Le verdict n’est plus tombé dans l’affaire des timbres de la recette régionale des Impôts de l’Adamaoua mardi dernier, 26 octobre. Initialement programmée ce jour, la sentence de cette affaire a été reportée au 9 novembre prochain. Et pour cause : l’un des trois juges du Tribunal criminel spécial (TCS) en charge de l’examen de ce dossier était absent à l’audience. Les parties sont obligées de prendre leur mal en patience. Le 12 octobre dernier pourtant, le tribunal avait écouté les derniers arguments de la défense, notamment les plaidoiries de deux avocats ainsi que le mot de fin de chacun des accusés.
Maurice Etoa répond du supposé détournement de 11,2 millions de francs. Ce montant représente, selon l‘accusation, le produit de la vente des timbres fiscaux compostés que l’intéressé est accusé d’avoir dissipé. Pour sauver son client, son avocat a expliqué que M. Etoa occupait les fonctions de chef de bureau de la statistique à la recette régionale déjà mentionnée. Sa tâche consistait à rassembler les données provenant des différents postes de collecte de l’impôt de la région de l’Adamaoua pour les transmettre à la direction générale des Impôts. C’est de manière fortuite, dit-elle, que le supérieur hiérarchique de son client, notamment M. Hassane Laminou le receveur régional, a impliqué M. Etoa dans le processus de timbrage entre janvier et mai 2016.
Pendant cette période, de milliers de dossiers d’examens et concours provenant des établissements scolaires et professionnels de la région de l’Adamaoua s’étaient amoncelés sur les tables de la recette régionale des impôts nécessitant qu’on y appose les timbres fiscaux et communaux. Face à la situation, qualifiée de crise, M. Hassane Laminou avait décidé de renforcer les caissiers en dotant M. Etoa d’une machine à timbre. C’est M. Hassane Laminou lui-même qui encaissait les fonds versés par les chefs d’établissement à son bureau et faisait parvenir à ses collaborateurs les dossiers pour timbrage, indique l’avocate. «On ne peut pas punir mon client parce qu’il a été sollicité pour décanter une situation au profit des élèves de la région de l’Adamaoua. Il obéissait aux ordres de sa hiérarchie», estime-t-elle.
Pertes involontaires
Le deuxième avocat à présenter sa plaidoirie est celui de Thomas Cyrille Voula Ondoua. Ce dernier répond d’un supposé détournement d’environ 1,2 million de francs. L’avocat a expliqué que son client avait tenu une machine à timbre à la recette régionale en cause pendant 6 mois. On l’a ensuite affecté comme chef de centre divisionnaire des impôts de Banyo. C’est lors de la coupure de gestion avec son remplaçant qu’un déficit estimé à 1,1 million de francs a été constaté dans sa comptabilité. «Ce déficit, estime l’avocat, est à mettre à l’actif des pertes involontaires liées à la pénibilité de la tenue d’une machine à timbre.» Selon l’avocat, «le Trésorier payeur général et le receveur régional des impôts de l’Adamaoua avaient décidé de retenir les primes de M. Voula Ondoua pour compenser le déficit».
Mais lorsque la mission de vérification dépêchée par la DGI en novembre 2016 à la recette régionale des impôts de l’Adamaoua a effectué son audit, elle a également retenu contre M. Voula Ondoua le déficit évoqué en l’augmentant légèrement. L’avocat soutient que cette mission n’avait pas entendu son client. C’est le rapport de cette mission de vérification qui a déclenché le procès.
Après son inculpation devant le TCS, M. Voula Ondoua a (encore) remboursé les fonds litigieux pour bénéficier d’un arrêt des poursuites. En vain. Pour l’avocat, l’Etat du Cameroun a déjà recouvré auprès de son client plus d’argent qu’il en a perdu. De ce fait, M. Voula Ondoua ne peut pas être condamné pour «détournement parce que la preuve de la distraction des fonds ne peut pas être rapportée», tranche l’avocat. A la fin de cette plaidoirie, le tribunal a lui-même questionné M. Voula Ondoua : «Est-ce qu’effectivement vos primes ont été retenues pour couvrir votre déficit ?». L’intéressé a répondu par l’affirme indiquant qu’il a versé aux débats tous les justificatifs de cette transaction. Sa réponse a occasionné une petite concertation entre les trois juges.
En rappel, au départ, 12 fonctionnaires en service à la recette régionale des impôts de l’Adamaoua ont été renvoyés en jugement en 2019 pour s’expliquer sur le détournement présumé de la somme totale de 416 millions de francs. Selon l’accusation, les mis en cause avaient pris l’habitude de distraire les fonds issus de la vente des timbres compostés. Les sommes étaient tantôt retenues par M. Hassane Laminou, tantôt partagées entre les intervenants de «la chaîne de la fraude», quand les montants des recettes effectivement collectées n’étaient pas minorés dans les livres comptables par rapport à la réalité. Présenté comme étant le cerveau du réseau, M. Hassane Laminou, qui a pris la poudre d’escampette, répond seul d’un détournement présumé de 151 millions de francs. Aujourd’hui, il ne reste plus que cinq accusés en jugement, le reste du peloton ayant bénéficié d’un arrêt des poursuites après la restitution des fonds retenus contre les mis en cause concernés.