Le titre foncier N°23656/Mfoundi est au centre d’une bataille entre ses copropriétaires. Etabli pour un terrain d’environ 4000 mètres carrés au quartier Mvolyé, Yaoundé III, il est aujourd’hui objet de division entre Thierry Evouna Manda, son oncle Joseph Abega, sa tante Véronique Mballa d’une part et les partenaires d’affaires de son père, Dieudonné Mbida, Raphaël Amalanga et M.Tama d’autre part. Devant le Tribunal administratif du Centre le 5 octobre 2021, le plaignant crie à la fraude pour la suppression de ces noms qui lui posent problème.
Absent à l’audience, Thierry Evouna était représenté par son avocat devant la barre. Le plaideur a révélé au tribunal que les terres querellées constituent l’héritage de la collectivité Mvog Bella à laquelle appartenait le défunt père de son client, Manda Siméon. De commun accord, les membres de cette grande famille organisent un partage entre les héritiers le 27 avril 1958, avec un procès-verbal dressé auprès d’un notaire. Siméon Manda obtient alors une partie d’un bloc qu’il partage avec cinq autres héritiers. C’est par la suite que le père de famille va vendre des parcelles à ceux qu’ils appelaient des « allogènes». Ceux-ci sont MM. Mbida, Tama et Amalanga.
Les partenaires d’affaires s’accordent pour une sortie d’indivision après l’obtention du titre foncier à établir par leur vendeur. Une procédure que Siméon Manda introduit le 2 mars 1977. Le document peine à sortir et dans l’attente, Siméon Manda décède. C’est ainsi que son fils. Thierry Evouna Manda va continuer la procédure d’immatriculation. Quand le document est récupéré à la conservation foncière du Mfoundi, la famille se rend compte que des noms ont été ajoutés au stylo sur l’imprimé de la demande d’immatriculation. Ces mêmes noms se retrouvent sur le titre foncier, alors même que celui de Siméon Manda a disparu. L’hypothèse évoquée pour justifier cet acte est la connivence de l’oncle et de la tante de l’ayant droit, qui se retrouvent également sur la liste des copropriétaires du titre foncier N°23656/Mfoundi.
A chacun ses mises en valeur
Pour l’avocat, c’est la seule explication plausible car en analysant les documents, ils ont constaté que sur le procès-verbal de descente sur le sitede la commission consultative du ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf), une personne qui a signé sous le nom de Siméon Manda. Pourtant M. Manda était déjà mort à cette date. «Le faux est clairement établi et le faux corrompt tout», estime l’homme en robe noir. En vue de réparer ce qu’il considère comme injustice, le conseil de Thierry Evouna sollicite à nouveau la suppression des noms de ceux qu’il considère comme des faussaires.
Afin de soutenir son argumentaire, l’avocat va aussi se baser sur l’article 9 de la loi de 1976 sur les conditions d’obtention d’un titre foncier. En effet, ce texte précise que seules les personnes appartenant à la collectivité coutumière peuvent prétendre à un titre foncier sur une parcelle relevant du domaine de l’Etat, ou alors les personnes ayant exploité ou occupé le terrain à immatriculer avant 1974. Pour le plaideur, les copropriétaires « allogènes » ne pouvaient pas prétendre à l’immatriculation directe demandée par Siméon Manda en 1977 puisqu’ils n’étaient pas encore installés.
Dans le camp adverse, le récit du conseil d’Evouna Manda est rejeté en bloc. Selon M. Tama, Thierry Evouna n’a aucun droit de se retrouver sur le titre foncier car il n’est que le troisième enfant de Siméon Manda. De plus, au moment des faits il n’avait que 7 ans, donc pas encore majeur pour avoir exploité le terrain qu’il réclame. Il soutient également que leurs noms figuraient sur la demande d’immatriculation, au verso, contrairement à ce que déclarait l’avocat. Pour justifier l’achat de son terrain, le vieil homme déclare qu’il avait des reçus qu’il a du mal à retrouver car plusieurs décennies se sont déjà écoulées depuis ces transactions. De concert avec son conseil, M. Tama s’oppose à la remise en question de son droit à l’immatriculation directe étant donné qu’il avait déjà construit une demeure sur son site avant l’introduction de la demande d’immatriculation querellée. Son avocat rappelle d’ailleurs que lors de la descente de la commission consultative du Mindcaf, son client avait montré sa maison construite en 1963 comme mise en valeur. Il avait ainsi pleinement le droit de prétendre à l’immatriculation directe.
Le refrain est le même du côté de l’avocat de Dieudonné Mbida, l’autre intervenant volontaire dans cette procédure. Il ira jusqu’à présenter une photocopie de l’acte de naissance de Thierry Evouna pour étoffer ses propos en faveur de l’annulation de son nom du titre foncier querellé. L’homme en robe soutient aussi que son client avait déjà construit une maison sur le terrain qu’il avait acheté chez le géniteur de Thierry Manda. Il venait d’oublier que l’avocat d’Evouna Manda qui l’a précédé déclarait il y a juste quelques minutes plus tôt que Dieudonné Mbida n’avait présenté qu’un manguier comme preuve de l’exploitation de sa parcelle lors de la descente des éléments du Mindcaf. L’affaire sera sortie du rôle pour être reprogrammée ultérieurement.