurs matériels comme à l’accoutumée, se sont heurtés à la présence des inconnus qui avaient déjà déversé dans leur domaine, du sable, du gravier et y avait déposé un grand conteneur. Pendant que l’homme d’affaires s’évertuait à identifier l’auteur de ce qu’il qualifie d’atteinte illégitime et abusive au bien de son entreprise, M. Mouzong, son équipe ainsi que le camion qui transportait les poteaux électriques ont été conduits immédiatement à une unité de gendarmerie où ils ont été enfermés. Ils ont été informés par la suite d’une plainte déposée contre eux par M. Mbazoa qu’ils disent avoir découvert pour la première fois et qui se prévaut d’un titre foncier récemment obtenu. Ce dernier les accusait de trouble de jouissance, vol de matériaux de construction d’une valeur de 20 millions de francs et de destruction de leur propre mur.
Face à ces comportements de Jose Moise Mbazoa, M. Mouzong estime que son adversaire abuse de sa fonction. Pour étayer ses arguments, le plaignant met en exergue un certain nombre de griefs contre leur adversaire. Ils indiquent que malgré la présentation du titre foncier, les procès-verbaux de constats et même la sommation d’arrêt des travaux d’un huissier de justice servis à Jose Moise Mbazoa, lui-même, ce dernier est resté sourd et indifférent à tout cela, continuant ses travaux sur le site litigieux. Le gérant de Seremac Sarl pense que son adversaire est déterminé à «imposer son droit de la force au lieu de respecter la force du droit» pour accaparer son terrain.
Vente contestée
Par ailleurs, M. Mouzong dit avoir découvert, il y a quelques semaines la copie d’un arrêté préfectoral datant du 9 septembre 2020, qui institue «la commission chargée de l’examen de la demande de vente de gré à gré d’un terrain domanial sis au lieudit Nfandena sollicitée par M. Mbazoa Moïse Bienvenu José». Chose curieuse, cet arrêté préfectoral dont Kalara a pris connaissance, a pour signataire M. Mbazoa lui-même, en qualité de premier adjoint préfectoral du Mfoundi. Et la commission qu’il crée déroge à la lettre du décret primo-ministériel du 10 juillet 1981 , qui fixe les modalités d’attribution des parcelles des lotissements sociaux (lire encadré). Dans son document, M. Mbazoa fait fi des membres permanents de la commission, tels que prévus par le décret du Premier ministre. Le conflit est évident.
Face à cette situation, le patron de la société Seremac Sarl estime que la démarche de son adversaire, qui consiste à solliciter une vente de gré à gré sur un terrain privé déjà titré, est irrégulière et illégale et vise à induire l’administration des Domaines en faute en lui cédant les droits du propriétaire légal dans le but d’assouvir ses intérêts personnels et illégitimes. Le plaignant conclut que cette «pseudo vente de gré à gré» est illégale et porte atteinte tant aux principes généraux de droit qu’à la loi elle-même.
Me Cécile Dang, l’avocate de la société Seremac Sarl explique dans son document d’opposition et recours en annulation de la vente de gré à gré adressé au Mindcaf que la décision du 21 novembre 1998 dans laquelle, l’Etat du Cameroun à travers la Maetur avait attribué la parcelle de terrain querellée à ses clients, n’a jamais été remise en cause ou annulée. Elle a donc désormais acquis l’autorité de la chose décidée opposable à tous. L’avocate souligne en outre que, depuis le 16 novembre 2009, date d’obtention de son titre de propriété, la Seremac Sarl a acquis et consolidé sur sa parcelle des droits réels, inaliénables et définitifs qui ne peuvent d’après la loi, être cédés que pour cause d’utilité publique.
L’avocate de l’accusation évoque en outre les dispositions de l’arrêté du Premier ministre du 10 juillet 1981 fixant les modalités d’attribution des parcelles des lotissements sociaux dans ses articles 4 et 5 (voir encadré). Or, d’après elle, «la commission technique» qui a siégé pour la vente de gré à gré sollicitée par M. Mbazoa, a été taillée sur mesure et fabriquée pour les besoins de la cause, se substituant ainsi au ministre des Domaines. Cette commission présidée par le préfet du Mfoundi ou son représentant, avec pour secrétaire le chef service départemental des Domaines du Mfoundi, le délégué départemental de l’Habitat et du Développement urbain, le chef de service des Affaires juridiques, administratives et politiques de la préfecture et le chef de service départemental du Cadastre du Mfoundi est, soutient Me Cécile Dang, illégitime étant donné qu’elle n’est constituée d’aucun membre permanent ou non permanent prescrit par la loi». Elle demande donc au Mindcaf de bien vouloir annuler la vente de gré à gré relative à la commission irrégulière et illégale du 9 septembre 2020 avec toutes les conséquences de droit que cette annulation entraine.
Parallèlement à cette démarche administrative, M. Mouzong poursuit M. Mbazoa à travers une citation directe, pour les faits d’abus de fonction, déclarations mensongères, menaces sous conditions, destruction et atteinte à la propriété foncière.
De la commission d’attribution des lots sociaux de la Maetur
Cette commission est règlementée par le décret du Premier ministre N° 79 du 10 juillet 1981 fixant les modalités d’attribution des parcelles des lotissements sociaux. Il prévoit ce qui suit :
Article 4. Les demandes sont reçues à la Maetur qui les instruit et les soumet à la Commission d’attribution des lots dont la composition et les règles de fonctionnement sont fixées par les articles 5, 6 et 7 ci-après.
Article 5.- Présidée par un représentant du ministre chargé de l’habitat, la Commission d’attribution est composée de membres permanents et de membres non permanents.
Sont membres permanents,
un représentant de la présidence de la République ;
un représentant du Premier ministre ;
un représentant du ministre de l’Administration Territoriale ;
un représentant du ministre des Affaires Sociales ;
le directeur de l’urbanisme et de l’habitat ;
le directeur Général du Crédit Foncier du Cameroun ou son représentant ;
le directeur de la MAETUR ou son représentant : secrétaire.
Sont membres non permanents
Le Préfet du département concerné ou son représentant ;
le Délégué du gouvernement auprès de la commune dans laquelle est implanté le lotissement ou le maire de cette commune ou leur représentant,
un Député à l’Assemblée Nationale résidant dans la localité.