Par Louis Nga Abena – louisngaabena@yahoo.fr
«Légèreté dans le maniement des fonds publics» et «incompétence dans la tenue de la comptabilité». Ce sont quelques-uns des griefs au centre des poursuites judiciaires engagées à l’encontre de l’inspecteur principal du Trésor Prosper Ovambe Mvondo. Son jugement s’est ouvert devant le Tribunal criminel spécial (TCS) le 27 août dernier. Incarcéré à la prison de Kondengui depuis six mois il doit s’expliquer sur un détournement présumé de 1,5 milliard de francs qu’il aurait réalisé entre 2012 et 2019. Période pendant laquelle il exerçait les fonctions d’agent comptable à l’Université de Maroua.
La première audience publique de cette procédure n’a duré que le temps d’une étoile filante. Le tribunal a appelé l’affaire et a renvoyé la procédure le 27 octobre prochain afin que le parquet général convoque d’abord les parties civiles au procès : l’Université de Maroua et le ministère des Finances (Minfi).
Selon le rapport de l’enquête judiciaire (l’ordonnance de renvoi) dressé par le juge d’instruction, c’est le 29 mars 2019 que M. Ovambe Mvondo a perdu le sommeil. En fait, ce jour-là il passait ses fonctions d’agent-comptable à son successeur, Joseph Éric Mikam. Une cérémonie qu’a présidée M. Seni Amnesse, dépêché à Maroua par le Minfi à cet effet. A la tête d’une mission de contrôle, M. Seni devait, outre la passation de service, auditer la gestion de l’agent comptable sortant. Selon l’accusation, l’audit allégué a permis de mettre en lumière plusieurs irrégularités «dont la plus grave est le déficit de caisse d’un montant de 1,5 milliard de francs» imputé à l’accusé.
Dépenses urgentes
Les responsables de l’Université de Maroua entendues pendant les enquêtes ont tous accablé M. Ovambe Mvondo. Ils ont affirmé de manière constante que les pièces entourant les demandes de décaissement des fonds étaient chaque fois transmises à l’accusé lors des opérations afférentes. Mais le mis en cause «ne tenait pas régulièrement sa comptabilité». Certaines dépenses étaient réalisées sans que le contrôleur financier ait au préalable apposé son visa sur la liasse de paiement pour certifier la régularité ou non des sorties de fonds. Pour le Trésorier payeur général de Maroua au moment des faits : «l’agent comptable Ovambe Mvondo Prosper brillait par son incompétence professionnelle sur la tenue de la comptabilité» et de la «légèreté dans le maniement des fonds publics».
Pour sa défense, pendant l’information judiciaire, M. Ovambe Mvondo a expliqué que 65 % du montant déclaré détourné concerne les «dépenses urgentes, c’est-à-dire des dépenses payées dans l’urgence en attendant la régularisation des pièces justificatives». Les dépenses en question portent sur les frais d’électricité, d’eau potable, de transport, de location, de communication et de mission. Avant son limogeage, il avait déjà saisi les autorités évoquées par correspondances demandant aux intéressés de lui faire parvenir les justificatifs des dépenses en cause.
Lorsqu’il a subi l’audit déjà mentionné, les justificatifs des dépenses querellées étaient encore entre les mains de sept responsables de l’université parmi lesquels les doyens des facultés. Il n’a pas pu user desdits justificatifs pour apurer sa comptabilité parce qu’il avait été expulsé de son bureau par le recteur. Selon lui, 90% des justificatifs des dépenses en rapport avec le déficit de caisse qu’on lui impute ont été transmis à son successeur après l’ouverture des enquêtes contre lui.
Le juge d’instruction a rejeté la défense de M. Ovambe Mvondo indiquant qu’une décision du ministre des Finances encadrant les dépenses urgentes fait obligation aux comptables, en cas de dépenses urgentes, de les régulariser dans un délai d’un mois. «Il est aisé d’affirmer, soutient-il, que l’inculpé [Ovambe Mvondo] a galvaudé la notion de dépenses urgentes en l’espèce d’une part, et d’autre part de conclure en définitive que le déficit arrêté (…) et imputé à l’intéressé n‘est aucunement sujet à caution.».