Par Odette Melingui – odettemelingui2@gmail.com
Qui sont les assassins de M. Ibrahim Aliou, un ferrailleur originaire du Grand Nord, dont le corps a été retrouvé dans un cours d’eau au quartier briqueterie à Yaoundé au petit matin du 4 avril 2019 ? C’est la question que se pose le collège des juges du Tribunal de grande instance (TGI) du Mfoundi chargés de juger Abdouramane Aliou, frère aîné du défunt et Francine Claire Beyala, sa petite amie. Détenus à la prison centrale de Yaoundé Kondengui depuis deux ans, les accusés à qui l’accusation impute cet assassinat, clament leur innocence.
Selon l’accusation, le corps sans vie de M. Ibrahim Alioun avait été découvert dans un cours d’eau au quartier briqueterie à Yaoundé par les éléments de la brigade de gendarmerie de Mokolo au petit matin du 4 avril 2019. Des témoignages recueillis sur le lieu du crime ont conduit à l’arrestation de Abdouramane Aliou et de Francine Claire Beyala, qui ont été inculpés de meurtre en coaction. Interrogé à l’enquête préliminaire sur la disparition brutale de son frère, l’accusé avait nié les faits tandis que sa compagne avait déclaré avoir été témoin du crime. Francine Claire Beyala avait déclaré devant les enquêteurs qu’elle entretenait une relation amoureuse avec son coaccusé. Le 3 avril 2019, ne pouvant pas renter au domicile familial au quartier Massassi, elle avait décidé de passer la nuit en compagnie de son copain Abdouramane Aliou. Elle dit avoir trouvé une altercation opposant un certain Youssoufa au défunt qui réclamait à ce dernier de l’argent. Le procès-verbal d’enquête indique que Youssoufa s’était servi d’une corde et avait étranglé son adversaire avant de lui appliquer le coup fatidique à la nuque avec une hache. Il a ensuite emballé la dépouille avec une moustiquaire avant de le jeter dans un cours d’eau situé derrière leur domicile. Selon le même procès-verbal, Youssoufa avait assassiné M. Ibrahim Aliou avec l’aide de ses deux autres frères qui se trouvaient au domicile de son copain et dont elle ignore les noms. Au témoignage de Francine Claire Beyala s’était ajouté celui d’une voisine qui avait dit avoir été réveillé à 3 heures du matin par les bruits provenant du domicile de Abdouramane. C’est sur la base des dénonciations de cette dernière que Abdouramane Aliou avait été identifié comme étant le principal suspect du meurtre de son petit frère.
Le 7 mai 2021 les deux accusés ont donné leur version des faits devant la barre. Abdouramane Aliou raconte que son regretté frère et lui, en provenance de leur village, s’étaient installés à Yaoundé, il y avait seulement deux semaines. C’est ainsi que le défunt s’était lié d’amitié avec un ferrailleur, et ne passait presque plus ses nuits à la maison qu’il occupait avec deux autres personnes. La veille du meurtre de son frères, le mis en cause déclare que ce dernier a voulu lui remettre la somme de 97 mille francs pour garder, mais, qu’il a refusé de prendre cet argent. Il s’est ensuite rendu au marché laissant tous ses co-chambriers à la maison pour ne rentrer que vers deux heures du matin. «J’ai demandé à Yaya où se trouvait mon frère, il m’a dit qu’il est allé acheter la ferraille avec son ami. Je me suis endormi sans m’inquiéter, parce qu’il avait l’habitude de dormir dehors. Le lendemain, Francine Claire Beyala m’a informé qu’on a découvert un cadavre dans un cours d’eau. C’était malheureusement la dépouille en état de putréfaction de mon petit frère», a-t-il confié avant de souligner que les autres personnes avaient disparu dans la nature en emportant avec eux son sac contenant de l’argent et ses effets personnels pendant qu’il avait été conduit à la brigade de gendarmerie du quartier Mokolo.
Pour sa défense, Abdouramane Aliou explique en outre que la hache couverte de sang, des chaussures pleines de boue, et des flaques de sang retrouvés sur le sol de leur domicile étaient du fait de Yaya qui a certainement tué son frère pour son argent.
Pour sa part, Mme Beyala a contredit toutes ses déclarations faites à l’enquête préliminaire. Elle nie s’être rendu au domicile de son coaccusé avec qui elle soutient n’avoir jamais entretenu de relation amoureuse. De même qu’elle déclare n’avoir pas vu la dépouille de Ibrahim Aliou. Les déclarations de Francine Claire Beyala ont fragilisé l’accusation qui n’a présenté aucun témoin. C’est la raison pour laquelle la représentante du ministère public a requis la relaxe pure et simple de cette dernière pour faits non constitués. S’agissant du cas de Abdouramane Aliou, le magistrat du parquet a déclaré qu’il n’y a aucune preuve matérielle pour pouvoir accuser ce dernier de l’infraction de meurtre. «Il y a un doute qui plane et le tribunal ne peut pas statuer sur la base des suppositions», a-t-elle conclu. L’affaire a été mise en délibéré pour le 19 mai 2021.