Au soir du 19 juin prochain, si tout se passe bien, l’ordre des avocats au barreau du Cameroun aura un nouveau bâtonnier élu et un nouveau conseil de l’ordre, l’organe exécutif de l’institution. Cela fait bientôt 18 mois que ce barreau est orphelin de son bâtonnier, le tenant du poste, Maître Charles Tchakounte Patie, étant décédé le 4 octobre 2020 en France de suite de maladie, alors que son mandat courrait encore pour une durée d’un peu moins de deux mois. Depuis son enterrement le 13 mars 2021, les trois mille avocats que compte l’ordre sont en attente d’une assemblée générale élective, pour se doter de nouveaux organes dirigeants, même si le gouvernail de l’ordre n’est pas vacant. Maître Claire Atangana Bikouna, membre du conseil exécutif le plus ancien au barreau du Cameroun, avait légalement hérité du bâtonnat après le départ presque subit du défunt bâtonnier. Et les autres membres du conseil de l’ordre étaient restés en poste.
Ces 18 derniers mois, la vie n’a manifestement pas été tranquille au sein de la corporation, l’une des plus redoutées du pays par les pouvoirs publics. Et pour cause : l’intrusion brutale du Covid 19 dans la vie des Camerounais avec son lot de mesures barrières avait sans doute perturbé l’agenda de ceux qui s’organisaient déjà, lors des derniers moments sur terre de Maître Tchakounte Patie, pour attraper rapidement un strapontin au sein de l’ordre des avocats. La longue période d’attente de l’enterrement du défunt ajoutée à l’interdiction, par le Premier ministre, des attroupements de plus de 50 personnes, étaient présentés comme un obstacle à la convocation d’une assemblée générale élective du barreau. Cela fait quelques mois que certains avocats avaient commencé à manifester leur impatience pour que les choses évoluent.
Il y a une douzaine de jours, accusant le président de l’Assemblée générale du barreau d’immobilisme au prétexte du respect des mesures barrières anti-covid 19, deux avocats basés à Douala avaient créé l’événement en invitant le ministre de la Justice à mettre un terme au statu quo. En fait, le 15 mars dernier, par une démarche inédite, Maître Siewe Victor et Maître Tamfu Ngarka Richard, pour ne pas les nommer, adressaient une «protestation contenant demande d’intervention» au Garde des Sceaux avec ampliation au président de la République, au Premier ministre et à l’ordre des avocats au barreau du Cameroun pour arriver à leur fin. Ils demandaient au Garde des Sceaux rien moins que de convoquer une assemblée générale extraordinaire en mettant sur pied «une commission électorale ad hoc essentiellement constituée d’avocats» pour doter le barreau du Cameroun de nouveaux dirigeants.
Retrait immédiat…
Le ministre d’Etat, ministre de la Justice n’avait même pas eu le temps de réagir à cette protestation que le président de l’AG, Maitre Morfaw Evaristus Nkafu, est sorti du boisseau 48 heures plus tard. Le 17 mars 2022, il signait une correspondance informant l’ensemble des avocats et des avocats stagiaires de la tenue «au mois de juin 2022 au Palais des sports de Yaoundé», des élections au sein de leur ordre. Mais cette sortie de leur président allait susciter le lendemain une « violente » protestation de Maître Siewe Victor et de Maître Tamfu Ngarka Richard dans un contre-communiqué déniant désormais à Maître Morfaw Evaristus Nkafu toute «qualité pour agir comme président de l’assemblée générale de l’ordre des avocats au barreau du Cameroun». Ces derniers exigeaient d’ailleurs rien moins que le «retrait immédiat» de la correspondance du président Mofaw Evaristus de la circulation, faute de quoi ils ont menacé de saisir la justice contre lui.
Lire aussi : Une pétition pour l’élection des dirigeants de l’ordre des avocats
Dans leur réaction, ces avocats rappellent par ailleurs au président qu’il avait été élu le 24 novembre 2018 pour un mandat de deux ans. Que son mandat s’est donc achevé le 24 novembre 2020 à minuit. «Vous convenez avec nous que la période transitoire qui vous était légalement impartie pour l’organisation des élections générales expirait en principe au mois de mai 2021. Mais par pure souplesse, vous avez été laissé face à vos responsabilités jusqu’au mois de novembre 2021», écrivent-ils, avant d’évoquer les textes qui organisent la profession d’avocat au Cameroun pour conclure que le concerné est désormais hors-jeu. C’est une littérature que le président de l’AG semble avoir totalement ignorée…
Par une correspondance adressée individuellement depuis le 21 mars dernier à chacun des «avocats inscrits au tableau de l’ordre et autorisés à exercer», le président de l’assemblée générale de l’ordre convoque pour le samedi 18 juin 2022 à partir de 8h, au Palais polyvalent des sports de Yaoundé, l’assemblée générale ordinaire élective. Maitre Morfaw Evaristus Nkafu, puisqu’il s’agit de lui, précise dans sa correspondance que «les candidatures seront reçues par le président de l’Assemblée générale au plus tard le 16 avril 2022, soit au moins six semaines avant la date du scrutin.» Il rappelle aussi les conditions d’éligibilité telles que prévues par l’article 52 de la loi camerounaise portant organisation de la profession d’avocat. L’ordre du jour de l’AG élective, qui compte onze points au total est également dévoilé. Le président de l’AG reste plus que jamais au cœur du jeu…
La suite de la lecture de cet article (90% du reste du texte) est réservée à nos abonnés
Si vous êtes déjà abonné, bien vouloir vous connecter ici
A partir de 1000 FCFA le mois.
Vous voulez vous abonner ? bien vouloir cliquer ici et suivre les indications