L’Etat encore sommé d'indemniser des casses de Gilbert Tsimi Evouna

Par Louis Nga Abena – louisngaabena@yahoo.fr Durant presque deux décennies qu’il a passé aux fonctions de Délégué du gouvernement près la Communauté urbaine de Yaoundé (CUY), Gilbert Tsimi Evouna, aujourd'hui président du Conseil régional du Centre depuis 2020, avait pris goût aux démolitions (sauvages) d’immeubles. Prétextant souvent l’embellissement de la capitale ou l’aménagement de la voirie, il descendait habituellement sur les sites des opérations superviser les destructions effectuées par les engins de la mairie, encourager l’équipe de casseurs appuyée par de «gros bras» . Mais, ces opérations musclées étaient parfois menées sans préavis de libérer les lieux, sans expropriation ou indemnisation préalable des victimes, sans autorisation judiciaire. Sauf que les démolitions évoquées coûtent souvent chère au contribuable, car la mairie de Yaoundé est régulièrement condamnée devant la justice au paiement de grosses indemnisations au profit des victimes des casses résultant des agissements de son ancien patron. C’est du moins le rêve que nourrit M. Essomba Essomba Edouard sur son cas. L’intéressé a introduit un recours devant le Tribunal administratif du Centre pour solliciter de l’Etat du Cameroun un dédommagement à hauteur de 25 millions de francs. M. Essomba Essomba raconte à travers son recours examiné le 2 mai dernier qu’il a hérité de son défunt père, Jean Essomba, un terrain sur lequel était construit une maison d’habitation objet du titre foncier N°2887/Mfoundi. Le site se trouve à Mvog Atangana Mballa, un quartier de Yaoundé. Ladite maison avait «été entièrement bâtie en conformité des exigences» de la CUY. Son père avait en tout cas obtenu l’autorisant d’implanter et le permis de bâtir auprès de la mairie avant de lancer la construction. En janvier 2009, au motif «d’un réaménagement routier» , déplore M. Essomba, une grande partie de «la maison a été démolie par les engins de la mairie qui se sont incrustés dans la propriété sans mise en demeure». Cette expédition s’est faite «sans expropriation», «sans indemnisation préalable». Des actes qu’il a d’ailleurs fait constater par exploit d’huissier de justice. Il affirme avoir subi un «énorme préjudice» dont il sollicite réparation. Le tribunal avait commis une «expertise cadastrale» afin d’éclaircir certains points de la bataille. La mission confiée à l’expert consistait précisément à déterminer si les destructions déplorées étaient des «rajouts à la maison principale non autorisés par le permis de bâtir» . Sans directement répondre à la préoccupation du tribunal, l’expert s’est contenté de mentionner dans les conclusions de son rapport que «l’agrandissement de la route» a rongé «60 mètres carrés» du domaine familial des Essomba. Faute de l’administration Mais, les discussions ont essentiellement achoppé sur une exception d’incompétence soulevée par la communauté urbaine. En fait, dans ses écritures, le représentant de la mairie, absent à l’audience, a soutenu que les faits litigieux relèvent soit d’une voie de fait administrative soit de l’emprise. Conséquence immédiate : la juridiction doit se dessaisir du dossier. En droit administratif, «l’emprise» est le fait pour l’administration de déposséder un particulier d’un bien immobilier, légalement ou illégalement, à titre temporaire ou définitif à son profit ou au profit d’un tiers. Tandis que la «voie de fait» est une action de l’administration réalisée sans droit qui porte matériellement et illégalement une atteinte grave à une liberté fondamentale ou à un droit de propriété. Au Cameroun, la Chambre administrative a la compétence exclusive de constater ces deux fautes de l’administration, puis il incombe au juge judiciaire de statuer sur la réparation du dommage causé à la victime. Pour le représentant du ministère public, «l’exception soulevée est fondée». «Une question mérite d’être posée dans cette procédure, estime-t-il. Est-ce que cette réduction de la propriété [parlant des 60 mètres carrés engloutis par la route] est régulière ou pas ? Est-ce que cette emprise est régulière ? Avant de voir [si le plaignant] a droit à une indemnisation.» A contrario, Me Tsoungui Marcelin, l’avocat de M. Essomba, a opposé que son client ne demande pas réparation parce que la route a réduit sa propriété mais parce que l’administration a démoli sa maison dans les circonstances déjà décrites, citant de mémoire l’article 1382 du Code civil. « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer », indique ce texte. «Vous parlez de destruction. Il s’agit de quoi ? De quelle infraction ?» , interroge le tribunal, sans doute pour sous-entendre un volet pénal. L’avocat répond : «C’est un dommage que l’administration a causé à un particulier qui demande réparation» . Même si le tribunal se déclare finalement incompétent le 16 mai prochain, jour supposé du verdict, la condamnation de la CUY dans ce dossier pour des faits qui semblent avérés n’est peut-être que question de temps ou de forme.

L’Etat encore sommé d’indemniser des casses de Gilbert Tsimi Evouna

INDEMNISATION. Un homme réclame le dédommagement de son immeuble démoli sans sommation par les engins de la Communauté urbaine de Yaoundé alors dirigée par le Trésorier général du parti au pouvoir et actuel président du Conseil régional du Centre.

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