«M’accuser d’avoir cosigné des ordres de retraits du trésor montre tout simplement que ceux qui m’accusent ne savent pas de quoi ils parlent. Comment aurais-je pu signer des ordres de retraits du trésor alors même que je n’avais pas et ne pouvais avoir de signature valable déposée auprès du trésorier payeur général (TPG) de Douala?». Le Pr Bruno Bekelo Ebe, ancien recteur de l’université de Douala répondait ainsi à la première question de son avocat lors de la suite de son interrogatoire devant le Tribunal criminel spécial (TCS). L’ancien recteur est poursuivi pour un présumé détournement de fonds publics évalués à 3,4 milliards de francs réalisé entre 2007 et 2010, en coaction avec M. Fon Ruben Akumah, ancien agent comptable de l’université de Douala, en fuite. Les retraits dont il s’agit, auraient été commis au trésor (1,2 milliards de francs), ensuite dans les comptes bancaires de l’université de Douala (2, 1 milliards de francs), enfin dans une caisse d’avance créée dans l’institution universitaire (34,4 millions de francs). Les déboires judiciaires de l’ancien recteur découlent d’une mission de vérification du Contrôle supérieur de l’Etat.
Répondant aux questions de son avocat, Me Foe Donald, M. Bekolo Ebe a expliqué que les opérations de retraits du trésor sont des opérations comptables internes entre deux postes comptables en l’occurrence, d’une part, la trésorerie régionale de Douala dans les livres de laquelle est ouvert le compte de l’agence comptable de l’université et qui est ainsi le poste comptable principal et d’autre part, l’agence comptable de l’université qui est un poste comptable secondaire. On parle dans ce cas, dit-il, de correspondance du trésor pendant laquelle, seuls le TPG et l’agent comptable interviennent. Il souligne qu’à l’audience du 21 septembre 2021, le témoin du parquet, en compilant les annexes sur l’affaire n’a pas pu démontrer ses déclarations en ressortant un seul document du trésor portant la signature de l’ancien recteur. «Il ne pouvait en être autrement, tout simplement parce qu’il n’y en avait pas et ne pouvait y en avoir. Ce n’est pas un hasard non plus que dans le tableau des responsabilités que le contrôle a dressé et qu’a repris le ministère délégué au Contrôle supérieur de l’Etat, dans sa correspondance, il n’y a aucune imputation de responsabilité au Pr Bruno Bekolo Ebe s’agissant de ces retraits de la trésorerie générale de Douala», a-t-il précisé.
Dans la suite de son interrogatoire, l’ancien recteur a démenti les propos du témoin de l’accusation et membre de la mission de contrôle du Consupe qui avait délibérément, d’après lui, fait un faux témoignage au tribunal en affirmant que la mission de contrôle n’avait jamais été informée d’une affaire de détournement de fonds pendante devant la chambre criminelle du Tribunal de grande instance (TGI) du Wouri. Pour lui, ce faux témoignage n’est ni le premier, ni le dernier parmi les contre-vérités proférées par le témoin de l’accusation, il est la continuation de la première contre-vérité que l’on retrouve dans le rapport de la mission. L’accusé souligne que cette affaire faisait suite à des plaintes du recteur qu’il était, après la découverte des retraits frauduleux dans certains comptes bancaires de l’université. «Les auteurs de ces forfaits opéraient en falsifiant la signature de l’agent comptable ou en apposant de fausses signatures des cosignataires. Les chèques leur étaient déjà payés avec la complicité d’un agent de la banque que les enquêtes ont permis d’identifier», a poursuivi M. Bekolo Ebe.
Pour démontrer davantage que les allégations du témoin de l’accusation sont fausses et que la mission était bel et bien au courant de l’affaire, l’enseignant d’université a expliqué que le témoin qui faisait partie de la mission l’avait saisi par une correspondance du 7 décembre 2010, avec pour objet, la demande de renseignements sur ce dossier. Il note que les faits étaient suffisamment graves pour qu’il puisse les cacher à la mission de contrôle. C’est ainsi que, dans sa réponse, le recteur Bekolo Ebe dit avoir donné des informations portant sur plusieurs points. Le premier point concernait la tenue des documents comptables à l’agence comptable de l’université de Douala pour lequel la mission l’avait interpellé. Il indique avoir informé la mission avec force détails de cette affaire de détournements des deniers publics ainsi que les dispositions qu’il avait prises, notamment, en saisissant la justice.
Par ailleurs, l’ancien recteur ajoute avoir adressé une correspondance à son agent comptable qui avait pour objet, la production des états de trésorerie. De même qu’il signale une plainte déposée à division régionale de la police judiciaire du Littoral contre Luc Ebe Ebe et autres pour faux et usage de faux et détournement des fonds publics. Il précise que tous ces documents et de nombreux autres ont été produits au tribunal par le parquet. «Ils sont une preuve irréfutable que la mission de contrôle a été complètement informée dans les moindres détails de cette affaire. Ils prouvent également que le témoin de l’accusation a délibérément fait un faux témoignage ». Il signale qu’avant la réponse à la lettre qui lui avait été adressée, les membres de la mission étaient informés pour avoir déjà interrogé tous les responsables financiers de l’université de Douala et effectué des descentes à la prison centrale de Douala pour interroger les suspects placés en détention provisoire. La mission cherchait par ces enquêtes à avoir la preuve que le recteur Bruno Bekolo Ebe était présumé co-auteur ou complice et était impliqué dans cette affaire. «Ne pas dire la vérité au tribunal comme a choisi de faire le témoin de l’accusation n’est que l’aboutissement logique de ce la mission et le témoin de l’accusation avaient déjà commencé à cacher la vérité à toute la chaine hiérarchique. La suite de l’interrogatoire de l’accusé par son avocat, les 14 avril et 27 mai 2022.
Rappelons que le Pr Bruno Bekolo Ebe est poursuivi en compagnie d’anciens collaborateurs de l’université de Douala pour présumé détournement d’un peu plus de 3, 4 milliards de francs.