Un militaire du BIR accusé de former des jeunes au terrorisme

Par Odette Melingui – odettemelingui2@gmail.com Teke René, militaire du Bataillon d’Intervention Rapide (BIR), et ses coaccusés Ayompe Orsu Moses, Atoneh Ezéchiel Moto, Itoe Henry, Mbuh Cédric Tekum, Ikwo Beltus Mbeng alias Ewa Belman et Owan Bertrand Owan alias Ateku Ketan sont tous en détention provisoire à la prison centrale de Yaoundé-Kondengui depuis 2018. Ils ont été renvoyés en jugement devant le Tribunal militaire de Yaoundé, pour répondre de neuf chefs d’accusation, notamment la complicité d’acte de terrorisme, l’apologie d’acte de terrorisme, le financement, le recrutement et la formation, la sécession, l’insurrection, l’hostilité contre la patrie, la propagation de fausses nouvelles et le défaut de carte nationale d’identité (CNI). A titre personnel, le militaire Teke René, est poursuivi pour désertion à l’étranger en temps de paix pendant plus de 72 heures. A l’audience du 23 mars 2023, le collège des juges chargé d’instruire cette affaire a ouvert les débats en présence de tous les accusés, qui clament leur innocence. Le commissaire du gouvernement (procureur de la république), patron des poursuites, a relaté les faits au centre de ce procès. Il ressort de son récit que le 1 er mars 2018, à Kalaba, au Nigeria, les services de renseignement nigérian ont procédé à l’interpellation de Teke René, Ayompe Orsu Moses, Atoneh Ezéchiel Moto, Itoe Henry, Mbuh Cédric Tekum, Ikwo Beltus Mbeng alias Ewa Belman et Owan Bertrand Owan alias Ateku Ketan, suspectés d’organiser des réunions et des formations à la manipulation des armes dans le but d’entretenir et de renfoncer les groupes sécessionnistes qui sévissent dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (NOSO) du Cameroun. Interpellation précoce Interpellés, les suspects ont été mis à la disposition de la Sécurité militaire camerounaise, puis remis au Service central des recherches judicaires de la Gendarmerie nationale pour la suite de l’enquête. Au cours de cette enquête ouverte pour faire la lumière dans cette affaire, René Teke et ses compagnons avaient déclaré qu’ils appartenaient au groupe dénommé «Abazonien Gouvernment Counsel (AGC)», lequel finançait le groupe sécessionniste de l’état virtuel d’Ambazonie. Il avait également été constaté qu’au moment de leur interpellation, les mis en cause étaient dépourvus de leurs cartes nationales d’identité (CNI). Entendu au cours de l’enquête, Ayompe Orsu Moses était passé aux aveux complets et avait reconnu avoir financé la sécession à travers un compte bancaire créé à la Nied Banck en Afrique du Sud. Il avait également déclaré qu’il était en relation permanente avec Ayaba Cho et Kaavi, tous leaders de l’AGC. Atoneh Ezéchiel Moto, quant à lui, avait dit avoir intensifié les villes mortes à travers les mots d’ordre de grève lancés à partir de son ordinateur. Il avait, par ailleurs, précisé avoir vendu les ordinateurs qu’il avait reçus d’Ayaba Cho et l’argent issu de cette vente avait servi à financer les groupes terroristes au NOSO. Cet accusé avait enfin révélé que la vente desdits ordinateurs était une couverture et qu’il se préparait à recevoir des armes en provenance du Nigeria. Pour ce qui est de Teke Rene, le militaire du BIR, il avait reconnu au cours de l’enquête avoir déserté son unité sans l’autorisation de son chef hiérarchique et de s’être retrouvé au Nigeria pendant au moins 72 heure. Il avait reconnu avoir été recruté par l’AGC en contrepartie de la somme de 1 million de nairas dans le but de former et d’entraîner des recrues à la manipulation des armes, notamment le montage et les tirs. En outre, l’homme en tenue avait déclaré qu’il avait reçu une avance de 200 milles nairas et qu’il n’avait pas mis en exécution son contrat en raison de son interpellation précoce. Itoe Henry, Mbuh Cédric Tekum, Ikwo Beltus Mbeng alias Ewa Belman et Owan Bertrand Owan alias Ateku Ketan avaient, pour ce qui les concerne, reconnu appartenir à l’Abazonien Government Counsel. Volte-face Bien qu’ayant reconnu les faits mis à leur charge au cours de l’enquête préliminaire, selon l’accusation, les accusés se sont rétractés à la phase de jugement. Ils clament leur innocence devant le juge militaire. Seul Teke René plaide coupable pour l’infraction de désertion à l’étranger en temps de paix. Le 27 avril 2023, le tribunal militaire de Yaoundé a poursuivi son audience avec l’audition de l’un des accusés. Premier à prendre la parole, Ayompe Orsu Moses a reconnu avoir ouvert un compte à la Nied Banck en 2014 lorsqu’il s’est installé en Afrique du Sud après ses études au Cameroun. C’est dans ce compte qu’il percevait son salaire. Il déclare avoir fait la connaissance de Ayaba Cho et Kaavi lorsqu’il s’était rendu au Nigeria en 2018, dans le cadre des activités de son église qui apportait une assistance humanitaire aux ressortissants camerounais dans ce pays. «L’église s’est déportée dans une localité là-bas, et c’est à cette occasion que j’ai fait la rencontre de Ayaba Cho et Kaavi. Nous nous sommes entretenus, mais sans discuter sur des questions de sécessionnisme. Je n’appartiens pas à l’AGC, je ne connais aucun membre de cette association» , a-t-il déclaré. Ayompe Orsu Moses relate en outre qu’il avait été interpelé dans sa chambre d’hôtel à Kalaba où il séjournait en toute quiétude et conduit au SED où il dit avoir été torturé. L’accusé déclare qu’il a fait la connaissance de ses coaccusés dans un camp militaire et soutient ne pas se reconnaitre dans toutes les infractions qui lui sont reprochées. «Je n’ai jamais tué dans ma vie. Je n’ai jamais donné l’ordre à quelqu'un d’autre de tuer. Je n’ai jamais donné l’argent à quelqu’un dans le but de financer le terrorisme. Je n’ai jamais recruté les gens enfin d’intimider les populations. Je n’ai jamais fait la publicité dans le but d’encourager les atrocités commis au NOSO et je n’ai jamais organisé des manifestations dans le but de s’opposer aux autorités locales» , a-t-il clos son propos. La suite des débats est prévue le 25 mai prochain avec l’audition des autres accusés.

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