Comment un "motoman" a été tué dans un appartement meublé

Par Odette Melingui - odettemelingui2@gmail.com C’est une affaire qui a fait les choux gras de la presse camerounaise l’année dernière. M. Mohamadou Alhadji, chef de cabinet du gouverneur de la région de l’Est à l’époque des faits, et principale accusé dans cette affaire, a été renvoyé en jugement devant le Tribunal de grande instance (TGI) du Mfoundi pour y répondre de l’infraction de meurtre. M. Harouna Mohamed Salah Edire, son frères ainé et coaccusé dans cette procédure, répond quant à lui de l’accusation de suppression de preuves. À l’origine de leurs déboires judicaires, les ayants-droit de Moussa Hamadou, un moto taximan résident à Yaoundé, qui a trouvé la mort par fusillade dans un studio meublé loué au quartier Bastos par M. Mohamadou Alhadji. Les deux mis en cause, qui méditent sur leur sort à la prison centrale de Yaoundé Kondengui depuis le 21 juin 2023, ont reconnu les faits mis à leur charge à l’enquête préliminaire et même devant le juge d’instruction. Seulement, devant le juge de jugement du TGI du Mfoundi, qui a ouvert les débats dans cette affaire le vendredi 19 juillet 2024, le principal accusé s’est rétracté. Il clame désormais son innocence. En l’absence des ayants-droit de Moussa Hamida à l’audience, les faits ont été relatés par le représentant du ministère public. Il en ressort de son récit que le 13 juin 2023, au environ de midi, en effectuant le ménage dans un studio meublé dans la résidence Mongo-Mbock situé dernière l’usine Bastos à Yaoundé, Virginie Mango, technicienne de surface en service dans cette structure, a constaté la présence des taches de sang près du meuble télé et le canapé mouillé après un nettoyage rapide. Elle a signalé ce fait à M. Mbock, concierge et gestionnaire des lieux, qui a essayé à plusieurs reprises, mais en vain, de joindre M. Mohamadou Alhadji, qui avait occupé le studio en question depuis le vendredi 9 juin 2023. Il a alors fermé le local et l’a maintenu en l’état, en attendant le retour de ce client. Une heure plus tard, c’est plus tôt M. Harouna Mohamed Salah Edire, frère aîné de M. Mohamadou Alhadji, qui s’est présenté à la résidence et M. Mbock l’a interrogé sur la présence des traces de sang. Faute d’explications convaincantes, le concierge a immédiatement alerté les éléments du commissariat de sécurité n°10 de la ville de Yaoundé, situé au quartier bastos, qui ont procédé à l’arrestation de Harouna Mohamed Salah Edire. Le coup de feu fatal Au cours de son audition par la police, l’accusé a déclaré que dans la soirée du 12 juin 2023, alors qu’il se trouvait à la Cité verte (quartier de Yaoundé), il a reçu l’appel de son frère cadet M. Mohamadou Alhadji, l’invitant à le retrouver d’urgence au lieudit Tradex Bastos. Il y a trouvé ce dernier en compagnie d’un certain nommé Boubou. C’est ainsi qu’il a été informé qu’un drame s’est produit dans le studio loué par M. Mohamadou Alhadji et que Moussa Hamida a trouvé la mort en manipulant l’arme de ce dernier. Harouna Mohamed Salah Edire relate qu’il s’est rendu sur les lieux de l’incident en compagnie de Bouba. Ils ont emballé la dépouille et l’ont transportée à la morgue de la mosquée de Tsinga. Il est ensuite revenu dans le studio et a essayé de nettoyer le sang pour ne laisser aucune trace. Interpelé à son tour, M. Mohamadou Alhadji a déclaré qu’en sa qualité de chef de cabinet du gouverneur de la région de l’Est récemment muté dans la région du Sud, il avait été doté d’un pistolet automatique ainsi que de deux boites contenants 100 minutions. En rejoignant son nouveau poste d’affectation, il avait fait escale à Yaoundé le vendredi 9 juin 2023, prenant alors en location un studio meublé dans la résidence Mongo-Mbock. Pendant son séjour, dira-t-il, il sera sollicité le 12 juin par Moussa Hamadou, moto taximan bien connu de lui pour une aide financière devant permettre à ce dernier d’effectuer un voyage le 16 juin 2023 dans son village natal. Au moment du rendez-vous et alors qu’il manipulait son arme, un coup de feu serait malencontreusement parti, touchant mortellement son visiteur. C’est ainsi que Moussa Hamadou serait décédé d’après la première version des faits du mis en cause. Un accident Pris de panique après avoir constaté que son visiteur gisait dans une mare de sang, M. Mohamadou Alhadji déclare avoir essayé de le secourir, mais en vain. Il a ensuite pris fuite après avoir successivement appelé Harouna Mohamed Salah Edire et Bouba. Le mis en cause précise en outre que lorsque Bouba et Harouna Mohamed Salah l’ont retrouvé à Tradex Bastos, il leur a remis les clés du studio meublé afin qu’ils puissent secourir Moussa, qui, selon lui, était encore en vie au moment de sa fuite. Malheureusement, lorsque ces derniers sont arrivés sur les lieux de l’incident, ils l’ont informé que le jeune homme est décédé lors de son évacuation à l’hôpital. Ce sont ces faits qui ont été qualifiés de meurtre à l’encontre de M. Mohamadou Alhadji et de suppression de preuves pour Harouna Mohamed Salah Edire. Au cours de l’enquête, les deux accusés ont reconnu les faits mis à leur charge. Cependant, en audience publique du TGI du Mfoundi, le vendredi 19 juillet 2024, M. Mohamadou Alhadji, le principal accusé dans cette affaire s’est rétracté et a plaidé non coupable. Il a corroboré à quelques détails prêts ses déclarations faites au cours de l’enquête préliminaire et à l’information judicaire. Le mis en cause a toutefois ajouté que cela faisait exactement 2 ans qu’il était en possession de son arme et qu’il ne l’avait jamais utilisée. « Ce jour-là, il y avait 14 minutions et j’ai entrepris de diminuer pour rester avec deux par mesure de précaution. Quand j’ai entendu le coup de feu, à l’immédiat, je n’ai pas cru qu’il venait de mon fusil. J’ai demandé à Moussa s’il avait aussi entendu le coup de feu,, mais il me regardait seulement sans répondre. Quand je me suis rapproché de lui et que j’ai vu le sang, j’ai alors compris ce qui s’était passé », a-t-il relaté. M. Mohamadou Alhadji dit avoir crié à l’aide, mais ni les voisins de la résidence, encore moins le concierge, ne sont venus à son secours. Paniqué, il dit avoir emprunté un taxi qui l’a amené à Tradex Bastos. « Je me suis moi-même rendu à la police quand j’ai retrouvé mes esprits. Je n’ai jamais eu l’intention de porter atteinte à la vie d’un individu encore moins de celle de mon ami et petit frère Moussa. C’était un accident que je regrette amèrement. Je ne sais pas si je pourrais m’en remettre un jour », a-t-il regretté en pleurs. M. Harouna Mohamed Salah Edire, qui pour sa part a toujours reconnu les faits qui lui sont reprochés, a réitéré ses déclarations faites au cours des enquêtes. L’affaire a été envoyée au 27 août 2024 à la demande du ministère public pour ses réquisitions et les plaidoiries de l’avocat des deux mis en cause.

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