Par Louis Nga Abena – louisngaabena@yahoo.fr
Après le procès des pesages routiers devant le Tribunal criminel spécial (TCS), c’est cette fois le tour des supposées malversations perpétrées dans huit postes de péages routiers d’être examiné devant la même juridiction. En effet, sept fonctionnaires des Finances passent en jugement devant la juridiction d’exception pour répondre d’un détournement présumé de la somme globale de 155 millions de francs. Le supposée forfait a trait à la gestion jugée frauduleuse de huit postes de pages se trouvant dans les régions du Centre, du Sud et du Sud-Ouest. Notamment Nkometou, Okoa Maria, Ekoko, Mbelalen, Mekong (Centre) Kribi (Sud) Green Valley et New Bonako (Sud-Ouest).
L’examen public de cette procédure judiciaire a débuté le 9 mars dernier. Lors de cette audience, seuls deux accusés, en détention provisoire à la prison de Kondengui, ont comparu. Il s’agit de Joseph Bilong, ancien agent à la Trésorerie générale (TG) de Yaoundé, et Sylvain Antoine Ndzie, ancien régisseur du poste péage de Mekong (14,7 millions de francs).
Leurs compagnons d’infortune considérés en fuite répondent de divers montant. Précisément, Michel Hervé Amvela Nkili, ex-chef des postes péages de Nkometou et d’Okoa Maria (52,2 millions de francs), Léa Corine Abono Bilo’o, ex-chef de poste péage d’Ekoko (16 millions de francs), Bertrand Sondja Bembel, ancien chef des postes péage de New Bonako et Green Valley (16,7 millions de francs), et Benjamin Placide Ambomo, ancien chef de poste péage de Kribi (11,7 millions de francs).
Agression
Le rapport de l’enquête judiciaire (ordonnance de renvoi) dressé dans cette affaire par le juge d’instruction donne un aperçu des faits au centre du procès. C’est une mission de contrôle menée par l’inspection des services de la Direction générale des Impôts qui a mis le feu aux poudres. Cette mission qui s’est étendue du 1er juillet au 20 septembre 2017 visait à auditer la gestion des tickets de péage ainsi que des recettes recouvrées dans certains postes de péages et de pesages du pays. L’examen de la comptabilité de ces services a permis de mettre en lumière des irrégularités. Le produit de la vente des tickets péages ou les recettes issues des amendes pour surcharge n’étaient pas toujours entièrement reversés dans les caisses de l’Etat. Le supposé préjudice par l’Etat est évalué à 155 millions de francs.
Le juge d’instruction indique que certains mis en cause sont passés aux aveux complets tandis que d’autres ont partiellement reconnu les faits qu’on leur impute pendant les enquêtes policières promettant restituer à l’Etat les fonds mis à leur charge.
Par exemple, M. Ndzie affirme que ce déficit de 14,7 millions de francs mis à sa charge «est en partie dû aux manquements de certains agents qu’il avait sous sa responsabilité». M. Sondja Bembel explique de son côté qu’il ne jouissait pas «d’une protection suffisante. Il a fait l’objet d’une agression qu’il a signalé vainement à sa hiérarchie».
Fausses quittances
Dans les développements de son ordonnance de renvoi, le juge d’instruction indique que Mme Abono Bilo’o et M. Amvela Nkili «avaient intégralement remboursé les déficits respectifs» pendant l’enquête policière. Et précise que «ces montants ont été effectivement reversés dans les caisses de la Trésorerie générale de Yaoundé». Mais un doute est jeté sur l’authenticité quittances matérialisant ces opérations.
En fait, l’accusation soutient que des vérifications effectuées dans les archives des postes comptables de Mbankomo, d’Obala et à la TG de Yaoundé où les remboursements allégués sont censées avoir eu lieu ont permis de constater que ces quittances sont de «fausses, car contenant des références ne correspondant pas avec les souches des quittanciers utilisés le jour prétendu de leur délivrance». Les numéros des quittances critiquées correspondent plutôt à diverses autres opérations n’ayant rien avoir avec une restitution de deniers publics.
Billong était au moment des faits chargé de la saisie des données à la TG de Yaoundé. Il répond d’une supposée complicité des détournements reprochés à Mme Abono Bilo’o et M. Amvela Nkili. On l’accuse d’avoir modifié les données en machine en faveur de ces deux coaccusés en délivrant les quittances de versement critiquées. Selon l’accusation c’est ce maquillage financier qui a permis «au détenteur de la fausse quittance de présenter une situation de versement correspondant à l’historique du compte péage ou de pesage à la TGY».
Signalons que dans une autre procédure toujours devant le TCS, une dizaine de régisseurs des postes de pesages de Bekoko, Ekankazock, Mbankomo, et leurs collaborateurs avaient été traduits et condamnés devant le TCS pour un détournement de 750 millions de francs réalisé à travers la gestion opaque du produits des amendes aux camionneurs pour surcharge.