Le sergent Dieudonné Ndongo a de quoi s’offrir une «retraite» dorée. Il avait un large sourire en quittant la salle d’audience du Tribunal administratif de Yaoundé le 7 septembre dernier. Il venait de faire mordre la poussière au ministère de la Défense (Mindef) en obtenant l’annulation de deux décisions du patron de cette administration : l’une le radie des effectifs de l’armée, l’autre le met à la retraite d’office.
Le tribunal a condamné l’Etat du Cameroun à payer à M. Ndongo 24 millions de francs de dommages et intérêts. Le Mindef est sanctionné parce que ses deux décisions prises en 2009 et 2013 sont entachées d’un excès de pouvoir. Le tribunal s’est par contre déclaré incompétent à ordonner la réintégration de M. Ndongo dans l’armée.
Lors des débats autour de cette affaire le 4 mai dernier [Kalara No 383], M. Ndongo avait expliqué que c’est en 1994 qu’il avait été recruté dans l’armée. Il était affecté dans la marine nationale. En 2009, alors qu’il était en poste au 11e bataillon des fusiliers marins se trouvant à Campo dans la région du Sud, son commandant l’informait avoir ouï-dire que le ministre de la Défense l’a radié de l’armée. Néanmoins, le commandant lui a suggéré de continuer le service jusqu’à ce qu’il soit formellement notifié de la décision alléguée. Il s’est exécuté. Mais en septembre 2013, son bon de caisse de ce mois-là avait un solde nul. Et sur ledit bon de caisse, il était inscrit que M. Ndongo est à la retraite. Pourtant l’intéressé avait encore droit à une dizaine d’années avant de prendre sa retraite. En tout cas, depuis septembre 2013, l’intéressé n’a plus touché son salaire.
Double sanction
Face à la situation, M. Ndongo a déclaré qu’il avait introduit une série de requêtes au Mindef. Ce n’est qu’en 2018 qu’il a formellement pris connaissance du message radio-porté du ministre de la Défense portant sa radiation de l’armée en compagnie d’autres militaires. On leur faisait le reproche d’une «désertion de longue durée» et une «mauvaise manière de servir». Cette décision, datée de décembre 2009, portait le sceau «confidentiel» avec ampliation au chef d’état-major des armées (Cema) et au directeur des Ressources humaines.
Pour M. Ndongo, la radiation d’un militaire ne peut intervenir qu’à l’issue d’un conseil de discipline. Et lors duquel, le dossier de la procédure doit être communiqué au militaire incriminé afin qu’il prépare sa défense. Mais toutes ces formalités n’ont pas été respectées, selon le plaignant. De plus, a-t-il ajouté, il a subi deux sanctions : la radiation et la mise à la retraite d’office. Or, le Règlement général de discipline des forces de défense interdit que deux «sanctions statutaires» soient infligées à la même personne. Pour la réparation des dommages subis du fait de ces agissements, M. Ndongo a sollicité sa réintégration dans l’armée et le rappel de son salaire suspendu depuis 2013.
Le représentant du Mindef dans la procédure a estimé que le recours du plaignant est tardif parce qu’il intervient, selon lui, au moins 8 ans après la commission des faits décriés. Mais le ministère public prenait son contrepied qualifiant les décisions querellées de «tellement grossières». Il indiquait que «le conseil de discipline est une obligation et non une faculté». Le tribunal a sanctionné le ministère de la Défense pour n’avoir pas respecté les droits de la défense.