Le 9 février 2022 est un jour de vérité pour Frédérique Fouda Fouda, contrôleur du Trésor à la retraite. «Maire élu» de la commune de Mboma, dans la région de l’Est, il va ce jour-là donné sa version des faits sur le supposé détournement de 84,3 millions de francs mis à sa charge devant le Tribunal criminel spécial (TCS) par l’Etat du Cameroun, partie civile dans l’affaire. Un supposé forfait qu’il aurait réalisé en 2012. Il assurait à cette époque les doubles fonctions de percepteur des finances et de receveur municipal de Doumé, dans le département du Haut Nyong.
Six jours plus tôt, le 3 février, les juges ont estimé les éléments de preuve suffisants pour qu’il puisse présenter sa défense. L’accusé a annoncé qu’en plus de son témoignage, il compte verser aux débats des documents prouvant son innocence clamée. Cette décision du tribunal est tombée à la suite du réquisitoire intermédiaire du parquet qui, au terme de l’interrogatoire de son témoin, est revenu sur le fond de l’affaire.
Le procureur explique que son unique témoin, Emmanuel Angoula Angoula, cadre au ministère des Finances, avait été chargé de présider la passation de service entre M. Fouda Fouda et son remplaçant à la perception des finances de Doumé le 20 août 2012. La coupure des écritures effectuées à cette occasion a mis en lumière un déficit global de 78,1 millions de francs représentant le manquant en caisse et 730 mille francs issus de la vente des timbres et des vignettes. Lors de la «mise à jour des registres comptables» de la perception de Doumé, il s’est dégagé un «déficit supplémentaire» de 7 millions de francs, ajoute le procureur, portant le montant querellé à 85,8 millions de francs.
Pièce en régularisation
Pendant l’audit de sa gestion, indique le procureur, M. Fouda Fouda avait présenté des pièces en «régularisation» de sa comptabilité. Il expliquait que les fonds litigieux lui ont permis de payer des dépenses à la recette municipale de Doumé. Mais ces fonds n’étaient toujours pas de retour dans sa caisse lors de l’audit. Les auditeurs ont refusé de prendre lesdites pièces en considération au motif que tout déblocage de fonds correspondait à un crédit précis. Et le déplacement d’un crédit ne peut se faire que sur autorisation expresse du ministre des Finances. Tel n’a pas été le cas, selon l’accusation.
«Le percepteur Fouda Fouda a commis une faute professionnelle grave, estime le procureur, en utilisant les fonds destinés aux dépenses de la perception de Doumé pour le paiement des mandats communaux.» Citant les déclarations faites par son témoin, le procureur indique que les justificatifs des dépenses de la recette municipale ne pouvaient pas «impacter de quelle que façon que se soit les paiements irréguliers». «A travers les pièces, il ressort d’évidence une utilisation approximative à des fins personnelles des ressources publiques dont [l’accusé] avait la gestion en qualité de comptable public», affirme le procureur.
Pendant l’information judiciaire, a poursuivi le procureur, M. Fouda Fouda «a reconnu le déficit partiellement à hauteur de 20,3 millions de francs». Une somme que l’accusé a d’ores et déjà restitué au Trésor public, «le reste du déficit est donc à expliquer. Où se trouve la somme de 48 millions de francs confiée au percepteur M. Fouda Fouda à laquelle il lui revient de répondre ?», a-t-il conclu. Le procureur a versé aux débats un ensembles de documents à charge tous admis comme pièces à conviction.
Déclinant son identité, après avoir fait son choix de défense, M. Fouda Fouda a indiqué qu’il est le «maire élu» de Mboma et chef traditionnel de 3e degré de Mbatp. Il est en détention provisoire à la prison de Kondengui depuis plusieurs mois.