Par Odette Melingui – odettemelingui2@gmail.com
Dans certaines familles aujourd’hui encore, les aînés ne veulent pas reconnaitre que tous les enfants sont égaux devant la loi et qu’ils ont les mêmes droits. Chaque fois que l’occasion se présente, ces derniers utilisent leur droit d’ainesse comme un argument leur offrant des prérogatives plus importantes sur leurs cadets. C’est le cas de Maurice et de Louis, les deux premiers enfants de Adelaïde, issus de son précèdent mariage. Ils se battent pour entrer de force dans la succession d’Emmanuel, le mari de leur mère et père biologique de Jean, leur frère cadet consanguin.
L’héritage laissé par Emmanuel continue de diviser cette grande famille dont certains membres s’affrontent devant les tribunaux à travers de nombreuses procédures judiciaires. A l’origine des tensions, le grand patrimoine laissé par Emmanuel, qui est constitué, entre autres, des lopins de terre dans plusieurs quartiers de Yaoundé. C’est Jean, celui-là qui se fait passer pour l’unique héritier, qui a saisi la justice pour arbitrer le différend qui l’oppose à ses frères. Il sollicite l’ouverture de la succession d’Emmanuel, son père. Il a fait comparaitre des témoins parmi lesquels ses oncles et tantes paternels. Cette famille nombreuse s’est donnée en spectacle devant le Tribunal de premier degré (TPD) de Yaoundé la semaine dernière.
Contestation
L’histoire de cette famille démarre avec le mariage d’Adelaïde et de Philippe, son premier mari. De cette union sont nés deux garçons, Maurice et Louis. Lorsque Philippe décède, Adelaïde, la jeune veuve, se trouve dans l’obligation, selon la tradition béti, d’épouser Emmanuel, le cousin de son défunt mari. De cette idylle est né un enfant : Jean. Ce dernier a été reconnu du vivant de son père. La veuve s’est ensuite installée dans son nouveau ménage avec ses premiers enfants. Emmanuel n’a jamais fait de différence entre l’enfant issu de ses entrailles et ceux de son cousin décédé. Le trio des garçons a grandi sans savoir qu’ils n’avaient pas le même géniteur. C’est en 2010 que la vérité a été dévoilée, suite au décès d’Emmanuel. Le notable a laissé dernière lui un grand patrimoine, constitué de nombreux lopins de terre et des forêts non encore exploitées. Des biens qui aiguisent les appétits des uns et des autres.
Louis, le deuxième fils d’Adelaïde, a procédé à la vente de certaines parcelles de terre laissées par Emmanuel, sans l’accord des autres membres de la famille. Ayant été informé, Jean a convoqué une assise familiale dans le but d’ouvrir la succession de son père et de designer les véritables héritiers. Selon les résolutions qui ont été prises et qui sont consignées dans le procès-verbal (PV) de conseil de famille, Jean, le fil biologique d’Emmanuel, a été désigné unique héritier et administrateur des biens successoraux. Ce sont ses résolutions, qui sont fortement contestées par Louis devant le tribunal.
Dans son raisonnement, Louis, 40 ans sonnés, soutient qu’étant issu d’une même mère qu’avec ses autres frères, il a aussi les mêmes droits sur les biens d’Emmanuel que son cadet. De plus, déclare-il, Jean n’était encore un petit garçon lorsque son grand frère et lui se sont lancés à la conquête des terres au centre du litige. «Il est qui devant notre grand frère et moi. Je n’ai pas besoin de sa présence et de son approbation avant de vendre le terrain. Sa parole n’a aucune valeur. Notre petit frère est trop gourmand. Quand c’est lui qui vend les terrains, il n’y a aucun problème. Mais, lorsque c’est moi qui le fais, il alerte tout le village. J’ai aussi mes droits sur ce terrain autant que lui. Il doit apprendre à respecter ses aînés», a-t-il confié.
Petit frère gourmand
Jean, qui ne compte pas lâcher prise, est bien décidé de récupérer et de jouir comme bon lui semble de ce qui lui appartient. Les assises familiales semblent n’avoir pas réussi à régler le différend jusqu’à ce jour. Pendant ce temps, les frères se livrent une guerre sans merci. «Nous n’avons pas le même père. Leur géniteur les a reconnus de son vivant et ils ont déjà hérité de ses biens. Le problème est que mes grand-frères ont déjà dilapidé les biens qui leur appartenaient et veulent arracher les terrains qui m’ont été légués par mon père. Ils vendent mes terres à mon insu et à vil prix. Je veux que cela s’arrête.»
Ce qui énerve le plus Jean est le fait que Louis continu de spolier les gens, en se faisant passer pour le véritable propriétaire des lieux. Il dit avoir déjà fait placer son aîné en garde à vue pour qu’il prenne conscience de ses erreurs, mais ce dernier n’a pas retenu la leçon. «Mes frères ont signé des documents au commissariat où ils ont pris l’engagement de ne plus vendre mes terrains. Mais, une fois libre, Louis continue sa salle besogne et me promet la mort si je m’interpose à ses actes», a-t-il ajouté.
Prenant la parole au cours de cette audience, Didier, le frère cadet d’Emmanuel et oncle de Jean a confirmé les déclarations de son neveu. Il a ajouté qu’Adelaïde, la mère des garçons, se trouve actuellement sur un lit d’hôpital à cause des agissements de ses enfants. Le chef de famille soutient en outre que Louis ne veut pas entendre raison et refuse de reconnaitre son cadet comme héritier d’Emmanuel. L’affaire a été renvoyée pour la suite des débats.