C’est un jeune couple qui s’est présenté devant le Tribunal de premier degré (TPD) de Yaoundé le 29 septembre 2021. Winner, un français de 35 ans environ, est à l’origine d’une procédure en divorce introduite devant cette juridiction. Il ne veut plus être marié à Mélanie, de nationalité camerounaise et mère de son fils de 19 mois venu au monde à l’occasion de leur seul accouplement en plusieurs années. Les conjoints se sont donnés en spectacle lors de leur passage devant le tribunal, qui, après avoir découvert la nationalité de Winner, a quand même ouvert les débats dans cette affaire qui n’est pas de sa compétence. «Peut-ont ouvrir les débats dans cette procédure en sachant que le demandeur est de nationalité française? Je pense qu’il y a un problème d’incompétence de notre tribunal qui se pose», a fait remarquer le juge
Marié il y a deux ans à peine, Winner reproche à son épouse d’avoir abandonné le domicile conjugal établi dans un quartier de Yaoundé. Il avait loué cet appartement à son épouse avant de repartir en France, son pays d’adoption depuis 12 ans. De passage au Cameroun, le chef de famille dit avoir constaté que son épouse a déserté le domicile conjugal. «Je suis venu passé les vacances avec ma famille et je n’ai pas trouvé mon épouse à la maison. La bailleresse m’a dit qu’elle est partie depuis deux mois. J’ai fait appel à un huissier de justice, qui a fait son constat», a déclaré le jeune français. Déçu par le comportement de son épouse, Winner veut mettre un terme à son mariage avec Mélanie, qui pour lui, n’existe plus que sur du papier blanc.
La honte
Prenant la parole à son tour, Mélanie, qui a elle aussi introduit une demande reconventionnelle en divorce devant le même tribunal accuse son époux d’abandon du foyer conjugal et la non consommation du mariage. Elle a raconté au tribunal ce qu’elle qualifie de déboires conjugaux et dit ne plus vouloir de Winner comme époux. Mélanie a déclaré qu’elle a fait la connaissance de Winner lors d’un de ses séjours au Cameroun. Il était un homme amoureux et attentionné. Très vite, ils sont tombés amoureux l’un de l’autre. Elle vivait chez ses parents, et son prince charmant résidait chez sa tante. La dame déclare avoir fait la connaissance des membres de sa belle-famille le jour de la dot. Après leur cérémonie de mariage en 2019, Winner est reparti à Paris, tandis qu’elle continuait de vivre chez ses parents pendant un an. «Il était prévu qu’après le mariage, je devais aller le rejoindre à Paris. J’ai voulu aller habiter dans sa famille, il s’y est opposé. Prise de honte, je lui ai alors proposé de me louer un appartement dans un autre quartier», a-t-elle déclaré.
Poursuivant son témoignage, Mélanie a déclaré que l’instabilité de son époux dans le foyer est à l’origine de leur échec conjugal. En effet, après leur mariage civil, la communication devenait de plus en plus difficile. Winner était devenu réticent et distant avec elle. Elle dit n’avoir jamais passé une nuit avec son époux dans l’appartement qu’il lui faisait louer. Chaque fois que Winner arrivait au Cameroun, il préférait dormir chez sa tante plutôt que chez elle. «Mais comment avez-vous fait pour avoir votre enfant si n’y a jamais eu de rapport sexuel entre vous?», s’est interrogé le tribunal. Les époux ont d’une même voix déclarée que c’est à l’occasion des obsèques de la grand-mère de Winner qu’ils ont eu des rapports sexuels pour la première fois après leur mariage et la grossesse s’est faite. «Il m’a abandonnée pendant la grossesse et depuis que j’ai accouché, il a vu le bébé quand il avait deux mois. Il a passé une semaine au Cameroun dans sa famille et il est reparti. L’enfant a 19 mois aujourd’hui et ne connait pas son père».
Constat clandestin
Pour ce qui est des faits d’abandon de foyer conjugal que lui reproche son époux, Mélanie a déclaré au tribunal que Winner est arrivé au Cameroun sans l’informer et a profité de son absence pour faire un constat clandestin. «J’étais au deuil de ma grande sœur dans mon village lorsque mon époux est arrivé à la maison et ne m’a pas trouvée. Il a fait son constat et a demandé à la bailleresse de me mettre dehors à mon retour. Je suis allée me réfugier chez mes parents. Je n’ai jamais abandonné le foyer, c’est lui qui m’a chassé», a-t-elle conclu. Pour ce qui est de la garde de l’enfant du couple qui a lui aussi acquis la nationalité française tout comme son père, ses parents sont du même avis et souhaitent qu’il reste avec sa mère au Cameroun.
Au court des débats, Winner a présenté au juge ses documents officiels, preuve qu’il est de nationalité française. Malgré cette irrégularité relative à l’incompétence du tribunal de droit local à juger les affaires des étrangers, le juge a promis de poursuivre les débats dans cette affaire le 6 octobre 2021.