Evincé des rangs de l’armée depuis 28 ans, Nomo Bilégué n’a cessé de lutter jusqu’à ce jour pour être dédommagé de ce qu’il considère comme un «excès de pouvoir» de la part du ministre de la Défense (Mindef) de l’époque. Devant le Tribunal administratif du Centre, le 12 octobre 2021, il clame encore son innocence concernant l’infraction de «désertion en temps de paix» mis à sa charge par son employeur au moment de le le punir, en plus de sa radiation de l’armée.
Les faits contestés se déroulent en 1995. Recruté quelques années plus tôt grâce à un contrat signé avec le Mindef, Nomo Bilégué va une fois de plus s’engager pour une durée de trois ans dans les rangs, en 1993. Sauf que cette fois, avant la fin de la période, il apprend qu’il a été révoqué par un arrêté du Mindef. En service près de la frontière avec le Tchad, le gendarme entreprend ainsi de rallier la capitale pour savoir de quoi on l’accuse exactement. L’homme explique qu’en quittant son lieu de service, il a été tenu de laisser son arme de service et autre équipement militaire puisqu’il n’était plus considéré comme soldat.
De passage à Kousseri sur le chemin de Yaoundé, il est surpris par la nuit et décide de faire une escale à la Brigade de gendarmerie de cette ville avant de reprendre la route. Malheureusement pour lui, des brigands vont attaquer leur poste et leur infliger de lourdes pertes. Sans moyen de défense, Nomo Bilégué confie ne pas avoir pris part aux hostilités, un acte qui est rapporté à sa hiérarchie. Dès l’aurore, il poursuit sa route en direction de Maroua, avec une escale dans la localité de Waza. Quand il se présente dans cette brigade, il est arrêté. Ses anciens collègues l’informent d’un mandat d’arrêt délivré à son encontre pour «désertion en temps de paix». Ses explications n’y changeront rien.
Silence de l’ex-employeur
Le présumé déserteur est transféré à Maroua pour être incarcéré durant trois mois. Il passe devant le Tribunal militaire et obtient une mise en liberté provisoire. Nomo Bilégué reprend la route pour Yaoundé un mois plus tard. Selon lui, le Mindef est resté sourd à ses sollicitations pour entrer en possession du texte le révoquant. Il n’avait donc aucune idée sur la faute qui a justifié la rupture de son contrat, la supposée désertion étant intervenue après. Sans ce document, le plaignant explique qu’il ne pouvait mener aucune action pour réclamer justice. Il recevra finalement la notification de sa radiation le 20 août 2015. Entretemps, il a été relaxé par le Tribunal militaire pour absence de faute, comme l’atteste la grosse du jugement présentée comme pièce à conviction.
Après sa victoire judiciaire, l’ancien gendarme va entreprendre de reconquérir les avantages dus à la fonction qu’il a occupée au sein de l’armée camerounaise. En mars 2016, il écrira en vain au Mindef pour lui exprimer ses attentes. C’est alors qu’il se retourne vers le Tribunal administratif du Centre pour réclamer des dommages et intérêts, en plus des sommes correspondantes à son salaire et ses avancements durant la période que devait couvrir son contrat avec le Mindef.
Dans ses réquisitions, le ministère public s’est appesanti sur la recevabilité du recours fait par M. Nomo Bilégué devant le Tribunal administratif. Le magistrat rappelle que, selon la loi, le délai prévu entre le recours gracieux adressé au Mindef et la saisine du Tribunal administratif est de 60 jours. Le plaignant aurait donc dû saisir le Tribunal administratif au plus tard le 11 juillet 2016, selon le décompte fait par le représentant du ministère public. Or, ce dernier l’a fait en octobre 2016. C’est une saisine tardive de la justice qui amène le parquet à requérir l’irrecevabilité du recours du militaire. Le tribunal se prononcera sur ce point le 9 novembre prochain.