Par Louis Nga Abena – louisngaabena@yahoo.fr
La peur a changé de camp dans la bataille judiciaire qui oppose la Cameroon Postal Service (Campost) à Jules Martin Mvogo Etoundi. Ce dernier, ancien directeur du Centre Financier National (CFN) de la Campost, incarcéré à la prison centrale de Yaoundé depuis 2013, a déposé une plainte avec constitution de partie devant le Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé centre administratif (CA) le 11 mai dernier.
Cette récrimination vise la Campost et trois de ses préposés précisément, le Français Hervé Beril, ex-directeur général (DG) de l’entreprise publique, Annette Moukoudi Ebwa épouse Mbella, cadre à la cellule juridique et Patrice Balogog, contrôleur des services. L’ancien directeur du CFN imputent à ses anciens collègues les faits qu’il qualifie de refus d’innocenter, de faux témoignages, de déclarations mensongères, enrichissement sans cause et d’obstruction à la Justice.
En effet, M. Mvogo Etoundi a déposé sa plainte un jour après son acquittement devant le Tribunal criminel spécial (TCS). Poursuivi en compagnie de Gisèle Miste, ex-caissière au CFN considérée en fuite, pour un détournement de 497 millions de francs prétendument réalisé à l’époque où ils étaient en fonction au CFN en 2013, ils ont été reconnus non coupable.
En prononçant le verdict le 10 mai dernier, le tribunal a entièrement fait droit à la «fin de recevoir» soulevé par M. Mvogo Etoundi dès l’entame du jugement. L’ex-directeur du CFN de la Campost avait fait constater aux juges que les griefs retenus contre sa personne dans cette procédure lui ont déjà valu une condamnation à 10 ans de prison cette fois-là pour un détournement allégué de 480 millions de francs. Sa coaccusée avait de son côté écopé de l’emprisonnement à vie. Ces peines écopées devant le TCS le 15 juin 2015 ont été confirmées devant la Cour suprême en 2017.
Dans sa fin de non-recevoir, M. Mvogo Etoundi faisait remarquer que dans les deux procédures engagées contre lui devant le TCS, le ministère public lui fait le reproche d’avoir octroyé des crédits à des clients dans des comptes courants qui ne disposaient pas de provisions suffisantes. Des faits commis durant la période allant du 15 janvier 2012 au 22 avril 2013, selon l’accusation, en violation du décret du 28 juillet 1952 portant règlement des comptes courants et chèques postaux.
Mieux, les faits décriés ont été décelés par deux équipes distinctes, notamment une mission de contrôle interne des services de la Campost conduite par Patrice Balogog du 2 au 10 avril 2013 et la mission de vérification conjointe ministère des Finances (Minfi)/Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe) dépêchée à la Campost entre septembre 2013 et janvier 2014.
De fait, la mission interne de la Campost impute à l’ex-directeur du CFN la distraction de 480 millions de francs tandis que la mission conjointe Minfi/Consupe celle de 497 millions de francs. Le ministère public s’est appuyé sur chacun des deux rapports pour engager successivement les poursuites contre les accusés. Face à cette situation, le tribunal a désavoué l’accusation au motif que la loi interdit qu’une personne soit jugée deux fois pour les mêmes faits, même sous une autre qualification.
Dans sa plainte déposée au TPI de Yaoundé (CA), M. Mvogo Etoundi soutient que ses adversaires ont «notoirement» fait une application partiale des textes régissant les services financiers postaux dans le but de le noircir au sujet des distractions de fonds qu’on lui impute devant le TCS. Selon lui, les mis en cause ont affirmé que le mode opératoire de la distraction consistait à faire des «versement fictifs pour des retraits effectifs».
S’agissant des supposés «faux témoignages» et «refus d’innocenté», le plaignant trouve que les «représentants de la Campost ont induit le tribunal en erreur» en s’arc-boutant sur l’arrêté de 1952 sur le fonctionnement des comptes courants. Ce texte ne prévoit pas l’octroi des crédits. Contrairement à l’accusation, le plaignant affirme que l’octroi des crédits décriés était autorisé en application des dispositions de l’article 25 de la loi postale du 25 décembre 2006. «En se basant sur des dispositions antérieures et contraires,les représentant de la Campost ont refusé de m’innocenter», déclare M. Mvogo Etoundi.
Concernant l’infraction d’escroquerie et de tentative d’escroquerie, le plaignant explique que l’accusation soutient que le détournement mis à sa charge a été réalisé par le paiement des chèques sans provisions, la mise en débet des comptes, le retrait frauduleux de la somme de 46 millions de francs et la rétention de 5 millions de francs d’un client. Or M. Beril, alors DG de la Campost, a affirmé lors des enquêtes qu’une cinquantaine de millions de francs querellés ont déjà été recouvrée, dit-il. Mais lors de son premier jugement devant le TCS, la Campost a ramené le montant remboursé à 30 millions de francs. «Cela constitue un enrichissement sans cause», tranche-t-il.
Il faudra donc attendre les conclusions de l’enquête judiciaire du juge d’instruction pour en savoir davantage dans le nouveau bras de fer entre M. Mvogo Etoundi et la Campost. Notons que le plaignant est détenu depuis 2013. Il purge une peine de 10 ans ferme à la prison de Kondengui.