Agnès Ngono est aux abois depuis le décès de son père. Des riverains du village paternel veulent lui refuser les terres léguées par ce dernier, le seul bien lui permettant encore de garder un lien avec ses origines à Assock, dans la Mefou et Afamba. C’est pour se battre à garder cet héritage qu’elle s’est présentée le 19 octobre devant le Tribunal administratif du Centre contre celui qu’elle considère comme un imposteur. Elle accuse Alphonse Bengono d’avoir occupé et fait immatriculé les terres qui lui revenaient de droit, objet des titres foncier N°16633/Mefou Afamba et 1634/Mefou Afamba, une superficie de 18 hectares, dont elle souhaite l’annulation partielle et la mutation à son nom.
Etabli à Abang, un village du même département, Lazare Mbarga a rencontré une jeune femme de la contré avec laquelle il va se marier. Ils fondent une famille et de leur union nait Agnès Ngono. Avant d’être arraché à la vie, il confie aux siens avoir laissé un terrain de plus d’une vingtaine d’hectares dans son village où il a fait des plantations avant son départ. Quelques années plus tard, la veuve et sa fille se rendent à Assock afin de retrouver les traces de l’homme indiqué par Lazare Mbarga comme gardien des lieux. Cet homme n’est autre qu’Alphonse Bengono. Agnès Ngono raconte que ce dernier, en guide éclairé, les a emmenés sur un terrain jouxtant une rivière et leur a montré des limites de ce qu’il a confirmé comme étant leur terrain.
Guide intéressé
La jeune femme et sa mère s’empressent de faire immatriculer la superficie de 8 hectares pour protéger leur patrimoine. Les riverains assistant au bornage de la parcelle vont s’opposer à cette immatriculation. Des individus se présentant comme les légitimes propriétaires de ce domaine vont intenter une action en justice contre le titre foncier, qu’elle obtient malgré tout sur l’espace querellé auprès du Tribunal de grande instance de Mfou. Le chef de village ira même témoigner contre elle à une descente demandée par ce tribunal. Par défaut de ressources financières pour supporter les frais de cette procédure judiciaire, Agnès Ngono confie s’être endettée auprès de quelques personnes qu’elle doit rembourser avec des hectares de terres. Après le procès, elle se retrouve avec moins de deux hectares.
Agnès Ngono revient ainsi se plaindre vers Alphonse Bengono. L’homme nie avoir montré le terrain d’un tiers au lieu de celui de Lazare Mbarga. Elle apprendra plus tard qu’il a fait immatriculer un domaine de 18 hectares, alors que dans le village personne ne lui reconnait la paternité d’une telle superficie. Agnès Ngono en déduit qu’il s’agit du terrain de son père. L’accusé continue de nier. Il finira par le reconnaitre plus tard. C’est à la suite de ces évènements que la plaignante va attaquer les titres de son présumé usurpateur.
Selon Me Amougui, le conseil d’Agnès Ngono, les titres fonciers doivent être retirés à Alphonse Bengono puisque dans la procédure d’obtention, les membres de la commission consultative ont cru aux allégations du demandeur sans vérifier s’il a exploité le terrain en question. L’avocat voit en cela une fraude occasionnée par les agents du Mindcaf en donnant du crédit « aux mensonges de Bengono ». Cette étape aurait pu donner une chance à sa cliente de contester ce qu’il appelle fraude. Pour l’avocat il y a une curieuse coïncidence, c’est à l’arrivée d’Agnès Ngono dans le village qu’Alphonse Bengono cherche une immatriculation. Ce dernier ne cherchait ni plus ni moins qu’à « s’approprier les biens des orphelins » argue Me Amougui.
En plus, précise l’avocat, nulle part dans les procès-verbaux de descente, l’accusé n’a déclaré qu’il tenait les terres de son père, alors qu’il n’était qu’un enfant en 1974, date considérée par le Régime foncier et domanial actuel pour reconnaitre l’exploitation et l’occupation d’un terrain par un tiers afin de lui accorder un titre foncier. Néanmoins pour maintenir la paix entre les deux parties, qui seront emmenées à se croiser car faisant désormais partie du même village, Me Amougui révèle que sa cliente renonce au titre foncier N°13634 qu’elle laisse à Alphonse Bengono. Une superficie de 6 hectares pour le remercier d’avoir gardé les terres de son père durant son absence.
La guerre des âges
Des mots difficiles à entendre pour Alphonse Bengono qui rejette en bloc la version déroulée par Agnès Ngono et son conseil. Pour lui, Agnès Ngono a été chassée des terres qu’il lui a montré « certainement » parce qu’elle aurait dépassé les limites indiquées par ses soins. Concernant la superficie qu’elle réclame, l’homme retrace son appartenance depuis son père et ses oncles qui l’auraient exploitée. Il aurait été désigné comme gardien du terrain parce qu’une autre famille aurait tenté de l’accaparer. Il devait montrer à chaque propriétaire, de retour dans le village, les limites précises de son terrain, ce qu’il devait faire avec Agnès Ngono. Selon lui, il ne peut pas avoir de confusion avec ses propres terres à cause de la rivière qui sépare les deux parcelles.
Corroborant les affirmations de son client, le conseil de la défense que la procédure intentée devant le Tribunal de grande instance de Mfou a prouvé que la plaignante n’est pas honnête puisqu’elle y est poursuivie pour contrefaçon du procès-verbal du jugement d’hérédité lui donnant les pleins droits d’assurer la succession de son père. Pour ajouter de l’eau à son moulin, le plaideur estime qu’Agnès Ngono s’en prend à son client aujourd’hui parce qu’elle a vendu son héritage, les 8 hectares de l’autre côté de la rivière. Quant à l’âge d’Alphonse Mbarga évoqué pour l’exploitation du terrain, il renseigne qu’il n’est pas le seul nom sur le titre foncier et que l’existence de copropriétaires plus âgés sur le document prouve qu’ils exploitaient le terrain ensemble. L’avocat a tôt fait d’établir un parallélisme avec la plaignante et explique qu’elle était encore mineure au début de la procédure d’immatriculation du terrain, qui lui a été retiré, car c’est sa mère qui a fait la demande.
Les conclusions de la descente effectuée par le tribunal à Assock vont plus peser dans la balance pour le ministère public. Le magistrat estime que les parcelles visitées étaient exploitées par les arrières parents de la plaignante, comme confirmé par les riverains. Elle demandera l’annulation des titres fonciers litigieux. Le tribunal par contre va contenter les deux parties du procès en attribuant le N° 13633 à Agnès Ngono et N° 13634 à Alphonse Bengono.