Par Emile Kitong – ekitong@gmail.com
Joël Isaac Bela Belinga, l’expert-comptable dont le rapport d’audit est à la base des poursuites judiciaires en cours contre l’ancien directeur général (DG) de la Cameroun Radio Television (Crtv) pour un présumé détournement de deniers publics d’un montant global de 14,5 milliards de francs, fait feu de tout bois ces dernières semaines pour sauver son image fortement écornée depuis le passage au Cameroun de deux avocats du barreau de Paris, constitués pour le compte de M. Amadou Vamoulké. Ces derniers avaient fortement mis en doute le sérieux et la probité de l’expert-comptable, unique témoin de l’accusation, sur la base de quatre décisions rendues en défaveur de ses entreprises en France (Tribunaux commerciaux de Bobigny et de Lyon). Les arguments des avocats parisiens semblent avoir enlevé le sommeil à l’auditeur et à certains de ses proches.
La semaine écoulée, c’est votre journal qui a essuyé les foudres de l’auditeur controversé à travers non seulement un «droit de réponse» au vitriol adressé à la publication (lire Kalara N°386), mais aussi une campagne de dénigrement sur Facebook soutenues par des proches du concerné, parmi lesquels Mme Marianne Ekanè, sœur cadette et camarade du leader du Manidem. Le tort du journal ? Le fait d’avoir rendu compte des déclarations des avocats français et de publier une résolution du conseil d’administration de la Crtv, qui lui reproche notamment «le non-respect des règles déontologiques» de son métier, confortant les avocats parisiens. En fin de semaine dernière, cette bande a retourné son canon sur M. Issa Tchiroma, l’ancien président du conseil d’administration (PCA) de la Crtv.
Charles Ndongo
Dans une tribune signée d’un certain «Chance Lion» (profil en réalité anonyme) le 31 mai 2021, qui prend fait et cause pour l’auditeur controversé sur sa page Facebook, l’entourage de M. Bela Belinga (s’il ne s’agit pas de lui-même), le défend d’être à l’origine des ennuis judicaires de M. Amadou Vamoulke en prétendant que ce dernier a effectué un audit selon les règles de l’art, sur la base d’une commande reçue de l’actuel DG de la Crtv. Les «avocats» de circonstance de l’expert-comptable le dédouanent d’avoir saisi la justice contre Amadou Vamoulke. «Charles Ndongo va communiquer le rapport aux autorités camerounaises (présidence de la République, ministère des Finances, ministère de la Communication et secrétariat général des services du Premier ministre). C’est sur cette base que le TCS va être saisi et ouvrir une enquête judiciaire», écrit «Chance Lion», avant de promettre une suite.
«Dans la deuxième partie, ont-ils prévenu, nous allons présenter les responsabilités de l’ancien ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, par ailleurs Pca de la Crtv du temps de Vamoulke, montrer le jeu trouble du journal Kalara de Christophe Bobiokono et, comme toujours, la Mbombo nationale (Me Alice Nkom) n’est jamais loin de ce type d’affaire et a mis ses réseaux à contribution notamment Rfi Afrique, Reporters sans frontières / Reporters Without Borders / RSF ainsi que le renfort d’avocats français et autres ONG pour instrumentaliser la décision des juges du TCS afin d’obtenir la libération de Amadou Vamoulke et de jeter le discrédit sur la réputation, le background et l’honneur de l’expert-comptable Bela Belinga Joël exerçant à Paris, Yaoundé, Libreville et au Canada»
Si le lynchage annoncé contre Kalara n’a pas encore eu lieu, l’ancien ministre de la Communication n’a pas connu la même grâce de la part de ce qu’on pourrait considérer comme l’armée cinglée de l’expert-comptable. Coupable, aux yeux de «Chance Lion» et consorts, d’avoir signé la résolution du conseil d’administration de la Crtv datée du 21 juin 2018, qui prescrit au DG de l’entreprise d’interrompre le contrat avec le cabinet BBI Advisory & Audit de M. Bela Belinga, le ministre Issa Tchiroma est présenté comme un prévaricateur de l’entreprise publique (lire ci-contre les extraits des attaques contre le ministre). En fait, c’est la publication par Kalara de la copie de la résolution en question dans sa dernière parution qui déchaîne les passions des soutiens de M. Bela Belinga. Ils laissent croire que la résolution du 21 juin 2018 est un acte de soutien à M. Amadou Vamoulke, pour masquer «l’implication du ministre Issa Tchiroma Bakary dans les détournements et les malversations financières de Amadou Vamoulke».
L’ancien PCA de la Crtv, que Kalara a approché lundi dernier pour susciter sa réaction par rapport aux attaques qui le visent, a choisi d’être assez réservé devant le journaliste. Il a expliqué n’être ni le soutien de M. Vamoulke, ni son bourreau : «M. Vamoulke est le DG qui m’a traité comme PCA de la Crtv avec le maximum de dureté», explique-t-il, confiant à son interlocuteur qu’il avait dû attendre quatre bonnes années après sa nomination pour que le DG de l’entreprise puisse enfin acheter le véhicule de service pour les besoins de sa fonction. M. Issa Tchiroma a dit ne rien se reprocher par rapport à toutes les déclarations tonitruantes diffusées par la bande à «Chance Lion». «Je ne me reconnais en rien sur tout ce qui est dit», a-t-il dit.
Difficultés de collaboration
Dans leur volonté de redorer par tous les moyens le blason de l’expert-comptable, ses soutiens vont très loin, en niant la réalité des décisions prononçant notamment la liquidation judiciaire de ses deux entreprises en France. Des décisions dont Kalara détient copies de certaines expéditions. C’est dans cette perspective qu’un certain Serge Fabrice Etoundi Etoundi, membre de la bande qui dit résider en France, a publié lundi, 14 juin, sur la toile, une «attestation de régularité fiscale» du 31 mars 2021 et un «certificat négatif» du 19 avril 2021 obtenus au greffe (ici en copie), qui seraient des preuves que la société BBI Advisory & Audit n’a jamais connu une liquidation judiciaire comme exposé par les avocats du Barreau de Paris. Sauf que ces documents n’émanent pas du greffe du tribunal de commerce de Bobigny ou de celui de Lyon. Selon les recoupements de Kalara, elles concernent une nouvelle société créée en 2017 avec le même nom (BBI Advisory & Audit), c’est-à-dire après son audit controversé à la Crtv.
Rappelons, pour terminer, que la résolution du Conseil d’administration de la Crtv du 21 juin 2008, qui met M. Bela Belinga et ses soutiens en déroute, avait été prise suite à des «difficultés de collaboration entre la Crtv et le cabinet BBI Advisory & Audit», précisément la direction financière de l’entreprise publique. Des difficultés constatées par une commission ad hoc dont le rapport avait recommandé la rupture du contrat avec l’expert-comptable. La Commission financière et le conseil d’administration n’ont jamais été convaincus par la qualité de travail de l’expert-comptable, qui s’était mué quasiment en procureur de la République au sein de l’entreprise. A noter que toutes les tentatives du journal en vue d’obtenir des explications de M. Bela Belinga au téléphone comme à travers son adresse mail sont restées vaines.
Extrait des attaques dirigées contre l’ancien PCA de la Crtv
«Qu’est-ce qui justifie la résolution produite en juin 2018 par M. Issa Tchiroma, ex-PCA de la Crtv, prescrivant au DG de la Crtv de mettre un terme à toute collaboration avec le Cabinet BBI Advisory & Audit? Il faut rappeler que la Crtv Marketing & Communication Agency (Cmca) Sarl [est une] filiale à 100% de la Crtv. Les statuts constitutifs de la Cmca Sarl créée en 1999 prévoyaient que M. Gervais Mendo Ze, ex-DG Crtv était gérant de la Cmca pour une durée indéterminée. Durant le mandat de M. Vamoulke à la tête de la Cmca, cette disposition n’avait jamais été modifiée, mais ce dernier engageait tout de même la responsabilité de la Cmca, sans l’existence d’une disposition légale lui permettant d’assumer cette fonction.
[…] M. Tchiroma Issa percevait tous les mois, et ce depuis 2010, des indemnités mensuelles de FCFA 400 000 à la Cmca Sarl. Dans le rapport diagnostic que le cabinet BBI Advisory & Audit avait adressé à M. Vamoulké en 2015 sur la situation de la Cmca Sarl, il y avait clairement indiqué que M. Tchiroma en sa qualité de président du Conseil d’administration de la Crtv n’avait pas qualité à percevoir quelques indemnités que ce soient à la Cmca Sarl, entité juridiquement autonome de la Crtv, et avait demandé le remboursement de ces sommes à M. Issa Tchiroma, dont le nom était clairement indiqué dans le rapport.
Par la suite, dans le cadre de l’audit financier et comptable de la Crtv réalisé en 2016, le cabinet BBI Advisory & Audit avait identifié un versement en espèces d’une somme de F CFA 247.330.000. Dotation spéciale coupe du monde 2010 sans support probant. […].
Le rapport de l’auditeur dont nous avons copie avait permis d’illustrer des retraits des sommes en espèces de F CFA 222.162.975 par le comité de réhabilitation dont M. Tchiroma était président, en flagrante violation des règlements Cemac favorisant la bancarisation et celles du code général des impôts interdisant le retrait en espèces des sommes supérieures à FCFA 500.000 (en 2015 et 2016). Le comité de réhabilitation avait créé une unité Technique opérationnelle qui était présidée par M. Felix Zogo, SG actuel du Mincom et M. Kaba Aligan, qui est Ingénieur au Mincom avait été désigné (par M. Tchiroma) billeteur de ce comité de réhabilitation. […].
Tous les points suscités justifient à bon escient le courroux de M. Tchiroma contre le cabinet BBI Advisory & Audit, d’où la résolution prescrivant la fin de collaboration entre la Crtv et ce cabinet.