Marcel Didier Nzakaka Mang ne remettra plus ni ses épaulettes de gardien de la Paix de 2e grade, ni sa tenue encore moins ses rangers de fonctionnaire de police. La quarantaine sonnée, il a échoué à faire annuler la décision du président de la République le «déshabillant» pour la seconde fois pour «indélicatesse» et «compromission portant atteinte à la considération de la police». Ces griefs retenus contre lui sont liés à un coup de vol qu’il a commis en 2009 à Garoua, lequel lui a valu une condamnation à 12 mois d’emprisonnement ferme écopée devant le Tribunal de première instance (TPI) de Garoua en 2012.
Le 15 février 2021, le Tribunal administratif (TA) de Yaoundé a en effet rejeté le recours introduit par M. Nzakaka Mang tendant à faire annuler l’arrêté présidentiel le radiant «d’office» des effectifs du corps des fonctionnaires de la Sûreté nationale le 2 novembre 2018. Le tribunal a estimé que sa plainte n‘est pas justifiée.
Dans cette procédure judiciaire, M. Nzakana Mang a été reconnu coupable des faits de vol et a écopé de la peine d’emprisonnement déjà mentionné, et dont les parties ont soigneusement évité de s’attarder sur les faits liés à ce forfait. Le plaignant avait été traduit au Conseil de discipline de la police en 2011. Et le chef de l’Etat signait un an plus tard un premier arrêté le révoquant de la police nationale.
En septembre 2014, M. Nzakana Mang avait obtenu l’annulation de la décision le sortant des rangs de la Sûreté nationale devant le TA du Centre. Après examen de son dossier, la juridiction avait d’abord invalidé sa révocation. L’Etat avait été sanctionné pour n’avoir pas respecté les droits du mis en cause durant la procédure disciplinaire engagée contre lui.
Malgré ce camouflet, le président de la République est revenu à la charge 4 ans plus tard, en 2018. Dans l’arrêté présidentiel attaqué, il y est écrit : «arrêté N°0642/CAR/PR du 02 novembre 2018 portant révocation d’office de Monsieur Nzakaka Mang Marcel Didier Blaise (Mle 595 761- N), Gardien de la Paix de 2ème grade. Condamnation à douze (12) mois d’emprisonnement ferme pour vol ; fait constaté le 05 juin 2018», ce que le plaignant conteste. Il estime que Paul Biya tente de rejouer le match alors que l’arbitre a déjà sifflé la fin de la partie. Pour lui, la marche arrière qu’a voulu faire le chef de l’Etat n’est pas possible, du moment où le jugement effaçant sa première révocation a acquis «l’autorité de la chose jugée». Les faits, selon lui, «sont frappés de prescription», ne méritant plus un nouvel examen.
«Faits pas honorables»
M. Nzakaka Mang estime par ailleurs que la décision présidentielle a violé ses droits. Il pense qu’on aurait dû le traduire au conseil de discipline de la police avant de le sanctionner. Cette formalité n’ayant pas été respectée, l’arrêté du chef de l’Etat a bafoué «les droits de la défense». Pour convaincre le tribunal, il s’est appuyé sur les dispositions du décret portant statut spécial du corps des fonctionnaires de la Sûreté nationale du 12 mars 2001. L’article 135 de ce Statut spécial stipule en son alinéa 5 que «Le fonctionnaire de la Sûreté nationale condamné à une peine privative de liberté supérieure à six mois, devenue définitive, est traduit devant le Conseil de Discipline». Et le policier traduit au conseil de discipline dispose d’un «délai de 7 jours pour préparer sa défense». Il est précisé dans l’article 125 du statut que «l’inobservation de l’une quelconque des formalités prévues à l’article 124 ci-dessus entraîne la nullité de l’acte vicié et des actes subséquents».
Pour sa part, le représentant de l’Etat dans la procédure a d’abord brièvement indiqué que les faits relatifs au coup de vol décrié «ne sont pas honorables». Il va ensuite prétendre que l’arrêté du chef de l’Etat attaqué diffère de celui annulé en 2014. De plus, l’annulation de la première révocation n’efface pas le jugement du TPI de Garoua, condamnant le plaignant à une peine privative de liberté. Il indique qu’aucun délai n’est imposé à l’administration pour constater une faute disciplinaire. «L’administration a souverainement constaté les faits en juin 2018».
Pour justifier la non-traduction du plaignant devant le Conseil de discipline avant sa radiation de la police, le représentant de l’Etat a, à son tour, donné lecture des dispositions de l’article 135 du statut spécial en se focalisant cette fois sur ses alinéas 3 et 4 : «(3) Le fonctionnaire de la Sûreté nationale condamné à une peine privative de liberté d’une durée inférieure ou égale à six (06) mois, ou encore avec sursis, est repris en service. Il ne peut prétendre à un rappel de solde ni à une reconstitution de carrière. (4) Les dispositions de l’alinéa ci-dessus ne s’appliquent en cas de condamnation devenue définitive pour crime ou pour délit touchant à la torture ou à la probité, notamment pour vol, faux, escroquerie, corruption, détournement de deniers publics et abus de confiance, ou encore assortie de l’une des déchéances prévues aux alinéas 1 et 6 de l’article 30 du Code Pénal», dit le texte cité. Une manière de dire que la mise à la porte de Marcel Didier Nzakaka Mang s’est déroulée selon les règles de l’art. Sa démonstration a convaincu le tribunal qui a débouté l’ancien gardien de la Paix.