Par Jacques Kinene – jkine7@yahoo.fr
Maître Ndong Christopher, avocat au barreau du Cameroun, bien connu pour ses prises de position pour la défense des Droits de l’Homme dans les salles d’audience, n’est pas du tout content de M. Nkondog Joseph, ingénieur des chemins de fer. Pour exprimer son mécontentement, l’avocat a traduit l’ingénieur devant le Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé centre administratif pour répondre des faits de dénonciation calomnieuse. Il reproche à Joseph Nkondog de l’avoir traité de tous les noms d’oiseaux dans des correspondances adressées au Bâtonnier du Barreau du Cameroun ainsi qu’à de nombreuses autres autorités du pays. Pis, Me Ndong s’offusque du fait que l’ingénieur avait repris ces propos injurieux à la sortie d’une audience alors que ce dernier avait perdu une affaire qui l’opposait à son client. Des accusations que Joseph Nkondog s’est évertué à rejeter pendant son témoignage. Les deux parties au procès ont donné leur version des faits devant la barre.
Le 15 avril 2021, Me Ndong Christopher a donné son témoignage par rapport à cette affaire en présence de son adversaire qui a fait opposition aux débats qui se sont déroulés en son absence. L’avocat explique avoir été constitué le 12 juin 2012 par un gendarme, de regrettée mémoire, dans la dispute d’un lopin de terre opposant ce dernier à son voisin, M. Nkondog Joseph. Il dit avoir, depuis lors, suivi ce dossier pour lequel son client a finalement eu gain de cause. «Après la décision du tribunal, le voisin de mon client a proféré des insultes contre ma personne, en pleine salle d’audience, me traitant ‘’d’avocat bandit’’, qui a soudoyé les magistrats, ‘’d’avocat de la honte pour le Barreau du Cameroun’’, ‘’d’un agitateur subversif qui bafoue le Code de Procédure pénale’’», a déclaré Me Ndong Christopher. L’avocat avait ajouté que le mis en cause avait promis, ce jour-là, lui régler son compte en détruisant sa carrière. Le plaignant a déclaré que M. Nkondog prétendait qu’il avait soutenu des bandits qui lui ont arraché son terrain.
Correspondances diffamatoires
Me Ndong Christopher raconte que son adversaire était passé de la parole à l’acte. C’est ainsi qu’il avait adressé une lettre au Barreau du Cameroun, alléguant que l’homme en robe noire avait fait usage de faux documents et raconté des mensonges devant la barre pour faire gagner le procès au gendarme avec qui il aurait fait collusion pour des raisons tribales. «Dès lors qu’on saisit le Barreau contre un avocat, c’est pour obtenir des sanctions contre ce dernier. Heureusement pour moi, après un examen minutieux du dossier, le bâtonnier l’avait classé sans suite», avait indiqué Me Ndong Christopher.
Dans la suite de son récit, le plaignant avait précisé que son adversaire a étendu ses dénonciations en écrivant, entre autres, à la Commission nationale anti-corruption (Conac), au Premier ministre et au procureur général près la Cour d’appel du Centre. Et pourtant, il dit avoir rédigé la plainte contre l’ingénieur uniquement sur la base des déclarations de son client. Il soutenait avoir alors bien accompli sa mission d’avocat et ne se reprochait de rien. «Raison pour laquelle j’avais estimé que les injures et les accusations du mis en cause étaient un comportement injuste et diffamatoire. De toutes les façons, il avait voulu nuire à ma personne en remettant en doute mon honorabilité au sein du Barreau et salir mon image d’avocat devant les autorités et l’opinion», a conclu l’avocat. Ce dernier a déclaré que toutes les procédures judiciaires et administratives engagées par son adversaire ont toujours tourné en sa faveur. L’affaire avait été renvoyée au 6 mai 2021, pour la suite des débats avec le témoignage de M. Nkondog Joseph. Faute d’avoir comparu ce jour-là, le mis en cause dont l’état de santé est précaire, avait bénéficié de la clémence du juge en charge du dossier qui avait reporté l’affaire le jeudi 3 juin 2021.
Ce jour-là, l’ingénieur a répondu présent à la convocation du tribunal. M. Nkondog qui s’est contenté de présenter au juge des pièces au soutien de sa défense, qui ont été vivement contestées par le plaignant. Seules ses conclusions ont été retenues par le tribunal. Finalement, le mis en cause n’a eu que son témoignage pour convaincre le juge de son innocence. Il a précisé avoir fait opposition pour faire annuler la décision du TPI qui le condamnait pour les faits de dénonciation calomnieuse alors qu’il n’avait pas pris part aux débats. Il estime que cette décision était illégale, étant donné que la citation directe (plainte) du plaignant était irrégulière à cause du fait qu’elle ne lui était pas parvenu mais avait été déchargée par un inconnu.
Sanction exemplaire
S’agissant des faits d’injures, diffamation et de dénonciation calomnieuse pour lesquelles il a été renvoyé en jugement, Joseph Nkondog a expliqué avoir adressé des correspondances à l’ordre des avocats pour dénoncer les comportements anormaux de Me Ndong Christopher qui avait usé de faux documents pour faire gagner le procès à son client. «J’avais fait ces lettres au Bâtonnier du barreau avec des ampliations à d’autres autorités. Le but recherché était qu’il soit sanctionné ou ramené à l’ordre», a-t-il confié. Il poursuit son propos en indiquant s’être indigné du fait que c’est plutôt l’avocat de son adversaire qui l’a insulté à plusieurs reprises. «C’est inacceptable que cet avocat adresse publiquement des propos injurieux à un ingénieur d’exploitation ferroviaire qui, de surcroit est un enseignant d’université. Je ne reconnais pas avoir calomnié l’avocat. Je ne sais pas en quoi, je l’ai diffamé. J’ai dit la vérité et rien que la vérité», a déclaré Joseph Ndondog. A la question de savoir s’il avait des preuves de ses allégations, l’ingénieur a dit que l’une des preuves palpables est la condamnation devant le Tribunal militaire (TM), d’un officier de gendarmerie avec qui l’avocat fait collusion. Il a ajouté que la décision du TM avait été confirmée par la Cour d’appel du Centre.
Le ministère public, pour sa part, a demandé au tribunal de déclarer le mis en cause non coupable des infractions d’injures et de diffamation, le plaignant n’ayant pas apporté les preuves de ses accusations par les témoignages. En revanche, le parquet a requis la condamnation de Joseph Ndondog s’agissant de l’infraction de dénonciation calomnieuse parce que ce dernier a initié des correspondances dans le but d’obtenir des sanctions contre son adversaire.
L’avocat du plaignant a enfoncé le clou en demandant au tribunal d’infliger à M. Nkodog une sanction exemplaire pour décourager tous ceux qui pourront prendre le plaisir d’insulter et mépriser les avocats dans l’exercice de leur profession. «S’il l’a fait aujourd’hui contre un avocat, demain, il pourra le faire contre un magistrat», a-t-il conclu. Le tribunal compte se prononcer sur la culpabilité ou non de l’ingénieur le 17 juin 2021.