Par Emile Kitong – ekitong@gmail.com
La chambre criminelle du Tribunal de grande instance (TGI) du Wouri entame ce jeudi, 9 septembre 2021, l’examen public d’une affaire inédite. Elle oppose M. Mimb Emile Parfait, promoteur de l’entreprise dénommée Global Investment Trading (GIT), qui opère dans la crypto-monnaie, à six (6) anciens employés de son entreprise et deux (2) partenaires. Ils sont accusés respectivement d’abus de confiance aggravé et de complicité d’abus de confiance aggravé, des infractions punies par le code pénal. M. Mimb se plaint que son entreprise a fait l’objet en trois mois quasiment d’un détournement de près de 5 mille dollars Limo (monnaie virtuelle), qui est selon lui l’équivalent de plus de 2 milliards de francs. D’où le déclenchement d’une procédure judiciaire à l’égard des mis en cause par l’entremise d’une plainte.
Les faits au centre de cette procédure judiciaire se sont déroulés au cours de la période allant de décembre 2020 au 5 février 2021. Ils sont constatés à la suite d’une cascade de départ volontaires de certains de ses employés, qui avaient pour la plupart, selon le plaignant, la caractéristique commune de présenter subitement des signes extérieurs d’un enrichissement important (acquisition de véhicules de luxe pour certains, voyages aux Emirats Arabes Unis pour d’autres, etc.). Des recherches internes à l’entreprise auraient permis d’identifier la source de cet enrichissement suspect : les suspects avaient découvert des failles sur les plateformes informatiques de l’entreprise, notamment Liyeplimal et Limarket, profitant de la situation pour s’enrichir et enrichir certains de leurs proches par une démultiplication des comptes et des opérations.
Recharges automatiques
M. Mimb va suspecter que deux de ces employés démissionnaires, des informaticiens professionnels, avaient profité de leurs positions stratégiques au sein de l’entreprise, donc de leur connaissance des codes du système informatique de l’entreprise pour y introduire des failles exploitées par leurs collègues. Au moment où le promoteur de Global Investment Trading engage la procédure judiciaire, il est convaincu que les ponctions financières qu’il a constatées ne peuvent se faire sans l’aide de M. Ndouma Maurice et de M. Jean Yungong Jimi Bri, les deux informaticiens. Les enquêteurs vont rapidement interpeller la plupart des suspects et bloquer leurs comptes. Certains vont même reconnaître les faits et procéder au remboursement très partiel des sommes mises à leur charge.
L’enquête policière et l’information judiciaire qui s’en suivent ne vont pas établir les soupçons de M. Mimb à l’égard des informaticiens. La preuve d’une manipulation de la plateforme informatique de son entreprise n’est pas trouvée. Mais, en gros, l’enquête, qui se déroule sans recours à une moindre expertise technique, permet de constater à la lumière des témoignages de certains mis en cause que les «habilitations, qui leur permettaient d’entrer dans le système, leur a permis de constater que lorsqu’ils procédaient à un retrait dans le système DCA, la balance initiale était réinitialisée, ce qui signifiait que le système se rechargeait automatiquement». Et compte tenu de la situation, certains suspects «ont créé chacun au moins un compte Liyeplimal et un autre Limarket et ont pu obtenir frauduleusement des dollars Limo destinés à leur employeur en piratant ses comptes».
Le problème, celui qui fonde la particularité de l’affaire, c’est que la crypto-monnaie, qui est définie comme un «moyen de paiement virtuel utilisable essentiellement sur Internet, s’appuyant sur la cryptographie pour sécuriser les transactions et la création d’unités, et échappant à tout contrôle des régulateurs et des banques centrales», ne bénéficie pas d’une existence légale dans la sous-région. Dans un communiqué de presse de la Cosumaf (la commission de surveillance du marché financier de l’Afrique centrale) daté du 27 mai 2021, la société Global Investment Trading à travers sa plateforme Liyeplimal est clairement citée parmi les entreprise qui «procèdent à la collecte irrégulière des fonds auprès du public». Le dollar Limo à qui certains donnent la même valeur que le dollar US, n’a pas non plus d’existence légale… Ce sont des aspects du dossier, soulignés par les avocats de certains mis en cause, qui sont pour l’instant ignorés par la justice.
Conflits d’intérêt ?
Dans les rangs des mis en cause, des voix pour l’instant anonymes s’élèvent pour indiquer que certains des acteurs de la chaine judiciaire sont plus ou moins proches de M. Mimb et/ou seraient même détenteurs des comptes sur les plateformes de sa société. Certains accusés auraient subi des pressions dans le sens de se libérer de certains de leurs avoirs pour être mis hors de cause. De toutes les façons, certains griefs sont faits au sujet de la conduite des enquêtes à partir d’une plainte initiale de «piratage» du système informatique qui s’est transformée en «abus de confiance aggravée», les suspects ayant la qualité d’employés du plaignant à l’époque des faits. Et de toutes les façons, l’enquête n’a pas établi la responsabilité des mis en cause sur les dysfonctionnements du système…
Sont-ce ces incertitudes relevées autour de la procédure judiciaire qui donne à l’affaire Global Investment Trading un caractère spécial au point où la défense n’avait pas encore consulté le dossier de procédure en fin de semaine dernière, ce dernier étant «confisqué par le parquet», au lieu d’être disponible au greffe du TGI du Wouri, comme c’est de règle ?Ce qui est sûr, c’est que le procès qui s’ouvre bientôt, ne s’annonce pas sous de meilleurs auspices. Mais, nul ne perd rien à attendre ce qui se passera effectivement dans la suite de la procédure judiciaire.