Par Jacques Kinene-jkine7@yahoo.fr
Il y a un an que Emmanuel Mbombog Mbog Matip, directeur de publication de «Climat social» et président de la Ligue nationale pour la défense des droits des personnes défavorisées a été placé en détention provisoire à la prison centrale de Yaoundé Kondengui. Réputé pour ses commentaires politiques critiques dans les médias et sur les réseaux sociaux, le lanceur d’alertes a été renvoyé devant la juridiction militaire pour répondre des faits de propagation de fausses nouvelles. Et depuis lors, il n’est toujours pas fixé sur son sort. Son affaire qui passait le 9 août 2021 devant le Tribunal militaire de Yaoundé, a été renvoyée au mois prochain pour l’ouverture des débats.
L’ordonnance de renvoi dont Kalara est en possession renseigne que le 15 août 2020, M. Mbombog Mbog Matip Emmanuel a publié dans sa page Facebook qu’il est menacé de mort par le Colonel Mbankoui Emile, chef de la Division de la Sécurité militaire (Semil) et Paul Daizy Biya. Le lanceur d’alertes estime que lesdites menaces proviennent du fait qu’il est au courant d’un projet de déstabilisation du Cameroun fomenté par de hauts fonctionnaires de la République, qui auraient donné au Colonel Mbankoui Emile et son compagnon de fortes sommes d’argent pour obtenir le silence de ces derniers. Interpellé, le dénonciateur était passé volontairement aux aveux complets à l’enquête préliminaire et à l’information judiciaire. Il s’était défendu en déclarant que cette publication a été faite afin que nul n’en n’ignore dans le cas où il mourait subitement.
Aveu volontaire
D’après le juge d’instruction, les aveux de M. Mbombog Mbog Matip Emmanuel avaient été corroborés par le témoignage de M. Biya Paul Daizy. Il a indiqué que le DP de «Climat social» s’était lancé dans une campagne de sabotage médiatique contre sa personne, estimant qu’il a perçu de l’argent pour taire un projet de déstabilisation du pays. C’est sur la base de ces éléments que le juge d’instruction a renvoyé le mis en cause en jugement devant le Tribunal militaire de Yaoundé pour répondre des faits de propagation de fausses nouvelles. Des informations pour lesquelles il n’a pas pu apporter le moindre élément de preuve. Il évoque pour cela, l’article 315 alinéa (3) du Code de Procédure pénale qui dispose que «l’aveu fait volontairement constitue un moyen de preuve à l’encontre de son auteur».
Par ailleurs, l’ordonnance de renvoi précise que le lanceur d’alertes ayant publié les informations litigieuses sur les réseaux sociaux, s’expose à des peines prévues par les dispositions de l’article 78 de la loi du 21 décembre 2010 relative à la cybersécurité et à la cybercriminalité. Il prévoit «un emprisonnement de six 6 mois à 2 ans et d’une amende de 5 à 10 millions de francs ou de l’une de ces deux peines seulement, celui qui publie ou propage par voie de communications électroniques ou d’un système d’information, une nouvelle sans pouvoir en rapporter la preuve de véracité ou justifier qu’il avait de bonnes raisons de croire à la vérité de ladite nouvelle. Les peines sont doublées lorsque l’infraction est commise dans le but de porter atteinte à la paix publique».
Rappelons que M. Mbombog Mbog Matip Emmanuel, qui a perdu ses jambes au cours d’un accident de circulation, avait été arrêté à son domicile au quartier Minboman à Yaoundé le 17 août 2020 par six hommes armés. Il avait été détenu au Secrétariat d’Etat à la Défense jusqu’au 7 septembre suivant, date à laquelle, il avait été traduit devant un juge d’instruction du Tribunal militaire de Yaoundé. Il avait été ensuite placé en détention provisoire à la prison centrale de Yaoundé-Kondengui. L’arrestation de M. Mbombog Mbog Matip avait suscité des réactions de certains organismes qui estimaient que sa détention était arbitraire. C’est le cas par exemple du Syndicat national des journalistes indépendants du Cameroun (SYNAJIC), qui avait entrepris des démarches pour obtenir la libération de ce dernier. Dans le même ordre d’idées le concerné lui-même avait adressé des correspondances au chef de l’Etat et aux responsables de l’Union européenne. En vain. Même la grève de la faim faite au mois de mai 2020, n’a pas pu changer la situation de M. Mbombog Mbog Matip Emmanuel.