La stratégie de défense de Me Soumele Jatsa Augustin, l’avocat de M. Paho Malcom Barnabé, le directeur de publication (DP) du journal «Midi Libre» visant à bloquer la procédure judiciaire engagée contre ce dernier devant le Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé centre administratif, a tourné court. Le tribunal a promis de se prononcer sur cette requête au moment où il rendra sa décision. Me Me Soumele Jatsa Augustin défend les intérêts du journaliste poursuivi pour avoir tenu des présumés propos diffamatoires et injurieux contre le pasteur Denis Boba de l’église «Life World Mission» situé au quartier Olezoa à Yaoundé et ses collaborateurs. Dans un article publié au n 183 de «Midi Libre» du 29 novembre 2021, le journaliste a accusé les responsables de cette église de pervertir la doctrine chrétienne, de menacer les fidèles et de coucher avec les femmes de la communauté.
Dans son exception, l’avocat de M. Paho a demandé au juge du TPI en charge du dossier de mettre un terme au procès engagé contre son client en brandissant la décision 00000 du 17 mars 2022 rendue par le Conseil National de la Communication qui avait été saisi pour les mêmes faits. Dans cette décision, l’organe régulateur des médias avait déclaré irrecevable la requête des plaignants pour défaut de qualité, arguant que le coordonnateur national de cette congrégation qui l’avait saisi n’avait subi aucun préjudice. Sur la base de cette décision, l’avocat du journaliste demande au tribunal de faire application de l’article 395 du Code de Procédure pénale dans son alinéa 3 qui dispose que «toute personne définitivement relaxée ou condamnée ne peut être jugée de nouveau pour les mêmes faits même sous une qualification différente».
En réaction, Me Onana Emile Anicet, l’avocat de l’accusation a qualifié de dilatoire la requête de la défense. «Il tente de distraire le tribunal en s’appuyant sur les dispositions de l’article 183 alinéa 3 portant sur l’autorité de la chose jugée. Or, dit-il, le Conseil National de la Communication (CNC), organe régulateur des médias, n’est pas une juridiction pénale. Il a demandé au tribunal de rejeter l’exception formulée par la défense et d’ordonner la suite des débats. Le magistrat du parquet a partagé le même avis que l’avocat de M. Boba. «La défense essaie de concurrencer une instance disciplinaire de régulation avec le juge pénal compétent pour juger les infractions relevant du correctionnel», a noté le magistrat. Le tribunal a été convaincu par les arguments de l’accusation en décidant de poursuivre les débats.
Pendant son témoignage devant la barre, le pasteur Boba Denis a indiqué qu’il reproche à l’auteur de l’article au centre du litige, d’avoir dit des mensonges sur sa personne, son épouse et certains de ses collaborateurs alors qu’ils ne se connaissaient pas avec le journaliste. Il a déclaré que j’ai perverti la doctrine chrétienne dans ma communauté, que ma passion est d’avoir des relations sexuelles avec des femmes brunes. Il a également dit que j’ai escroqué de l’argent à une grande autorité de ce pays et j’ai simulé un exil à l’étranger alors que je me cachais au Cameroun. Il a, par ailleurs, accusé mon épouse d’avoir formé un gang de bandits chargés d’agresser les personnes. «Il n’a jamais cherché à recouper ces graves et diffamatoires informations qu’il a livré au grand public sans obtenir ma version des faits». C’est la raison pour laquelle le pasteur dit avoir saisi le CNC et le TPI le 3 décembre 2021.
Prenant la parole à son tour, M. Etoundi Sama, un des pasteurs de la congrégation de la «Life World Mission», indique que le 1er décembre 2021, il avait reçu dans son téléphone des coupures de presse avec un titre incendiaire. C’est en parcourant l’article litigieux qu’il découvre son nom où il est traité d’agresseur, d’utiliser le nom de son beau-père, un général d’armée pour intimider les fidèles de l’église. «Il accuse mon épouse et moi, de semer la terreur à l’église en intimidant les fidèles de notre communauté. Le contenu de cet article m’a heurté compte tenu des propos injurieux qu’il utilise alors que pendant 12 ans nous nous investissons pour l’évangile», a-t-il souligné. Il soutient que les informations publiées par le DP du journal «Midi Libre» sont totalement contraires à la réalité.
A la suite de M. Etoundi Sama, l’avocat de l’accusation a demandé au tribunal de joindre aux faits de diffamation initialement retenus contre M. Paho par le parquet, des faits nouveaux, notamment, ceux de propagation de fausses nouvelles et d’outrage. Un avis que ne partagent pas la défense et le représentant du parquet qui demandent au juge de ne statuer que sur l’infraction de diffamation contenue dans la plainte qui a saisi le tribunal. L’intervention du ministère public a suscité une réaction de l’avocat du plaignant qui précise que «le tribunal n’est pas lié à la qualification des faits du parquet qui le saisit. Mais peut prendre en compte des infractions lorsque celles-ci sont révélées au cours des débats».
Face à ce houleux débat, le juge en charge du dossier a suspendu l’audience pour donner son opinion sur la qualification sur les faits nouveaux et pour la suffisance des preuves le 12 mai 2022, date de la prochaine audience au cours de laquelle le mis en cause Denis M. Paho pourra donner sa version des faits.