Le commissaire de police Charles Valery Epee Dipanda a reçu un blâme inscrit dans son dossier de fonctionnaire de police en juin 2020. Le reproche formulé à ce cadre de la police nationale est simple : il ne s’est pas retrouvé aux côtés de ses collègues appelés à intervenir en urgence dans la zone de compétence du commissariat du 14e arrondissement à Douala. Le commissaire, son chef direct, le lui avait ordonné par la voie de la radio d’opération. Il avait acquiescé. Sans pour autant exécuter l’ordre. Est-ce par sa faute, comme le lui reproche la police ou du fait de la difficulté à se déplacer dans la zone de recasement de Ndogpassi où se serait trouvé M. Epee Dipanda au moment de l’alerte ?
C’est la question centrale du procès qui oppose ce policier à la Délégation générale à la sûreté nationale (DGSN) devant le Tribunal administratif du Littoral. Jeudi 21 avril 2022, l’affaire passait en jugement à la requête du commissaire Epee Dipanda. Adjoint en charge de la sécurité, au moment des faits, l’homme dit qu’il était occupé à sa tâche, sur le terrain, quand son chef l’a appelé pour lui dire de prêter main-forte à une équipe de policiers descendus dans les environs mais à un lieu que les débats n’ont pas indiqué. «J’étais avec le véhicule de service mais le mauvais état de la route ne m’a pas permis un déplacement rapide. J’ai immédiatement accusé réception du message comme des autres rappels», résume le plaignant.
Qu’il ait crapahuté sur les mauvaises routes de cette partie de Douala III ou pas, il arrivera sur les lieux après ses collègues. D’où la demande d’explications que lui adresse le commissaire central n°2 de la ville, dont dépend son commissariat. D’après le plaignant, cette interpellation est irrégulière dès lors que c’est son chef direct, le commissaire du 14e arrondissement, qui aurait dû éventuellement l’appeler à justifier le comportement qui lui est reproché. Quant au fond du différend, M. Epee Dipanda estime tout simplement que le procès instruit contre lui en interne est abusif dès lors qu’il a, répétitivement, informé son patron de la difficulté de se mouvoir. Bien plus, sa présence aux côtés de l’équipe d’intervention emmenée par un officier n’aurait pas changé grand-chose. La mission ayant été accomplie sans lui…
Les deux représentants de la police ne l’ont naturellement pas approuvé. Pour eux, le policier blâmé ne dit pas la vérité. Contestant l’information de la hiérarchie au sujet des problèmes de mobilité qu’aurait vécus le mis en cause, ils ont même dénoncé une tromperie. «Ça se passe simplement madame la présidente ! Vous appelez un collaborateur, il vous dit : je suis à tel endroit. Il est donc clair qu’au moment où il a été appelé, il a donné une indication fausse du lieu où il se trouvait pensant pouvoir rattraper le coup», prétend le chef des émissaires de la DGSN. La pratique ne serait pas extraordinaire dans les rangs de la police dont le défenseur conclut sentencieux et gêné : «C’est difficile de prendre la parole pour parler de ce cas ; c’est un collègue, un frère… Il a triché ! Il n’a pas donné sa position initiale.» Suffisant pour que le procureur aussi penche à son tour pour le rejet de la demande du commissaire de police. Pour le parquet,e les explications du policier ne sont pas convaincantes : «Nous sommes restés sur notre faim».
Ultime moyen de convaincre la cour qu’évoquera M. Epee Dipanda, ses relations conflictuelles avec son chef. Il y aurait une demi-douzaine de lettres écrites contre lui qui sont restées sans effet cependant. Il parle encore des curiosités d’une décision qu’il décrit comme infondée : la demande d’explications parle de refus d’obéir, la sanction, elle, incrimine un retard. Mieux, derrière la procédure se trouverait le délégué régional à la sûreté nationale, à l’origine aussi bien de la demande d’intervention en urgence que de la procédure disciplinaire. Et de rappeler une autre mésaventure au terme de laquelle son bureau aura été scellé. 85% du temps d’un adjoint en charge de la sécurité se passe en dehors des commissariats, rétorque son collègue de la défense. Manière de dire que l’incident en question ne serait pas important ? On verra le 19 mai si tous ces arguments combinés ont convaincu les juges.